Les chasseurs monnayent désormais leur « ruralité »

Les chasseurs monnayent désormais leur « ruralité »

Le vote des chasseurs, réservoir d'au moins 1,2 million de voix majoritairement à droite, n'est plus incarné par un parti...
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Le vote des chasseurs, réservoir d'au moins 1,2 million de voix majoritairement à droite, n'est plus incarné par un parti politique, comme le CPNT, depuis que sa fédération a fait le choix en 2002 du lobbying pour monnayer son soutien, et se rapprocher l'an dernier d'Emmanuel Macron.

Les chasseurs "c'est beaucoup de monde", fait valoir Willy Schraen, le président depuis 2016 de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), reçu lundi à l'Elysée avec son conseiller controversé Thierry Coste, dont la présence avait provoqué l'ire du ministre démissionnaire de la Transition écologique, Nicolas Hulot.

Environ 1,2 million de Français détiennent un permis de chasse, mais avec les sympathisants et les familles, le réseau pro-chasse atteindrait 5 millions de personnes.

A la présidentielle de 2017, les chasseurs ont voté de manière hétérogène mais avec une prime pour l'extrême droite. Au premier tour, 30% ont voté Marine Le Pen, 20-25% François Fillon, 20% Emmanuel Macron, et 15% pour Jean-Luc Mélenchon, selon le directeur du département opinion de l'Ifop, Jérôme Fourquet, auteur d'une étude en 2013 sur le vote des chasseurs.

- Aux couleurs du CPNT -

L'hétérogénéité de vote renvoie "à de fortes disparités territoriales", avec un vote plus marqué à droite dans le Nord, et à gauche dans le Sud-Ouest, selon l'Ifop.

En outre, "ceux qui chassent le gibier d'eau dans le domaine public n'ont rien à voir avec les grands propriétaires terriens qui pratiquent la chasse à courre. Ils ne votent pas pareil", note l'ancienne ministre de l'Environnement Corinne Lepage.

Quant au sur-vote RN (ex FN), parti autour duquel gravitent pourtant des défenseurs de la cause animale, il traduit "un ras-le-bol à l'égard d'une série de mesures et une fracture géographique entre les Français ruraux, le pouvoir central et l'Europe", selon M. Schraen.

Le vote des chasseurs a longtemps été incarné par le candidat du parti CPNT (Chasse, Nature, Pêche et Traditions), "bras armé" de la FNC.

"La FNC a jugé dans les années 1990 que le lobbying n'était pas suffisant pour obtenir des avancées et qu'il fallait se compter, avancer sous ses propres couleurs", explique M. Fourquet.

Le "point d'orgue" a été atteint à la présidentielle de 2002, quand Jean Saint-Josse, le candidat CPNT, a obtenu 4,2% des suffrages soit 1,2 million de voix, en plaidant pour la chasse mais aussi en faveur des campagnes.

- Peser sur la "ruralité" -

La FNC a ensuite changé de stratégie, jugeant "plus utile et efficace d'approcher les candidats pour monnayer les voix obtenues en 2002", et refaire ainsi du lobbying, selon M. Fourquet.

En 2017, la FNC n'a ainsi pas donné de consigne de vote mais a "présenté son programme à tous les candidats. Deux l'ont signé: François Fillon et Emmanuel Macron. Et on l'a fait savoir dans les fédérations", rapporte M. Schraen.

"Je veux que la FNC reste indépendante mais pèse aux élections sur les enjeux de la chasse et de la ruralité", soutient le président de la FNC, qui a voté Fillon au premier tour puis Macron au second.

Sa fédération s'est ainsi rapprochée d'Emmanuel Macron, considéré comme le candidat des villes. "M. Coste lui dit +vous avez peu d'entrées dans les campagnes. On peut être votre allié dans ces territoires très travaillés par le FN qui est votre adversaire principal+", explique M. Fourquet.

Originaire du Pas-de-Calais, où le couple présidentiel a une maison, Willy Schraen affirme aujourd'hui qu'Emmanuel Macron, "que tout le monde a voulu urbain et bobo, comprend pour la première fois le monde rural et a une connexion directe avec la pêche et la chasse par sa belle-famille".

Le CPNT a, lui, fait le choix en 2012 d'intégrer le parti Les Républicains, où il compte deux représentants au bureau politique.

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