Les extrêmes balayés de la scène politique corse

Les extrêmes balayés de la scène politique corse

Hier, les nationalistes ont remporté le premier tour des élections territoriales de Corse avec 46,36% des voix, devançant largement la droite et La République en marche. Quant aux extrêmes, leurs listes ont été tout bonnement balayées. Ceux-ci déplorent leur éviction de l’Assemblée de Corse au détriment de la démocratie, ainsi que la mise à l’écart des questions sociales au profit de celle de l’autonomie.
Public Sénat

Par Alice Bardo

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Dominique Bucchini est de « mauvaise humeur ». Ce matin, l’ancien président communiste de l’Assemblée de Corse constate avec amertume que « (s)a formation politique va disparaître » de cet organe créé en 1982, après que la Corse a obtenu son statut particulier. Le groupe des « Élu(e)s communistes et citoyens du Front de gauche » comptait jusqu’alors trois membres sur cinquante-et-un au sein de l’assemblée délibérante corse, mais la liste « L’Avenir, la Corse en commun », qui réunissait la Corse insoumise et le PCF a récolté moins de 6% des voix au premier tour, manquant ainsi d’un point le second.

« Le problème ne se situe pas au niveau de l’autonomie »

Au-delà de cette déception politique, l’ex-maire de Sartène regrette un « débat autour de l’autonomie, qui élude les questions sociales » : « Le problème ne se situe pas au niveau de l’autonomie. Nous sommes champions de France de la pauvreté, de l’inégalité sociale, de la vie chère, et pratiquement en tête pour ce qui est du chômage. » Selon l’INSEE, l’île de beauté détient en effet le taux de pauvreté le plus important de France.

« Ce n’est pas en chantant l’indépendance qu’on nourrit les Corses », répète inlassablement Charles Giacomi. La tête de liste du Front national pour les élections essuie un échec cuisant. Alors que le parti d’extrême-droite avait récolté près de 10% des voix en 2015, il n’a rassemblé que 3,2% des suffrages dimanche. « Les gens se sont laissés emporter par le chant des sirènes », tente-t-il de justifier avant de pointer une abstention sans précédent depuis 1982. Quasiment 60% des électeurs ne se sont pas déplacés aux urnes.

« Il n’y aura plus de contradiction »

Le maire FN de Pruno (Haute-Corse) est « contre toute velléité d’indépendance » et s’oppose drastiquement à l’alliance formée entre les indépendantistes de Talamoni et les autonomistes de Simeoni. « On ne peut pas survivre financièrement sans l’État français », insiste-t-il. L’édile déplore également une perte de démocratie : « Les électeurs ont mis de côté la liste des Insoumis et celle du FN, donc il n’y aura plus de contradiction ». Au sein de l’Assemblée de Corse, le Front national comptait également trois membres. À l’issue du second tour des élections, dimanche prochain, il n’y en aura plus aucun.

Une situation « pas plus dramatique qu’en métropole »

De son côté, Nicolas Alfonsi, ancien sénateur RDSE de Corse du Sud, rejette le discours des extrêmes. Moins alarmiste, il livre une analyse plus politique que populiste car, d’après lui, la « situation (sociale) n’est pas plus dramatique qu’en métropole », voire meilleure sous certains aspects : « Le PIB de la Corse a plutôt tendance à augmenter dans des proportions plus fortes qu’en métropole ». Une allégation confirmée par un rapport de l’INSEE sur l’évolution du PIB français par région entre 1990 et 2013, qui fait état d’une augmentation constante du PIB corse depuis 2008.

La droite à l’épreuve du second tour

À défaut de s’attarder sur des questions sociales, l’ex sénateur préfère expliquer la « très forte poussée des nationalistes » au premier tour des élections. Selon lui, elle serait due à l’absence d’un front républicain, ainsi qu’à la disparition des grandes figures des partis traditionnels, tels Paul Giacobbi, à gauche, et Émile Zuccarelli, l’ancien édile de Bastia.

Reste à savoir si la droite subira une défaite aussi cuisante que celle des extrêmes dimanche prochain, ce qui confirmerait le « raz-de-marée » des nationalistes dont s’est réjoui l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni à l’issue du premier tour. Un scénario qui pourrait être évité « si la droite se réunit au second tour » d’après Nicolas Alfonsi. Au premier tour, deux listes de droite se sont opposées : celle des Républicains, menée par Valérie Bozzi (12,77% des voix au premier tour), et celle de la droite régionaliste de Jean-Martin Mondoloni, qui a obtenu 14,97%  des suffrages. La gauche n’avait quant à elle présenté aucune liste.

Quoi qu’il advienne, « la première tâche sera de s’occuper de la société » et de « combattre la précarité », prévient Antoine Franzini, spécialiste de l'histoire de la Corse.

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