Les raisons de la crise au sein du groupe PS du Sénat

Les raisons de la crise au sein du groupe PS du Sénat

Plusieurs sénateurs PS demandent des comptes et « une clarification » à leur président de groupe, Didier Guillaume, qui a félicité Olivier Dussopt pour sa nomination au sein du gouvernement. Les sénateurs paient en réalité le compromis trouvé après les sénatoriales entre deux lignes éloignées. Le prix de leur unité.
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Un simple tweet qui vire au psychodrame. Le groupe PS est sous tension depuis vendredi soir et la nomination de l’(ex)-socialiste Olivier Dussopt comme secrétaire d’Etat à la Fonction publique auprès de Gérald Darmanin. C’est un tweet de félicitation du président du groupe, Didier Guillaume, qui a allumé la mèche. Il a salué un homme « profondément de gauche ».

Dans les minutes et heures qui suivent, plusieurs « camarades » au sein du groupe réagissent vertement, toujours via le réseau social.

Didier Guillaume minimise et ne veut pas « remettre une pièce dans la machine »

Interrogé par Public Sénat ce lundi, Didier Guillaume minimise et ne veut pas « remettre une pièce dans la machine » (voir notre article). Il rappelle qu’il est ami avec Olivier Dussopt « depuis plus de 20 ans » et souligne que Jean-Yves Le Drian reste aussi de gauche, tout en étant au gouvernement. Mais alors que François Kalfon, conseiller régional PS d’Ile-de-France, demande à Didier Guillaume de quitter ses fonctions à la tête du groupe PS, le sénateur met en garde ses camarades socialistes qui voudraient aller plus loin : « Au moment où le PS prépare le congrès, après avoir fait 6 % à la présidentielle, il faut se poser les bonnes questions et ne pas regarder ailleurs en tirant et en flinguant sur des amis, modeste président de groupe, car ce n’est pas comme ça qu’on va reconstruire et rebâtir une alternative »… Regardez (images et sujet de Sandra Cerqueira) :

Didier Guillaume : « Ce n’est pas en flinguant des amis, modeste président de groupe, qu’on va reconstruire »
02:05

Didier Guillaume renvoie au bureau national de demain. Il se dit prêt à « prendre ses responsabilités » si le bureau lui demande. « Ce n’est pas au bureau national de le décider, c’est aux  sénateurs et sénatrices socialistes » souligne à Public Sénat le sénateur PS des Hauts-de-Seine, Xavier Iacovelli, qui demande une « clarification ». La réunion hebdomadaire du groupe, ce mardi, s’annonce comme un moment de franche explication.

L’ex-ministre Laurence Rossignol, qui avait été candidate à la présidence du groupe face à Didier Guillaume, s’étonne à son tour. « Ce tweet (de Didier Guillaume) est une provocation et n’est pas à la hauteur de la fonction de président de groupe. Les sénateurs socialistes se réunissent demain comme chaque mardi et ils en parleront sans doute… » lâche la sénatrice de l’Oise à publicsenat.fr ce lundi.

Un groupe coupé en deux

Pour bien comprendre les réactions épidermiques de certains sénateurs, il faut remonter à septembre dernier. Après les sénatoriales et le départ de plusieurs socialistes vers le nouveau groupe LREM, le point d’équilibre au sein du groupe s’est déplacé vers la gauche. Entre un Didier Guillaume qui souhaitait la réussite d’Emmanuel Macron « pour la France » et des socialistes qui s’opposent clairement au chef de l’Etat, le groupe n’était pas loin de la scission. Mais l’unité a été plus forte. Lors du vote interne pour la présidence du groupe, le sénateur de la Drôme a été élu, dès le premier tour, avec 36 voix sur 70 votants. Soit une voix de plus que la majorité absolue dans ce groupe passé de 86 à 78 sénateurs. L’ex-ministre Laurence Rossignol avait rassemblé 22 voix et Martial Bourquin, sénateur du Doubs, 12 voix. La moitié des votants (34 sénateurs) n’avaient donc pas choisi Didier Guillaume.

