Loi littoral: après les remous, le gouvernement donne des gages

Loi littoral: après les remous, le gouvernement donne des gages

Face aux protestations grandissantes, les députés ont vendredi lâché du lest sur des dérogations à la loi littoral, pour permettre de nouvelles...
Public Sénat

Par Anne Pascale REBOUL

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Face aux protestations grandissantes, les députés ont vendredi lâché du lest sur des dérogations à la loi littoral, pour permettre de nouvelles constructions dans les "dents creuses" mais strictement encadrées.

Les parlementaires avaient voté mi-mai en commission un amendement LREM au projet de loi sur le logement permettant, au cas par cas, le comblement des "dents creuses", des parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un même hameau. C'est une revendication de nombreux élus de communes du littoral mais qui est contestée par les associations de défense de l'environnement.

Le communiste Sébastien Jumel s'était alors demandé "ce que pense (Nicolas) Hulot", ministre de la Transition écologique absent du débat, de la mesure.

Dès jeudi soir dans l'hémicycle, gouvernement et majorité se sont défendus d'être des "bétonneurs" face aux critiques de l'opposition.

Elu de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), Gilles Lurton (LR) a évoqué le "cri qui monte de la France entière pour préserver" les littoraux, estimant que s'il faut toucher à la loi de 1986, ce n'est "que d'une main tremblante".

L'ensemble de la gauche a demandé d'éviter toute "précipitation" et de ne pas "ouvrir la boîte de Pandore".

L'élu corse Jean-Félix Acquaviva (non-inscrit) a aussi appelé les députés à être "des sentinelles" de la loi littoral: "nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, les forces de l'argent sont toujours là".

"Sans faire de mauvais jeu de mots, ce sujet est explosif dans certaines régions", a lancé vendredi le socialiste François Pupponi, élu de Seine-Saint-Denis mais attaché à la Corse. Dans le texte, "il n’y en a que pour les Bretons!", s'est-il récrié.

- Tricoter "dans le bon sens" -

Le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard lors des questions à l'Assemblée le 23 mai 2018
Le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard lors des questions à l'Assemblée le 23 mai 2018
AFP/Archives

Pour sa part, le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard a réaffirmé "tenir bon sur la loi littoral" et mis sur la table, avec son secrétaire d'Etat Julien Denormandie, un amendement pour éviter "des interprétations malencontreuses".

La "possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires" ne pourra pas "s’appliquer ni dans la bande des 100 mètres" du littoral, ni "dans les espaces proches du rivage", indique son exposé des motifs. Les "rives des plans d’eau", comme en montagne, ne seront pas concernés non plus, a fait préciser la droite.

Autre garantie donnée, via des propositions LREM, MoDem et LR: les nouvelles constructions devront améliorer "l’offre de logement" ou prévoir l'"implantation de services publics". Et une urbanisation dans les "dents creuses" ne pourra porter atteinte "à l’environnement ou aux paysages".

"Il y a un peu plus de trente ans, il a fallu expulser les marchands du temple" qui avaient "abîmé" le littoral, et le "chemin" proposé par le gouvernement ne leur "rouvre" pas la porte, s'est félicité Eric Alauzet, élu LREM issu des rangs écologistes.

Assez isolée, l'Insoumise Sabine Rubin s'est élevée contre l'ensemble du dispositif, jugeant qu'"on détricote la loi littoral" malgré ces ajustements. "On tricote dans le bon sens", lui a rétorqué M. Mézard.

Autre retour sur un vote de la majorité en commission: ont été supprimées des dérogations à la loi littoral pour l'implantation de projets photovoltaïques, comme il en existe actuellement pour les éoliennes. "Les projets solaires sont très fortement consommateurs d’espaces et sont particulièrement impactants du point de vue paysager", a relevé le gouvernement, finalement appuyé par tous les groupes politiques.

Autre recul du gouvernement face à la contestation: les dérogations introduites en commission pour permettre l’installation en "discontinuité d'urbanisation" d’équipements collectifs dans les territoires "ultra-marins" et "insulaires de métropole" ont été supprimées.

"Aucun député d'outre-mer n'a rien demandé pour son territoire pour je ne sais quel projet", avait protesté la députée PS de la Réunion Ericka Bareigts, comme l'ensemble de ses collègues d'outre-mer et de Corse.

Dans un communiqué commun avec MM. Mézard et Denormandie, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a globalement salué "le travail du Parlement qui reste fidèle à cette loi (littoral) pilier du droit de l’environnement". Cette loi "a permis de préserver nos côtes de l’urbanisation depuis plus de 30 ans, et ce malgré la pression foncière. La plupart de nos voisins européens et au-delà nous l’envient", a ajouté le ministre, qui s'était dit mardi "déçu" par un autre vote de l'Assemblée, sur le glyphosate.

La première lecture du projet de loi "Elan" et ses quelque 2.000 amendements restants doit se poursuivre jusqu'à mercredi, week-end compris.

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

Loi littoral: après les remous, le gouvernement donne des gages
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le

Jordan Bardella visite Poste-Frontiere de Menton
5min

Politique

Elections européennes : la tentation des seniors pour le vote RN, symbole de « l’épanouissement du processus de normalisation » du parti, selon Pascal Perrineau

Alors que la liste menée par Jordan Bardella (31.5%) devance de plus de 14 points la liste Renaissance, menée par Valérie Hayer (17%), selon le dernier sondage IFOP-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le parti de Marine Le Pen, mise désormais sur l’électorat âgé, traditionnellement très mobilisé pour les élections intermédiaires. Désormais deuxième force politique chez les plus de 65 ans (le RN conquiert 24% de cet électorat, 7 points de moins que Renaissance), la stratégie semble porter ses fruits. Décryptage avec le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite à Sciences Po Paris et récent auteur de l’ouvrage Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République, aux éditions Odile Jacob.

Le