Les municipales perturbent la rentrée de La République en marche

Les municipales perturbent la rentrée de La République en marche

À Bordeaux, la République en marche a tenté de déminer les tensions grandissantes autour des investitures aux municipales. Des alliés se sentent froissés et la mécanique des investitures est parfois critiquée en interne. Si des signes de bonne volonté ont été envoyés, ce week-end n’a pas permis de résoudre concrètement les problèmes.
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Les hasards sont parfois fâcheux en politique. Pour sa première université d’été, la République en marche (LREM) avait décidé de s’installer pendant deux jours à Bordeaux. La jeune formation politique l’ignorait encore au moment de choisir son point de chute pour son « campus des territoires », mais la capitale girondine est devenue révélatrice des tensions qui apparaissent autour de la stratégie à conduire pour les élections municipales du mois de mars. Plutôt que d’apporter un soutien à Nicolas Florian, le successeur (LR) d’Alain Juppé à l’hôtel de ville, comme l’aurait voulu le MoDem, les marcheurs ont investi leur propre candidat : Thomas Cazenave.

Bordeaux n’est pas la seule ville à être au cœur de désaccords entre LREM et son allié le Modem. À Rennes ou encore à Clermont-Ferrand, les investitures des macronistes Carole Gandon et Eric Faidy ont fortement déplu à la famille politique de François Bayrou. Sa présence ce week-end à Bordeaux était incertaine, mais le maire de Pau s’est finalement affiché aux côtés d’Édouard Philippe, avant de monter à la tribune lors de la clôture de l’université d’été. L’élu béarnais vient répéter les messages qu’il délivre depuis plusieurs jours. Il rappelle qu’un maire, « ce n’est pas un enjeu partisan » et que la « légitimité du pouvoir » est quelque chose d’enraciné, qui ne « vient pas toujours du sommet, d’un seul lieu de commandement ». Les propos de l’ancien ministre sont une mise en garde. « Je souhaite me tromper dans cette annonce, mais si on choisissait de transformer l’élection municipale en élection d’appareil contre appareil, alors on serait sûr de perdre. »

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Eviter la « tentation du parti hégémonique »

Lorsqu’ils se succèdent au pupitre, le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, et le Premier ministre Édouard Philippe, délivrent à peu de chose près le même message. « On ne vote jamais aux élections municipales pour une étiquette mais pour un homme ou une femme, une équipe, un projet ». L’ancien maire du Havre reprend à  son compte les demandes d’ « humilité » et de « modestie », voulues par Stanislas Guerini. Le numéro 2, Pierre Person, affirme que la « première responsabilité » est d’éviter la « tentation du parti hégémonique ».

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La diplomatie est à l’œuvre, les cadres de la macronie s’emploient à soigner leurs alliés sur l’estrade. En parallèle, les militants retrouvent leur confiance dans l’avenir, après deux journées d’échanges et de cohésion, où la quasi-totalité du gouvernement était présente. Regonflés à bloc, certains militants ne s’embarrassent pas de ces états d’âme, affirmant que le rapport de force est du côté de LREM. Pour eux, le parti a les moyens de partir seul dans la bataille. « On est là pour rassembler, mais En Marche est un parti fort », souligne Nouredine Azzouk, un militant marseillais. « Les partis historiques veulent tous se raccrocher à une branche. »

Militant LREM à Marseille : "Les partis historiques veulent tous se raccrocher à une branche"
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Un militant LREM à Marseille : « Les partis historiques veulent tous se raccrocher à une branche » (Images : Quentin Calmet et Cécile Sixou)

L’impatience des militants et des élus Macron-compatibles

Dans les faits, la situation est loin d’être aussi évidente pour le parti présidentiel, confronté aux mêmes défis que lors des scrutins de 2017. Comment conjuguer sa promesse de renouvellement politique, tout en ménageant ses partenaires Macron-compatibles déjà implantés, sans tomber dans un « système de baronnies », dont ne veut pas Stanislas Guerini ? Pour les communes de plus de 9000 habitants, la commission nationale d’investiture (CNI) planche laborieusement sur cette question depuis le mois de juin. Officiellement, les conditions sont claires : les candidats doivent s’inscrire dans une démarche de soutien sans ambiguïté au gouvernement, et des qualités éthiques. À ce jour, elle n’a effectué que 137 désignations (sur un total de 1200 communes). Pour les dix premières communes françaises, seules trois têtes de listes sont connues (Paris, Bordeaux et Lille).

