Levée du secret médical dans les écoles : « Un amendement que ne peut pas accepter le Sénat »

Levée du secret médical dans les écoles : « Un amendement que ne peut pas accepter le Sénat »

Mercredi soir, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi sur la « vigilance sanitaire ». Un amendement du gouvernement permet aux chefs d’établissement scolaire d’avoir accès au statut vaccinal et virologique des élèves. La mesure a de fortes de chances de ne pas passer au Sénat. La Haute assemblée l’avait déjà rejetée en juillet dernier.
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Les chefs d’établissement scolaire ont-ils besoin d’avoir accès au statut vaccinal et virologique des élèves ? Le gouvernement a tranché par l’affirmative en faisant passer un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi « vigilance sanitaire ». Déposé à la dernière minute, dimanche 17 octobre, l’amendement était passé au départ relativement inaperçu, avant que son adoption mercredi soir en séance publique ne suscite la polémique.

Pour l’exécutif, cette levée du secret médical est justifiée car les établissements scolaires mettent « en œuvre un protocole sanitaire, qui implique, en cas de détection de cas positifs, du contact tracing, la fermeture de classes et la gestion du retour à l’école des élèves dans des conditions différenciées selon qu’ils ont été en contact avec une personne positive, ont des symptômes, ont été testés positif ou négatif, sont vaccinés ».

Or, la mise en œuvre du protocole sanitaire « est excessivement difficile » car il repose « sur des attestations sur l’honneur des parents qui ne sont pas forcément « véridiques » a mis en avant la députée LREM, Aurore Bergé sur franceinfo.

« Ça va surtout nous mettre en difficulté vis-à-vis de certaines familles, comme les antivax »

Se voulant pragmatique, la mesure est pourtant accueillie froidement par les chefs d’établissement qui pointe l’excès de zèle du gouvernement.

« Nous n’étions pas demandeurs parce que nous n’en avons pas besoin. En ce sens, c’est une surprise. Mais ça va surtout nous mettre en difficulté vis-à-vis de certaines familles, comme les antivax », craint Didier Georges, secrétaire national du SNPDEN-UNSA (Syndicat National des Personnels de Direction de l’Éducation Nationale). Les chefs d’établissements sont d’autant plus surpris qu’ils avaient eux-mêmes évoqué cette question avec le ministère au mois d’août, mais depuis la rentrée et la baisse du taux d’incidence, « ce n’est plus utile », selon eux. « Nous ne sommes jamais preneurs quand il s’agit d’avoir accès aux données médicales. Sauf si bien sûr la pathologie d’un élève à des conséquences pédagogiques. Mais pour le reste, c’est du ressort du médecin et de l’infirmière scolaire. Nous faisons beaucoup de choses en matière de prévention. Mais quand il s’agit de la résolution d’un problème de santé, les parents et les élèves considèrent que les établissements scolaires ne sont pas des lieux adaptés. On l’a vu avec les autotests. Il nous en reste des millions sur les bras. Même chose pour la vaccination en milieu scolaire, c’est un échec. Les familles préfèrent aller dans les centres de vaccination », explique Didier Georges.

« Ça ne me choque pas qu’un chef d’établissement puisse avoir accès au parcours vaccinal d’un élève puisqu’un restaurateur ou un hôtelier en a le droit. Je m’étonne qu’on s’étonne. Historiquement, l’école a été le lieu où on a éradiqué les maladies infantiles. C’étaient les médecins scolaires qui vaccinaient les enfants », estime au contraire Max Brisson, vice-président LR de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat.

« Les élèves n’ont pas à faire les frais de décisions prises par leurs parents »

Mais cette mesure déjà prévue dans le projet de loi de gestion de la crise sanitaire cet été, n’avait pas survécu à la navette parlementaire. Les sénateurs l’avaient supprimé dès son passage en commission des lois, estimant que cette dérogation au secret médical n’était pas justifiée. « L’école ne doit faire aucune distinction entre élèves selon qu’ils sont vaccinés ou pas, car la vaccination n’est pas obligatoire. Les élèves n’ont pas à faire les frais de décisions prises par leurs parents. Je ne peux accepter cet amendement déjà rejeté par le Sénat en juillet », a réagi le sénateur LR, Philippe Bas rapporteur LR des textes sanitaires.

» Lire notre article : Passe sanitaire : les sénateurs dénoncent un texte adopté « un pistolet sur la tempe »

« C’est inconcevable. On veut confier aux chefs d’établissement un rôle qui n’est pas le leur. La règle générale, c’est que le secret médical n’est partagé qu’entre soignants. Et d’ailleurs, les chefs d’établissement, comme les enseignants, ne sont pas eux-mêmes soumis à l’obligation vaccinale », fait remarquer le sénateur centriste, Loïc Hervé, membre de la Cnil et fervent opposant au passe sanitaire.

» Lire notre article : Passe sanitaire prolongé : les sénateurs veulent plus de contrôle du Parlement

« Une façon déguisée de dire que la vaccination est obligatoire »

Le président du groupe socialiste du Sénat, Patrick Kanner est quant à, lui « très très réservé » sur cette mesure. « Ça ne me paraît pas être le rôle d’un chef d’établissement que de contrôler la situation sanitaire des enfants » a-t-il déclaré sur Public Sénat. Car comme le relève le sénateur Nord, le vaccin contre le covid- 19 ne fait pas partie des 11 vaccins obligatoires pour pouvoir être inscrit à l’école. Le groupe socialiste du Sénat n’est d’ailleurs pas parvenu à faire adopter sa proposition de loi en ce sens. « On a été un peu seuls à défendre cette mesure dans l’hémicycle. Et on voit bien aujourd’hui avec cet amendement du gouvernement que c’est une façon déguisée de dire que la vaccination est obligatoire », juge Sylvie Robert, sénatrice socialiste, vice-présidente de la commission de la culture et de l’éducation.

Sylvie Robert se dit « extrêmement étonnée de voir cette question revenir maintenant alors que les chefs d’établissement ont joué le jeu et ont participé à l’effort de vaccination. Ils ont installé une relation de confiance avec les parents et on veut leur donner un rôle de contrôleur qu’ils ne veulent pas avoir ». Membre de la CNIL, la sénatrice souligne aussi. « A partir du moment où vous donnez accès à des données. Il faut se poser deux questions : Est-ce que c’est nécessaire et pour quelle finalité ? Cet accès devrait être encadré par les délégués la protection des données des rectorats et la CNIL devra être saisie ».

Ce projet de loi qui permet au gouvernement de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 sera examiné par les sénateurs à partir du 28 octobre.

 

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