Le vote RN confirme sa progression en Outre-mer

Le vote RN confirme sa progression en Outre-mer

"Des barrières ont sauté" dans les Outre-mer, qui pour la première fois ont majoritairement placé le Rassemblement national en...
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Par Cécile AZZARO

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Publié le

"Des barrières ont sauté" dans les Outre-mer, qui pour la première fois ont majoritairement placé le Rassemblement national en tête d'une élection, lors des européennes, analysent des experts.

La liste du Rassemblement national a quasiment fait le grand chelem en Outre-mer, seuls trois territoires ultramarins (Martinique, Wallis-et-Futuna) sur onze ayant placé dimanche le parti d'Emmanuel Macron en première position.

Dans ces territoires marqués par une forte abstention (entre 65% à Wallis et Futuna et 86% en Guyane), Mayotte offre même au RN son meilleur score national (45,56%), et à la Réunion, où le parti obtient 31,2% des voix, il est en tête dans toutes les communes.

"Le RN confirme une lente progression dans les outre-mer", note Justin Daniel, professeur de Sciences politiques à l'université des Antilles. "D'un score confidentiel obtenu par la liste de Jean-Marie Le Pen en 1999 (2,67%), on passe en 2019 à un triomphe de la liste RN" dans une majorité de territoires.

"Cette progression était contenue en filigrane dans les résultats de l’élection présidentielle de 2017", où Marine Le Pen avait réalisé "des scores jusqu’alors inégalés", ajoute-t-il.

Il s'agissait déjà d'une "percée inédite", avec 23,83% des voix au premier tour, confirme Christiane Rafidinarivo, politologue et chercheur associé au Cevipof. "Mais le FN arrivait en deuxième position dans huit territoires sur 11 et premier dans aucun. Au second tour, il a été battu avec 35,60% des voix", ajoute-t-elle.

Pour Daniel Justin, "pendant longtemps, le discours du Front national a eu du mal à prendre dans des sociétés issues de la matrice coloniale et/ou esclavagiste. Aujourd’hui, ce discours s’est banalisé au point de faire l’objet parfois d’une forme d’adhésion. Un seuil psychologique a été franchi et des barrières ont sauté".

Tous deux rappellent notamment que "Jean-Marie Le Pen n’a jamais pu mettre les pieds à la Martinique", et que face à l'hostilité, sa fille a aussi renoncé à aller aux Antilles. Mais pour les européennes, "Jordan Bardella a pu s'y rendre, en toute discrétion mais aussi en toute quiétude", note Daniel Justin.

"La longue et forte mobilisation politique des Outre-mer contre le FN et le RN a été un rempart", considère Christiane Rafidinarivo, mais "aujourd’hui, les nouvelles voies de l’information atteignent l'électorat bien avant les visites électorales et sans toujours le filtre des partis politiques ou autres leaders d’opinion".

- "fibre identitaire" -

Pour Daniel Justin, "il serait vain de nier que le discours du RN trouve un écho favorable dans plusieurs territoires ultramarins". "En se présentant comme dépouillé de ses relents racistes et xénophobes tout en cultivant le repli sur soi, en en faisant l’une des modalités de la lutte contre l’immigration (...), le parti entre en résonance avec certaines attentes ou peurs exprimées localement".

Il souligne aussi que "la prégnance de la question sociale, le sentiment que les choses n’ont pas fondamentalement changé après la grande crise de 2009 aux Antilles et en Guyane, les résultats peu probants des mesures contre la vie chère et en faveur de +l'égalité réelle+ et le sentiment croissant d’insécurité (...) constituent un terreau fertile" pour le RN.

De plus, "le +localisme+ affiché du RN, associé à la charge anti-européenne, peut faire vibrer la fibre identitaire dans certains territoires", analyse-t-il.

Autre facteur souligné par Mme Rafidinarivo: le parti a mis "des Ultramarins en position éligible sur sa liste", et notamment la guadeloupéenne Maxette Grisoni-Pirbakas, élue députée européenne. La Guadeloupe a voté RN à 23,7%.

Et en abandonnant son discours "Frexit", le parti a marqué des points "dans les Régions ultrapériphériques européennes" (Antilles, Guyane, Mayotte, Réunion), "qui se sont particulièrement appropriées la citoyenneté européenne et sont largement financées par l'UE", juge la politologue.

Elle note enfin que la participation, bien que plus faible qu'en métropole, est en hausse en 2019 en Outre-mer, et "a plus profité au RN dont la mobilisation électorale des adhérents est davantage active".

Pour Justin Daniel, "la nature du scrutin européen favorise incontestablement un parti comme le RN : il n'a pas nécessairement besoin de relais locaux pour se faire entendre (...)". Mais "plus difficiles seront, pour un tel parti, les prochaines échéances, notamment les municipales".

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