« Est-ce que la moitié qui a voté pour lui pense toujours qu’il est le bon président ? » demande aujourd’hui un sénateur opposé à la ligne de Didier Guillaume. Sous entendu, ses déclarations pourraient changer l’équilibre interne. Mais selon le président de groupe, il n’y a pas de malaise. Il renvoie à la ligne qui a été adoptée : « Le groupe PS est très clair au Sénat. Il a dit qu’il n’était pas dans la majorité présidentielle – je ne suis pas dans la majorité présidentielle – mais qu’il n’était pas dans l’opposition, que nous voyons les choses au cas par cas, c’est ce que nous continuons à faire ».

Pour des sénateurs, plus proches de la ligne sociale-démocrate défendue par Didier Guillaume, cette avalanche de tweets n’est pas anodine. Certains attendaient-il la première occasion pour viser Didier Guillaume ? « Bien sûr » répond au tac au tac ce sénateur, qui ne préfère pas s’exprimer publiquement. Lui, comme d’autres, préfèrent que le groupe, qui a limité la casse lors des sénatoriales, reste uni, « car c’est sa force ». Mais jusqu’à quand ?

« Un accro terrible dans notre unité »

« La prise de position de Didier Guillaume ne correspond pas à la déclaration du groupe et au compromis que nous avons tous accepté », souligne le sénateur PS Rémi Féraud, « c’est un peu le contrat entre nous qui est fragilisé ». Pour David Assouline, « à partir du moment où on montre de la complaisance ou même de l’encouragement (à l’attitude d’Olivier Dussopt) par un tweet, ce qu’a fait notre président de groupe, ce n’est pas bien. (…) Ces attitudes-là, faire un peu de provocation, ce n’est pas possible quand nous sommes en responsabilité ». Regardez :

David Assouline sur le tweet de félicitations de Didier Guillaume à Olivier Dussopt
00:28

Pour Xavier Iacovelli, « l’ambiguïté vient du président de groupe. C’est à lui de la clarifier. (…) Il faut savoir s’il souhaite continuer à présider un groupe d’opposition, à faire partie de la majorité présidentielle ou être un groupe minoritaire mais en soutien au gouvernement ». Regardez :

Xavier Iacovelli : "L’ambiguïté vient du président de groupe PS du Sénat
01:09

Martial Bourquin se dit lui « vraiment peiné, meurtri par le tweet de Didier Guillaume. C’est notre responsable de groupe ». Pour le sénateur PS du Doubs, « c’est un peu trop simple de dire j’ai salué un ami. Ça ne se passe pas comme ça ». Martial Bourquin y voit « un rebondissement dans la crise du groupe PS au Sénat ». Il ajoute : « C’est un accro terrible dans notre unité ». Plus mesurée, l’ex-ministre et sénatrice PS, Hélène Conway-Mouret, « comprends qu’il félicite son copain, pas de souci. Mais il ne faut pas qu’il le fasse au nom du groupe, mais en son nom personnel ».

« Instrumentalisation du groupe »

Un autre sénateur PS, tendance gauche du parti, voit dans cette affaire « une instrumentalisation du groupe pour son propre intérêt ». Il en vient à parler de « cohabitation » au sein du groupe entre les deux lignes, qui deviendrait « de plus en plus difficile ». Avec Didier Guillaume à la tête du groupe, « on touche aux limites de l’exercice » pour ce sénateur proche des frondeurs.

Un autre lit les prises de positions de Didier Guillaume dans une optique plus lointaine. « Je pense que cela prépare d’autres choses » dit ce sénateur PS. « Derrière cela, c’est toute une équipe restée autour de Manuel Valls. Ce dernier pense qu’Emmanuel Macron va aller trop à droite et il faudra qu’ils rentrent au gouvernement, lors d’un grand remaniement, pour donner une caution beaucoup plus à gauche. Il faudra à Macron une jambe de gauche. Ce sera eux. Il faut donc banaliser l’entrée de Dussopt » analyse le même.

Pour l’heure, l’aile située plus à gauche au sein du groupe PS voudra-t-elle refaire le match demain en réunion de groupe face à Didier Guillaume ? « Tout ne va pas se régler demain » pense un sénateur. Mais les sénateurs ne feront pas l’économie d’une bonne discussion entre camarades.

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