Un peu de couleur rompait la morosité de cette matinée grisâtre, devant le Sénat, mardi matin. 348 gilets de sauvetage orange vif ont été déversés sur l’asphalte devant la porte du Sénat. Chacun était floqué d’un nom de sénateur : « Estrosi Sassone », « Billon », « Procaccia » pouvait-on lire sur la matière imperméable.
Aux commandes, de cette « opération gilets de sauvetage », un collectif d’habitants du nord-est de Paris, nommé familièrement « Accueil de merde », venu exprimer son mécontentement à l’occasion de la discussion en séance publique du projet de loi asile et immigration par la chambre Haute.
348 gilets de sauvetage aux noms des sénateurs
Des sénateurs socialistes et communistes ont rejoint les rangs des militants. Parmi eux, Esther Benbassa, sénatrice de Paris rattachée au groupe communiste, a exprimé son indignation au micro de Public Sénat. « Ce n’est pas la première fois que je défends les exilés, je fais le tour de France, je vais de Calais, à Menton, en passant par Ouistreham. Je suis là parce que je veux être chef de file aujourd’hui avec d’autres collègues, pour la loi asile et immigration » déclare-t-elle. « Je suis là parce que je crois en cette cause, et j’en ai assez de cet accueil insupportable. Au nom de l’appel d’air, on maltraite aussi bien les femmes, les enfants, les hommes exilés » déplore-t-elle avant de rappeler la polémique du navire de l’Aquarius : « Ce qui s’est passé en Espagne avec l’Aquarius, montre que la solution ne viendra que d’une concertation européenne et d’une juste répartition des migrants. Ce n’est pas avec des lois affichages qu’on va faire avancer les choses » réplique la sénatrice, qui pointe du doigt les précédents gouvernements : « C’est une situation insupportable, il faut que ces gouvernements, le précédent et celui d’aujourd’hui, cessent de regarder l’extrême droite et la droite dure pour gérer la question des migrants ». Selon elle dans ce projet de loi, « l’exilé sort perdant ».
Josselin Tricou, membre du collectif d’habitants du Nord-Est de Paris « Accueil de merde », explique le but de cette opération : « Le tas de gilets, ça renvoie forcément dans nos imaginaires à Lesbos, à Lampedusa, et à tous ces gens qui ont disparu en Méditerranée. C’est quand même 35 000 personnes qui sont décédées entre l’Afrique et l’Europe depuis 1993, c’est énorme. Et je crois qu’il s’agissait aussi de ramener ces morts et ces vies violentées devant le Sénat, devant nos élus, devant les médias, les citoyens et les citoyennes, pour se rendre compte de ce qu’on fait » déclare-t-il. « On a une responsabilité dans toutes ces morts ».
« On a une responsabilité dans toutes ces morts »
Selon le militant, la loi actuelle est inefficace : « Ça fait deux ans qu’on œuvre auprès des migrants, et ça fait deux ans qu’on se rend compte que l’action publique est inadaptée, inefficace, et qu’elle coûte cher. Mettre une centaine de CRS tous les jours dans les rues pour disperser trois-quatre migrants, ça coûte cher, alors qu’il suffirait de les mettre dignement dans des conditions, pour qu’ils puissent d’abord se reposer, ils sont épuisés, et dans des conditions pour qu’ils puissent repartir dans la vie » explique-t-il. « Ce texte va d’abord enfreindre des conventions internationales, on ne met pas des enfants en prison, on ne met pas des gens en prison alors qu’ils n’ont commis aucun crime, et il ne va pas résoudre magiquement la situation » déplore Josselin Tricou.
« C’est ça qu’on veut dire aussi, aux sénateurs et sénatrices, qui sont nos représentants et nos élus, qu’ils bougent les lignes » conclut-il.