LREM reprend espoir avec Agnès Buzyn à Paris : un «combat qui a de la gueule»

LREM reprend espoir avec Agnès Buzyn à Paris : un «combat qui a de la gueule»

La nouvelle candidate LREM à la mairie de Paris, Agnès Buzyn, prend le risque de quitter son ministère en pleine crise du coronavirus et de l’hôpital. Mais plus rassembleuse, elle coche toutes les cases pour le parti. Le mouvement a su aussi montrer sa capacité à gérer la crise. Si bien qu’en interne, on croit encore aux « chances de gagner Paris ».
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Winston Churchill avait promis « du sang » et « des larmes ». Agnès Buzyn, nouvelle candidate LRME à la mairie de Paris, a déjà les larmes. Pour sa passation de pouvoir au ministère de la Santé, ce lundi 17 février, avec le député Olivier Véran, celle qui succède à Benjamin Griveaux n’a pu cacher sa franche émotion (voir la vidéo). Certains reprochaient à l’ancien porte-parole du gouvernement un manque de chaleur. On en est loin. Mais commencer une campagne en larmes est pour le moins disruptif.

« C’est aujourd’hui un nouveau départ. Tout commence maintenant » a lancé Agnès Buzyn, qui s’est référée justement au premier ministre anglais, qui a mené son peuple durant la Seconde guerre mondiale : « Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte ». Alors à un mois du premier tour, elle continue la campagne stoppée en plein élan, après le retrait de Benjamin Griveaux suite à la diffusion de vidéos personnelles à caractère sexuel.

Comment, en à peine deux jours, Agnès Buzyn a-t-elle pu passer de ministre de la Santé à meilleur choix possible pour reprendre la campagne ? Invitée de France Inter vendredi matin, l’aujourd’hui ex-ministre de la Santé avait pourtant clairement écarté l’idée : « Je ne pourrai pas être candidate aux municipales : j'ai déjà un agenda très chargé, j'ai beaucoup de réformes dans le ministère, et s'est rajouté un surcroît de travail avec la crise du coronavirus, qui aujourd'hui m'occupe énormément »…

« C’est un nom qui a été évoqué très tôt »

La ministre avait en réalité en tête la capitale depuis quelques mois. François Bayrou avait déjà pensé à elle – et Jean-Louis Borloo – comme plan B pour Paris. Après l’explosion en vol de Benjamin Griveaux, sa personne est vite apparue dans la short list. « C’est un nom qui a été évoqué très tôt dans les discussions, dès vendredi » explique-t-on du côté de La République en marche. L’ex-secrétaire d’Etat Mounir Mahjoubi, le sénateur Julien Bargeton ou le député Sylvain Maillard se sont dits prêts à relever le défi. Mais une forme de « consensus » se dessine vite autour du nom de Buzyn, qui a exprimé son envie, point important.

Un choix qui s’est évidemment fait avec l’accord de l’Elysée. « Beaucoup de personnes penchaient soit pour Stanislas (Guerini, Délégué général de LREM), soit pour Agnès. C’est un choix directement remonté. On a beaucoup parlé de Mahjoubi, Bargeotn, etc. Mais dans les discussions au sommet, le vrai cas qui faisait consensus, c’était autour de son nom » confie un dirigeant du parti, puis « Emmanuel Macron a eu Agnès Buzyn par téléphone ».

« L’horizon s’éclaircit », « elle rebat les cartes »

Aujourd’hui, tout le monde se range derrière sa personne, qui semble convenir à tous. Même si en réalité, il n’y a guère le choix. « C’est la candidature qui rassemble, crée une nouvelle dynamique et permet de se positionner au-dessus de Rachida Dati et d’Anne Hidalgo et d’être davantage sur le projet d’alternance » salue Pierre Person, député LREM de Paris et numéro 2 du mouvement. « C’est une grande dame pour une grande ville » pour François Patriat. « Sidéré » vendredi dernier, face à la « chose terrible, horrible » arrivée à Benjamin Griveaux, pour qui il ne cache pas son « amitié », le président du groupe LREM du Sénat voit en Agnès Buzyn celle « qui rassemble, incarne très bien Paris, avec une notoriété réelle, des compétences, une humanité, une sensibilité plutôt de gauche ». Si Sylvian Maillard se serait bien vu y aller, il est aujourd’hui « 100% derrière elle ». Le député LREM de Paris ajoute : « L’horizon s’éclaircit. On a une très bonne candidate, fédératrice ».

