LR : la crise avec Calmels interroge la capacité de Wauquiez à rassembler

LR : la crise avec Calmels interroge la capacité de Wauquiez à rassembler

En limogeant la numéro 2 du parti, Virginie Calmels, Laurent Wauquiez traverse sa première forte crise depuis qu’il a pris la tête de LR. Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse rappelle la nécessité de rassembler, plutôt qu’un « rétrécissement » de la droite.
Public Sénat

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Retour vers le futur, chez Les Républicains. Encore une fois, l’histoire semble se répéter au sein du parti de droite, où les oppositions entre chefs émaillent la vie du parti depuis des années. Le nouvel épisode concerne Virginie Calmels, numéro 2 du parti. Elle vient d’être limogée de ses fonctions par le numéro 1, Laurent Wauquiez, qui l’avait nommée à ce poste. L’adjointe au maire de Bordeaux, Alain Juppé, a multiplié les critiques publiques depuis l’impression d’un tract du parti, titré « pour que la France reste la France ». Des critiques formulées encore la semaine dernière, sur Public Sénat. « Je ne veux pas de cette porosité avec le FN » avait prévenu Virginie Calmels, avant l’interview de trop, dimanche, dans Le Parisien.

Virginie Calmels a choisi « l'isolement en attaquant publiquement la feuille de route » des Républicains, a expliqué Laurent Wauquiez lundi dans un courriel aux adhérents du parti. « Dans le respect des différentes sensibilités qui font la richesse de notre mouvement, il est indispensable que notre équipe soit unie pour porter la voix de la droite. Il n'y a pas de place pour les petites chapelles ou les aventures personnelles. On ne laissera pas les divisions nous affaiblir », écrit Laurent Wauquiez dans ce courriel, dont l'AFP a obtenu copie.

Les soutiens de Laurent Wauquiez ont fait le service après-vente lundi. « Quand vous êtes numéro 2 d’un parti, vous ne pouvez pas faire une interview en mettant en cause le numéro 1, ce qu’elle a fait » souligne à publicsenat.fr le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. « Est-ce que dans une équipe de foot, vous imaginez un joueur mettre un but contre son camp ? » demande Geoffroy Didier, secrétaire général délégué de LR. « On demande juste un devoir de solidarité ». Regardez (images Jordan Klein) :

Geoffroy Didier sur le départ de Virginie Calmels : "Est-ce que dans une équipe de foot, vous imaginez un joueur mettre un but contre son camp ?"
01:05

Sarkozy : « Sans le rassemblement rien n'est possible »

Face à cette première crise sérieuse de l’ère Wauquiez aux LR, les anciens poids lourds de la droite sont sortis de leur réserve. Même Nicolas Sarkozy, c’est dire. « Je n’ai pas envie de parler de tout ça, c'est plus ma vie, c'est autre chose, chacun fait ce qu'il croit devoir faire. Moi je ne peux dire qu'une seule chose : j'aimerais que tout le monde comprenne cette idée simple, que sans le rassemblement rien n'est possible, et qu'il faut se rassembler » a mis en garde l’ancien Président lors d'un déplacement à Port-Leucate. Alain Juppé a lui plutôt défendu son adjointe. Son soutien à Laurent Wauquiez avait pourtant compliqué leurs relations. Le maire de Bordeaux a souligné que « la loyauté, ce n'est pas l'alignement sur une position unique ». « Il semble qu'elle ne soit pas parvenue à faire jouer son rôle au sein du parti, elle en a tiré les conséquences ».

Valérie Pécresse, qui avec son mouvement « Libres ! » se place de fait en adversaire de Laurent Wauquiez pour l’avenir, y est allée aussi de sa petite phrase, ce matin, lors d’une conférence de presse sur l’Europe : « Je me suis inquiétée il y a six mois du rétrécissement de notre famille politique, c'est un danger, une menace pour la droite française ». La présidente de la région Ile-de-France ajoute : « Je cite souvent Nicolas Sarkozy, dans une phrase qui à mon avis est la clef de toute la politique : « Quand on se rétrécit, on perd. Quand on s’élargit, on gagne » ». Regardez :

Pécresse : "Quand on se rétrécit, on perd. Quand on s’élargit, on gagne"
00:52

« On était tombé d’accord sur une motion de synthèse »

Pour Marc Philippe Daubresse, les critiques répétées de Virginie Calmels n’avaient pas de sens. Il s’en étonne encore. « On a eu plusieurs débats avec l’équipe dirigeante sur la ligne. Elle s’est largement exprimée, moi aussi, comme d’autres. On était tombé d’accord sur une motion de synthèse, qui servait de base à notre conseil national sur l’Europe. Sur le fond, il n’y avait pas de distorsion » assure le sénateur du Nord, qui fait partie du « conseil des sensibilités, qui rassemble 10 personnes », dont Virginie Calmels. Selon l’ancien ministre de la Ville, son coup de gueule a en réalité d’autres origines :

« Son problème vient plus du choix de la tête de liste aux européennes. Elle s’est rendu compte que ce ne serait peut-être pas elle ».

