Lutte contre l’islamophobie : une manifestation « casse-gueule » pour la gauche ?

Lutte contre l’islamophobie : une manifestation « casse-gueule » pour la gauche ?

Élus, syndicalistes, journalistes… Une cinquantaine de personnalités ont signé une tribune qui appel à manifester dimanche prochain pour dire « Stop à l’islamophobie ». Une mobilisation qui divise au sein de la gauche, en raison pour certains, de « l’ambiguïté » du terme islamophobie.
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« On passe de la défense de la République et de la laïcité, à la défense d’une communauté religieuse. Même s’il y a un climat contre les musulmans qui est irrespirable en ce moment, manifester dimanche, c’est quand même casse-gueule ». À la sortie de la réunion hebdomadaire du groupe socialiste du Sénat, ce mardi, un sénateur ne cachait pas son embarras par rapport à la manifestation contre « l’islamophobie » prévue dimanche 10 novembre.

« J’aimerais qu’on ait un appel pour la République »

Manifestation contre l'islamophobie : « J’aimerais qu’on ait un appel pour la République » demande Valérie Rabault
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Signée par Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Benoît Hamon ou encore Philippe Martinez, rejoints par la Ligue des droits de l’Homme, la tribune publiée dans Libération et sur Mediapart ce week-end pour « dire stop à l’islamophobie » divise au sein de la gauche. En attendant la position officielle du PS qui sera définie mardi soir en Bureau national, aucun membre de l’état-major socialiste ne participe à cet appel. « Je n’ai rien contre cet appel mais j’aimerais qu’on ait un appel pour la République, universel, pour les droits et les devoirs de chacun. Et qu’on arrête de stigmatiser un coup les uns, un coup les autres ». Ce matin, la présidente du groupe PS de l’Assemblée nationale, Valérie Rabault a sobrement décliné l’invitation à manifester.

Une manifestation communautariste ?

L’objet de cette réticence, d’abord le profil des organisateurs de la manifestation parmi lesquels le Collectif contre l’islamophobie en France (le CCIF), une organisation qualifiée par la droite de communautariste voire « d’organisation islamiste » par le RN. Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis, qui figure lui parmi les organisateurs, s’est lui mis récemment à dos la droite sénatoriale en qualifiant « d’islamophobes » les 163 sénateurs qui ont voté la proposition de loi sur la neutralité religieuse des accompagnants scolaires. « Il y a une forme d’excitation du sujet qui n’est pas de bon aloi » déplore Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. 

« On ne manifeste pas avec n’importe qui et sous n’importe quel slogan »

« On ne manifeste pas avec n’importe qui et sous n’importe quel slogan. Je le regrette d’autant plus que la situation nécessiterait une manifestation contre le racisme et la haine antimusulmans. Mais s’il s’agit de transformer ça en une manifestation ambiguë sur la laïcité et l’esprit Charlie, très peu pour moi. Le mot islamophobie est porteur de tellement d’ambiguïtés » regrette à son tour le sénateur de PS de Paris, Rémi Féraud.

En effet, le terme « islamophobie » est aussi au cœur du débat. Certains n’ont d’ailleurs pas manqué de déterrer un tweet de Jean-Luc Mélenchon, qui, en 2015 « contestait » ce terme arguant qu’a on avait « le droit de ne pas aimer l'islam comme on a le droit de ne pas aimer le catholicisme ».

« Le mot islamophobie est-il utilisé pour critiquer l’islam ou les musulmans ? »

Une définition qui n’a plus lieu d’être pour Esther Benbassa, sénatrice EELV, signataire de la tribune. « Le mot islamophobie est-il utilisé pour critiquer l’islam ou les musulmans ? En tant que juive et historienne des religions, je sais que le terme judéophobie qui remonte à la fin du XIXème siècle n’était pas utilisé pour critiquer le judaïsme mais bien les juifs. Participer à cette manifestation est un acte citoyen pour dire qu’on peut avoir une identité musulmane, pratiquer ou non, et être républicain ».

« Je reste attentive à l’organisation de la manifestation »

« Il ne faut pas construire des murs avec des mots. Le débat est suffisamment important pour dire stop au racisme. Et ça n’empêche pas de critiquer une religion quand elle est prosélyte ou qu’elle remet en cause les fondements de la science » complète Sophie Taillé-Polian, sénatrice membre de Génération(s) qui a signé la tribune mais « ne sait pas encore » si elle ira manifester. « Je reste attentive à l’organisation de la manifestation. Qu’elle soit bien l’expression de la laïcité et d’une République qui bannit le racisme ».

Mise à jour:

Sans surprise, mardi soir, le Bureau national du PS  a indiqué « qu'il ne participera pas à la manifestation du 10 novembre » à Paris contre l'islamophobie, car « nous ne voulons pas nous associer à certains des initiateurs de l'appel », indique le parti dans un communiqué publié mercredi. « Nous ne nous reconnaissons pas dans ses mots d'ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme liberticides », indique une résolution du PS, adoptée mardi soir par son Bureau national. ajoute la résolution.

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