Quant à Julien Bargeton, il pense que « c’est une chance pour Paris de passer d’un pouvoir solitaire à un pouvoir solidaire. Elle rebat les cartes. Si j’en juge à la virulence du camp opposé, c’est qu’elle inquiète, fait peur ». Les socialistes, notamment, ont en effet attaqué la nouvelle candidate sur son choix de lâcher son ministère en plein coronavirus et alors que la crise de l’hôpital est toujours là. « Faire passer le sauvetage du Titanic macroniste à Paris après la réforme des retraites, la crise de l’hôpital public, de la bioéthique, la gestion de la crise du coronavirus... ben dis donc.... pas glorieux pour les politiques publiques » a attaqué sur Twitter la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie.

« Il n’y a aucune candidature parfaite »

Chez LREM, si on a conscience de cette limite, elle n’est pas jugée bloquante. « Il n’y a aucune candidature parfaite, dans tous les cas », reconnaît un député, « mais les retraites sont portées par Matignon depuis des mois. Et Laurent Pietraszewski et Olivier Véran connaissent parfaitement le sujet. C’est ceinture et bretelles ». « Bien sûr qu’on allait dire ça. Mais sur le coronavirus, les équipes sont en place » dit un autre parlementaire. Reste à voir quelle en sera la perception dans l’opinion publique.

L’affaire Griveaux a au moins un mérite pour le parti et Stanislas Guerini. La gestion de la crise s’est transformée en crash test, ou plutôt stress test – en finance, la capacité d’une banque à résister à un incident majeur – grandeur nature. C’est ce que souligne le sénateur Julien Bargeton :

Le mouvement a conservé son unité durant trois jours. Il a parfaitement fonctionné dans une telle tempête. On a montré qu’on pouvait se serrer les coudes. Notre mouvement a montré sa maturité en affrontant une telle crise. Il a su résister.

Rapprochement avec Villani : « Agnès Buzyn ne sera pas un frein, bien au contraire »

Si tous les marcheurs vantent la capacité de rassemblement d’Agnès Buzyn, pour l’heure, Cédric Villani, candidat dissident de La République en marche, est toujours en piste. Mais certains caressent l’espoir d’un rapprochement pour le second tour. La candidature Buzyn mettrait même de l’huile. « Si Agnès Buzyn permet le rassemblement avec Villani, c’est une bonne chose. Ça ne sera pas un frein, bien au contraire » selon un député. Dès samedi, Stanislas Guerini a rencontré le mathématicien. Des « discussions plutôt sur le second tour » explique-t-on. Lundi, c’est Agnès Buzyn qui a tendu la main et s’est entretenue avec lui. Cédric Villani a posé « ses conditions pour envisager d'éventuelles convergences », selon un communiqué de son équipe. Il demande notamment « un plan d'investissements de 5 milliards pour le climat, l'agrandissement de Paris », « le tirage au sort » de certains élus parmi la population. Il réclame enfin « un accord de second tour avec les Verts pour réussir l'alternance à Anne Hidalgo sur une base écologiste et progressiste ».

Une question moins politique explique aussi pourquoi une fusion immédiate n’est pas évidente : « D’un point de vue technique, et financièrement, c’était compliqué » glisse un parlementaire. La fusion des comptes de campagne, au moment où les dépenses sont déjà bien avancées, aurait freiné ce qui reste de campagne à Agnès Buzyn.

« J’ai repris le moral »

Ce qui arrive à La République en Marche est-il finalement un mal pour un bien, dans une campagne qui ne décollait pas ? Méthode Coué ou vrai espoir, certains semblent en tout cas y croire à nouveau. « J’ai repris le moral. La campagne de Benjamin ne marchait pas bien, s’enlisait. On repart avec une nouvelle candidature, une femme » se réjouit un parlementaire LREM. Le même ajoute :

C’est un combat qui va avoir une vraie gueule, avec un vrai enjeu. C’est une belle affiche, avec une candidate apaisée, un peu Simone Veil : dignité, responsabilité, compétence. Elle n’est jamais dans l’excès.

La bataille serait encore complètement gagnable, selon un responsable macroniste, pour qui l’arrivée d’Agnès Buzyn en est la preuve : « Bien sûr, on ne demande pas à un ministre, notamment de la Santé, dans cette période, de sortir du gouvernement si c’est pour une candidature de témoignage. Il y a une réelle chance de gagner Paris ». La peur peut-elle changer de camp ? Il est trop tôt pour le dire. Les prochains sondages seront scrutés avec attention par toutes les équipes.

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