Le casting doit prendre fin en décembre. En ce mois de septembre, à six mois de l’échéance électorale, les alliés ou partis Macron-compatibles commencent à s’impatienter, ils s'estiment mal servis. « Nous avons des maires sortants radicaux qui n’ont pas encore obtenu le soutien d’En marche  ou qui ont des difficultés pour l’obtenir », explique la sénatrice radicale Nathalie Delattre. La photo de famille de l’arc central, « progressiste », qui a réuni samedi soir des personnalités d’Agir, de l’UDI, du Mouvement radical, des ex-socialistes ou des anciens LR, est aussi l’occasion pour ces ambassadeurs de relayer leurs doléances. Nathalie Delattre demande que les sortants « soient respectés ». Là aussi, une liste de points chauds apparaît : Nancy, Montélimar, Tours ou encore Bourges. « C’est une démarche de parti majoritaire […] Je pense que c’est une attitude normale, simplement il va falloir qu’ils se mettent en accéléré maintenant ! »

Nathalie Delattre (Mouvement radical) : "Nous demandons à ce que les sortants soient respectés par LREM"
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Nathalie Delattre (Mouvement radical) : « Nous demandons à ce que les sortants soient respectés par LREM » (Images : Quentin Calmet et Cécile Sixou)

S’agissant du MoDem, le président du groupe LREM au Sénat, François Patriat lance le même appel. « Le MoDem a un problème de calendrier. S’ils avaient pris le même que nous, en commençant à désigner avant l’été – car il faut du temps pour faire campagne – on ne serait pas dans cette situation. Il faudrait qu’ils accélèrent le processus. La République en marche a déjà désigné des candidats, d’où les difficultés qu’il pourrait y avoir dans certaines villes. » 

L’exclusion comme dernier recours en cas de dissidence

Dans les rangs des militants, entre deux ateliers du campus où certains viennent profiter de « boîtes à idées » pour les futures campagnes à mener, la stratégie globale au « cas par cas » manque de lisibilité. « C’est un peu compliqué », constate un militant venu du Lot-et-Garonne, un autre département en attente de réponses. Quand ce n’est pas sur les lenteurs dans le processus de désignation, c’est la machine de la CNI qui crée des déceptions. Un marcheur de la Dordogne se plaint de la verticalité du mouvement pour les investitures. « On est en train de faire de faux procès à un processus qui n’est pas critiquable », balaye le ministre Julien Denormadie, qui rappelle que les comités politiques locaux font remonter leurs recommandations au siège du mouvement.

Difficile de composer avec ses alliés. Mais au sein même de LREM, les appétits se manifestent. A Bordeaux, l’entrée en campagne à Paris du député Cédric Villani à Paris, face au candidat désigné Benjamin Griveaux, n’est pas passée sous silence. Présent sur le campus, l’ancien porte-parole du gouvernement a été applaudi de façon théâtrale par quelques militants à son arrivée. Il a même eu droit au soutien du Premier ministre, lors du discours de clôture. « Il y a un excellent candidat investi par la République en marche à Paris : il s’appelle Benjamin Griveaux ».

La crainte est que le cas de Cédric Villani fasse des émules (relire notre article) : comme à Montpellier, Besançon, Lille ou encore Metz. En cas de rivalités, les instances du mouvement reproduiront la doctrine instaurée par Benjamin Griveaux et faire de preuve de souplesse. « Ce que j’ai dit, c’est qu’à chaque fois que des cas similaires pourront se présenter,  on regardera avec nos candidats investis quelle est la possibilité de rassembler in fine. Et si ce n’est pas le cas, nous pourrons exclure éventuellement », met au point Stanislas Guerini. Autre arme redoutable évoquée pour les parlementaires tentés par une aventure à la Cédric Villani : « hypothéquer » l’investiture aux législatives de 2022.

Qu’il s’agisse des dissidences, ou des soutiens aux formations alliées, LREM ne veut pas insulter l’avenir. Ne pas laisser de traces. « Aucune division locale ne doit empêcher de continuer ce qu’on fait au niveau national », conclut le délégué général.

Face aux dissidences LREM aux municipales, le parti tranchera au cas par cas (Guérini)
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Face aux dissidences LREM aux municipales, le parti tranchera au cas par cas, annonce Stanislas Guerini (Images : Quentin Calmet et Cécile Sixou)

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