Les parlementaires PS « refusent la mort annoncée du train de fret Perpignan-Rungis »

Les parlementaires PS « refusent la mort annoncée du train de fret Perpignan-Rungis »

Le 18 juillet dernier, la ligne de fret Perpignan-Rungis était suspendue jusqu’au 1er novembre après avoir roulé à vide pendant plusieurs jours. Cette décision venait conclure une séquence de plusieurs semaines de mobilisation politique et sociale de la part des élus et des syndicats contre la fermeture de cette liaison.
Louis Mollier-Sabet

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La liaison entre la plateforme Saint-Charles de Perpignan et le marché de Rungis assurait en effet jusqu’au mois de juillet dernier l’approvisionnement en fruits et légumes de la région parisienne, en la reliant notamment aux marchés marocains et espagnols. Sa vétusté a provoqué la suspension provisoire de la ligne du 18 juillet au 1er novembre, après que les trains ont circulé à vide pendant trois jours. Actuellement, ce sont donc des camions qui transportent les 1 000 tonnes quotidiennes de primeurs qui étaient auparavant acheminées par train, soit environ 20 000 camions supplémentaires sur les routes et les autoroutes françaises par an. Face à ce constat, les représentants des groupes parlementaires socialistes du Sénat et de l’Assemblée nationale entendent entamer cette rentrée parlementaire en reprenant le combat pour le maintien de cette liaison hautement symbolique. Ils ont ainsi tenu une conférence de presse le 11 septembre au Sénat avec des élus communistes et écologistes pour appeler à « garantir l’avenir du Perpignan-Rungis et du fret ferroviaire ».

« Une situation totalement anachronique »

Patrick Kanner, président du Groupe Socialiste et Républicain au Sénat, dénonce d’emblée une « situation totalement anachronique » et tous les parlementaires présents s’accordent pour souligner « une distorsion entre les grands mots employés par le gouvernement et les actes », selon les mots de la sénatrice Génération.s Sophie Taillé-Polian.

En cause, le décalage ressenti par ces élus entre les nombreuses lois présentées par le gouvernement autour des questions écologiques et de transport, et le symbole d’échec de la refonte du fret ferroviaire que constitue pour eux la suspension du train Perpignan-Rungis. « Nous sortons depuis 2017 de quatre textes de lois (Nouveau Pacte Ferroviaire, Loi d’Orientation des Mobilités, loi Énergie Climat et loi PACTE) dans lesquels des mesures auraient pu être prises pour tenter de remettre le fret ferroviaire et fluvial dans une meilleure situation », déplore ainsi le sénateur socialiste Olivier Jacquin.

Jean-Luc Gibelin, vice-président communiste aux Transports en Région Occitanie résume ce décalage dénoncé entre l’affichage et la finalité des politiques écologiques du gouvernement : « Il ne nous paraît pas possible que l’on continue à avoir en Île-de-France des produits labellisés bio mais qui ont traversé le territoire par camion alors qu’ils auraient potentiellement pu le faire par le train. »

« Cette décision n’a pas pu être prise par la SNCF sans autre forme de validation »

La méthode politique de la majorité sur ce dossier fait aussi grincer des dents les parlementaires socialistes, écologistes et communistes. Les décisions concernant la ligne Perpignan-Rungis sont prises par le gouvernement et la SNCF « sans débat parlementaire » pour le sénateur socialiste Olivier Jacquin.

Plusieurs élus critiquent aussi la réaction de la Ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, au premier rang desquels la présidente du groupe Socialiste et apparentés à l’Assemblée Nationale, Valérie Rabault. Le 17 juillet dernier, Élisabeth Borne avait en effet déclaré devant le Sénat : « Je regrette d’avoir été mise devant le fait accompli. Parce que peut-être que tout le monde était au courant de l’état des wagons… Mais vous voyez, la ministre des Transports n’avait pas été alertée sur l’état de ces wagons. »

En réponse, Valérie Rabault lui a adressé une lettre le 23 juillet où elle se déclarait « quelque peu étonnée » de cette déclaration, puisque la suppression de l’un des deux trains assurant la liaison Perpignan-Rungis est intervenue au moment où la ministre « occup[ait] la fonction de directrice de cabinet de Madame Ségolène Royal au ministère de l’Ecologie ».

Jean-Luc Gibelin précise de même que les transporteurs avaient déjà été prévenus de la fermeture de la liaison en août 2018 par la direction de la SNCF, alors que la région Occitanie ne l’a été qu’en mars 2019. Le vice-président aux Transports en Région Occitanie s’insurge alors : « Quand la ministre ose écrire qu’elle est mise devant le fait accompli, ce n’est pas possible. » « Personne ne peut imaginer qu’une telle décision en août est prise par un échelon de la SNCF sans autre forme de validation » s’empresse-t-il d’ajouter.

« La SNCF veut la mort à petit feu du Perpignan-Rungis »

Les parlementaires présents questionnent aussi la politique et la stratégie de la SNCF dans ce dossier. Le sénateur du Val-de-Marne Pascal Savoldelli s’interroge : « 19 millions ont été investis dans l’aménagement de la ligne ferroviaire de Rungis et nous en payons les amortissements, ne va-t-on donc pas demander à retrouver notre argent ? ». De même, Valérie Rabault, députée du Tarn-et-Garonne, dénonce des errements de la politique industrielle de la SNCF : « la SNCF doit arrêter de mettre la corde au cou de sociétés en augmentant les coûts de péage ou de location, nous avons d’autres exemples sur les petites lignes. » Elle renchérit : « c’est le système le plus hypocrite qui soit, celui de la mort à petit feu, qui est la stratégie mise en place avec le Perpignan-Rungis. » Pour Jean-Luc Gibelin, l’organisation du fret ferroviaire doit aussi suivre des objectifs de développement territorial : « C’est un outil tout à fait important, à la fois pour l’économie mais aussi pour la qualité des produits alimentaires de la région. »

Jean-Luc Gibelin : "Le Perpignan-Rungis est un outil important"
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Jean-Luc Gibelin, vice-président communiste aux Transports en région Occitanie.

De l’opposition et des propositions : « Nous ne sommes pas des velléitaires »

Les parlementaires présents ne souhaitent cependant pas s’arrêter au diagnostic et entendent proposer des solutions. Olivier Jacquin martèle ainsi : « Nous ne sommes pas des velléitaires », avant de citer en exemple une proposition de Valérie Rabault, que celle-ci avait adressée à Elisabeth Borne le 23 juillet dernier. La présidente du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale préconise en effet dans cette lettre d’utiliser « le compte d’affectation spécial Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs » créé par la loi de finances de 2011 pour « garantir la pérennité des relations d’équilibre du territoire assurées par la SNCF », crédité aujourd’hui de 38,6 millions d’euros.

Pour Pascal Savoldelli, à court terme, 1,2 millions doivent être affectés à la rénovation immédiate des wagons pour « remettre en place le train », tandis qu’à long terme, la construction pérenne d’un « mode de transport combiné qui évite la rupture de froid » demanderait un investissement de 20 ou 30 millions d’euros. « Qu’est-ce que c’est pour la SNCF un engagement de 30 millions d’euros sur une perspective de développement économique de 30 ou 40 ans ? » rajoute le sénateur du Val-de-Marne.

Le gouvernement et la SNCF devraient faire des annonces concernant l’avenir de la ligne Perpignan-Rungis dans les prochains jours : « Il est impossible que la SNCF ne fasse pas d’annonce », affirme Jean-Luc Gibelin, avant de conclure : « Nous serons au rendez-vous le 1er novembre ».

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