Lettre ouverte des généraux : « Démarche séparatiste » ou « appel au secours »…les sénateurs divisés

Lettre ouverte des généraux : « Démarche séparatiste » ou « appel au secours »…les sénateurs divisés

Après plusieurs jours de silence, l’exécutif a finalement annoncé des sanctions disciplinaires à l’encontre des militaires auteurs d’une tribune polémique publiée dans Valeurs actuelles. Le groupe écologiste du Sénat a saisi le procureur de la République en vue de possible sanctions pénales. Pour certains à droite, « on ne sanctionne pas un appel au secours ».
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C’est ce qu’on appelle une polémique à longue traîne qui prend de plus en plus une tournure politique. Une semaine après sa publication dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles, la lettre ouverte des généraux réservistes dénonçant « le délitement du pays » a recueilli un soutien appuyé des cadres du Rassemblement national, poussant l’exécutif à adopter une position ferme.

Après plusieurs jours de flottement, c’est d’abord la ministre des Armées, Florence Parly qui avait annoncé des sanctions disciplinaires mardi à l’encontre des auteurs. A la sortie du Conseil des ministres, Jean Castex a fustigé un texte « contraire à tous nos principes républicains, à l’honneur, au devoir de l’armée. », dénonçant des généraux qui « ne représentent qu’eux-mêmes » une « récupération politique tout à fait inacceptable » de la part de Marine Le Pen.

Radiation des cadres pour les signataires

Les sanctions ont été détaillées ce jeudi, par le chef d’État-major des armées, François Lecointre dans Le Parisien. « Je souhaite que leur mise à la retraite d’office soit décidée. C’est une procédure exceptionnelle, que nous lançons immédiatement à la demande de la ministre des Armées » indique-t-il. Comme nous l’expliquions sur publicsenat.fr, s’ils ne sont plus en activité, les officiers généraux de la deuxième section (signataires de la lettre), restent soumis au devoir de réserve. En cas de manquement, les sanctions vont du simple avertissement à la radiation des cadres.

C’est cette dernière option, que le général Lecointre a annoncé vouloir appliquer. « Si le chef d’État-major parle, c’est avec l’accord de la ministre et du chef d’Etat. La radiation des cadres, c’est-à-dire la mise à la retraite d’office est une sanction très dure pour un officier. Elle a, de plus, des conséquences financières. J’approuve les déclarations de la ministre et du chef d’État-major. Il faut régler le problème très vite pour ne pas jeter l’opprobre sur notre armée qui est loin de ces préoccupations », assure Jean-Marc Todeschini, sénateur PS et ancien secrétaire d’Etat en charge des anciens combattants. Jean-Marc Todeschini était d’ailleurs au gouvernement lorsque l’un des principaux signataires de la tribune, le général Christian Piquemal, a été radié des cadres de l’armée en septembre 2016 après avoir organisé une manifestation interdite contre les migrants.

« La récupération politique du RN le place en dehors de la République »

Mais pour une partie de la gauche, les sanctions disciplinaires doivent s’accompagner de sanctions pénales. Après la France Insoumise, c’est au tour du groupe écologiste du Sénat de saisir le procureur de la République sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale. « Ce texte utilise le vocabulaire de l’extrême droite et profère ouvertement des menaces contre la forme républicaine de l’Etat », souligne les 12 sénateurs du groupe dans un courrier. « La réaction de l’exécutif a tardé largement, on ne peut pas se contenter d’une enquête interne. On sort de l’examen d’un texte sur le séparatisme et c’est dans cette démarche que s’inscrit cet appel » estime le président du groupe écolo, Guillaume Gontard qui ajoute : « la récupération politique du RN le place en dehors de la République. Ce n’est pas un parti républicain. »

Dans le quotidien Le Parisien, le chef d’État-major des armées réfute toute montée de la radicalisation d’extrême droite et dénombre pour le moment 18 personnes en activité, dont quatre officiers, parmi les signataires. Mais pour Sophie Taillé-Polian, sénatrice du groupe écologiste, membre de Génération(s), le général Lecointre « va peut-être un peu vite en besogne. Ce sujet mérite des éléments objectifs et une enquête, surtout après les révélations de Médiapart sur une cinquantaine de soldats néonazis dans l’armée française » appuie-t-elle.

« On ne sanctionne pas un appel au secours. On essaye de le comprendre »

De l’autre côté de l’hémicycle, le sénateur LR Henri Leroy, s’émeut de la démarche des sénateurs écologiste. « C’est lamentable. C’est ridicule. Comment peut-on vouloir envoyer devant la justice des gens qui ont servi la France, qui ont donné leur vie pour le pays ». Une considération qu’il étend au général Piquemal. « Il a redoré l’image de la légion étrangère » considère-t-il.

Ancien officier de gendarmerie, Henri Leroy juge cette lettre ouverte comme « un appel au secours qui s’adresse au gouvernement, aux parlementaires, et que l’on peut comprendre. On ne sanctionne pas un appel au secours. On essaye de le comprendre. La ministre aurait dû les recevoir au lieu de les sanctionner ». Le sénateur des Alpes-Maritimes compare la démarche des signataires à celle du général de Villiers, ancien chef d’état-major des armées, qui avait démissionné de son poste en juillet 2017 suite à un désaccord sur le budget de la défense avec Emmanuel Macron.

« L’armée Française n’est pas composée de gens qui sont dans la repentance »

« On ne peut pas reprocher aux militaires de penser à la Nation et de la défendre. C’est ce qui fait leur grandeur. Mais le gouvernement doit de son côté respecter l’histoire de l’armée. Et Emmanuel Macron n’a pas toujours été adroit avec l’armée car il ne la connaît pas assez. Il a une faiblesse sur le plan de l’histoire militaire et politique de la France » tacle Gérard Longuet, sénateur LR et ancien ministre de la Défense.

Si Gérard Longuet reconnaît que la démarche des signataires « n’est pas conforme à celle d’une armée au service de la Nation », il ne digère toujours pas certaines déclarations du chef de l’Etat, tel que la reconnaissance de la colonisation comme crime contre l’humanité. « Si c’est un crime contre l’humanité, ce n’est pas un crime de l’armée, c’est celui de Jules Ferry. Il ne faut pas faire porter à l’armée des responsabilités qui relèvent du politique. Les militaires ne peuvent pas avoir le sentiment qu’on ne respecte pas le sacrifice de leurs anciens. L’armée Française n’est pas composée de gens qui sont dans la repentance », fait-il valoir.

Selon le sondage d’Harris Interactive réalisé pour LCI, 58 % des Français soutiennent les militaires qui ont signé la tribune.

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