Mais contrairement à ce que disent les soutiens de Laurent Wauquiez, Virginie Calmels n’est pas tout à fait seule dans ses critiques. Sophie Primas, secrétaire générale adjointe de LR, ressent aussi un problème dans le fonctionnement de la direction. Dans un entretien à publicsenat.fr, elle demande à Laurent Wauquiez de mieux « intégrer l’ensemble des composantes » de la droite. « Pour l’instant, le rassemblement est difficile à faire aux LR » regrette la sénatrice des Yvelines. Pour ça, « il faut travailler à un positionnement ouvert, très différent du FN » souligne Sophie Primas.

Longuet : « Ça conforte l’idée d’un isolement progressif de Laurent Wauquiez »

Le sénateur LR Gérard Longuet estime que cet épisode n’est que la conséquence d’un manque de réflexion sur le positionnement du parti. L’ancien ministre de la Défense le dit avec le franc-parler qu’il affectionne : « Le drame de cette affaire, c’est que Laurent Wauquiez a été élu président largement, car il n’y avait pas vraiment d’autre candidat, car il est volontaire et qu’il a une bonne gueule. Les militants se sont dit « pourquoi pas lui », sans avoir de véritable analyse politique. Maintenant, il est rattrapé par le fait qu’une fraction importante des LR n’est pas sur sa ligne politique ».

Ce qui n’arrange rien à la situation, c’est que « Laurent Wauquiez n’a jamais manifesté depuis sa carrière politique un sens de la fidélité et de la mesure. Il est plutôt dans l’énergie et la volonté personnelle » souligne Gérard Longuet. Le clash avec Virginie Calmels pourrait cornériser le numéro 1 de LR. « Ça conforte l’idée d’un isolement progressif, qu’il y a un décalage entre Laurent Wauquiez et les élus » pense le sénateur de la Meuse. Au final, « ce n’est pas payant du tout ». Un constat d’isolement que récuse Marc-Philippe Daubresse : « Ce serait vrai si vous aviez aujourd’hui un tiers de l’équipe dirigeante qui part. Aujourd’hui, c’est une personne ». Il rappelle que la ligne Wauquiez « a été validée par 75% des militants. La ligne Calan-Juppé a fait moins de 10%... »

Karoutchi : « Maintenant, c’est à Laurent Wauquiez de dire comment il fait pour que tout le monde se sente bien »

Avec cet épisode, c’est aussi la capacité de Laurent Wauquiez à incarner le leadership à droite, en vue de 2022, qui est en jeu. Est-il un bon numéro 1 ? « Je ne sais pas » lâche ce matin Roger Karoutchi, présent aux côtés de Valérie Pécresse. « Le seul élément, c’est que j’aimerais qu’il soit plus dans l’apathie ». Autre conseil : « Fais-toi aimer. Pas seulement craindre ». Pour Roger Karoutchi, qui jouit d’une certaine expérience et a connu une série de crises à droite, « il ne faut pas dire que ce qui s’est passé hier est le drame absolu. C’est l’aboutissement de quelque chose qui couvait depuis longtemps. Maintenant, c’est à Laurent Wauquiez de dire comment il fait pour que tout le monde se sente bien ». Regardez :

Karoutchi sur le limogeage de Calmels : "Il ne faut pas dire que ce qui s’est passé hier est le drame absolu"
00:47

Une chose est sûre : ces nouvelles turbulences à droite ne vont pas faciliter la reconstruction. Roger Karoutchi préfère encore en sourire : « Dans l’état dans lequel on est, c’est plutôt de savoir si oui ou non on rebondit du fond de la piscine. Parce que franchement, la guerre des chefs, c’est bien quand on est très puissant, que le pouvoir est à portée de main. Dans l’état dans lequel on est, je ne sais pas ce qui est à portée de main… »

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

LR : la crise avec Calmels interroge la capacité de Wauquiez à rassembler
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le

Jordan Bardella visite Poste-Frontiere de Menton
5min

Politique

Elections européennes : la tentation des seniors pour le vote RN, symbole de « l’épanouissement du processus de normalisation » du parti, selon Pascal Perrineau

Alors que la liste menée par Jordan Bardella (31.5%) devance de plus de 14 points la liste Renaissance, menée par Valérie Hayer (17%), selon le dernier sondage IFOP-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le parti de Marine Le Pen, mise désormais sur l’électorat âgé, traditionnellement très mobilisé pour les élections intermédiaires. Désormais deuxième force politique chez les plus de 65 ans (le RN conquiert 24% de cet électorat, 7 points de moins que Renaissance), la stratégie semble porter ses fruits. Décryptage avec le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite à Sciences Po Paris et récent auteur de l’ouvrage Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République, aux éditions Odile Jacob.

Le