Lutte contre la pollution de l’air : un rapport s’interroge sur l’efficacité des plans d’action
La sénatrice Nelly Tocqueville s’est penchée sur les actions entreprises en France ces derniers mois pour retomber sous les seuils fixés par l’Union européenne en matière de qualité de l’air. Des mesures « nécessaires », selon elle, mais dont l’efficacité est « incertaine ».

Lutte contre la pollution de l’air : un rapport s’interroge sur l’efficacité des plans d’action

La sénatrice Nelly Tocqueville s’est penchée sur les actions entreprises en France ces derniers mois pour retomber sous les seuils fixés par l’Union européenne en matière de qualité de l’air. Des mesures « nécessaires », selon elle, mais dont l’efficacité est « incertaine ».
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Où en est-on dans la lutte contre la pollution de l’air en France ? Ces dernières années, les mesures ont montré que les émissions et les concentrations de polluants étaient en diminution continue. Mais régulièrement, les seuils de concentration de particules fines ou de dioxyde d’azote sont dépassés dans les grandes agglomérations du territoire.

Pour ne pas avoir respecté les seuils fixés par l’Union européenne dans la directive de 2008 sur la qualité de l’air, la France est menacée de sanctions à double titre. Comme huit autres États européens, l’Hexagone est dans le viseur de la Commission européenne et pourrait être poursuivi par la Cour de justice de l’Union européenne.

Elle encourt également des sanctions du Conseil d’État, qui a, en juillet dernier, demandé  au gouvernement de prendre avant le 31 mars 2018 « toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites ». Il n’est pas seulement question d’une obligation de moyens, mais d’une obligation de résultats.

En réponse, le gouvernement a élaboré à partir de l’automne 2017 des « feuilles de routes » avec les collectivités territoriales. Associées à des mesures environnementales nationales, ces réponses locales qui concernent 14 zones réparties dans six régions (Île-de-France, Auvergne-Rhône Alpes, Grand Est, Occitanie, région Paca et Martinique) ont été envoyées à Bruxelles et au Conseil d’État.

« Difficile de savoir si les feuilles de route auront un effet réel et suffisant »

Au Sénat, la présidente du groupe de travail « lutte contre la pollution de l’air », la socialiste Nelly Tocqueville, a étudié les mesures qui ont été arrêtées dans les différentes régions, et dans quelles conditions elles ont été mises en œuvre.

Dans son rapport d’information, examiné en commission ce mercredi, et que nous avons pu consulter, elle pointe des « mesures hétéroclites à l’efficacité incertaine ». « Il est difficile de savoir si ces feuilles de route auront un effet réel et suffisant sur les concentrations de polluants », écrit-elle. En cause : les délais serrés qui ont rendu impossible toute modélisation des effets.

Autre inconvénient : les travaux autour de ces feuilles de route n’ont pas pu réunir tous les acteurs. Faute de temps, les « préfets n’ont pas pu concerter l’ensemble des acteurs impliqués », nous explique Nelly Tocqueville.

Si les situations diffèrent d’une région à l’autre, la sénatrice de la Seine-Maritime a régalement constaté au cours de ses différentes auditions que les différentes feuilles de routes recensaient « de nombreuses mesures existantes ».

« Les élus locaux demandent à être aidés et accompagnés »

Comme pour l’efficacité des mesures, la « portée juridique » de ces feuilles de roues est aussi « incertaine ». « C’est un engagement moral, qui incombe aux élus locaux et nationaux. En revanche, le risque de sanctions financières est réel. Deux États ont déjà été condamnés en Europe [la Bulgarie en avril 2017 et la Pologne en février 2018] », nous explique la sénatrice.

Au cours de ses différentes rencontres et déplacements, qui se sont concentrés sur quatre régions, Nelly Tocqueville a également mis en lumière le « manque de lisibilité » de l’action publique en matière de lutte contre la pollution atmosphérique. La complexité et le millefeuille des différents plans et schémas de réduction des polluants, avaient déjà été pointés du doigt par le rapport du sénateur (LR) Jean-François Husson (relire notre article).

« Il faut rendre accessible ces documents aux élus locaux, leur permettre de se les approprier, il y a problème d’accompagnement », souffle Nelly Tocqueville. « Les petites communes n’ont pas forcément les moyens de mettre en place les outils qui leur permettront d’être en adéquation avec les schémas régionaux. »

L’élue normande préconise enfin d’améliorer la gouvernance. « Les personnes que j’ai rencontrées sont des acteurs volontaristes. Ils aimeraient travailler encore plus, mettre en place des plateformes d’échange. Les élus locaux demandent une aide pour organiser leur prise de décision. »

Le « risque d’un exercice ponctuel »

Le rapport, très critique sur la précipitation  avec laquelle ces feuilles de route ont germé, appelle une nouvelle fois les pouvoirs publics à faire preuve d’ambition pour une meilleure qualité de l’air. « Le risque inhérent à ces feuilles de route […] est d’en faire un exercice ponctuel et formel, en réaction à un risque contentieux, et dépourvu de suites concrètes », écrit Nelly Tocqueville, qui ne voit dans ce plan d’urgence qu’une « étape ».

Rappelant que la pollution atmosphérique est responsable de 48.000 décès prématurés chaque année en France, la sénatrice appelle à une prise de conscience. « L’ambition des pouvoirs publics en matière de qualité de l’air doit à l’avenir être déterminée par des préoccupations sanitaires et non par la crainte de contentieux et d’amendes », souligne son rapport.

Nelly Tocqueville envisage de rencontrer à nouveaux l’ensemble des acteurs concernés dans deux ans et d’en tirer des conclusions avec des chiffres.

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01059366_000001
7min

Politique

Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : « Ce n’est pas la gauche contre la droite, mais un modèle démocratique contre un modèle illibéral »

Le paysage audiovisuel français est en train de se fracturer en deux blocs. L’animateur vedette, Pascal Praud a accusé la patronne de France Télévision, Delphine Ernotte de mettre « une cible » sur les journalistes sa chaîne, après que cette dernière a qualifié CNews de « chaîne d’extrême droite ». A moins de deux ans de l’élection présidentielle, l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, subit une pression inédite. Son président, Martin Ajdari sera, auditionné dans quelques jours au Sénat.

Le

Lutte contre la pollution de l’air : un rapport s’interroge sur l’efficacité des plans d’action
5min

Politique

Mobilisation du 18 septembre : « Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression »

A l’appel de l’intersyndicale, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue partout en France pour protester contre le projet de budget pour 2026. Dans le cortège parisien, les manifestants, pas convaincus par la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, sont déterminés à maintenir la pression sur l’exécutif. Reportage.

Le

SIPA_01229633_000009
1min

Politique

Info Public Sénat. Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : une délégation de sénateurs LR reçue à Radio France le 30 septembre

Alors que le ton se durcit entre les dirigeants de l’audiovisuel public et la chaîne CNews de Vincent Bolloré, qualifiée « d’extrême droite » par Delphine Ernotte, une délégation de sénateurs LR sera reçue par la patronne de Radio France Sibyle Veil le 30 septembre. Le 1er octobre, le président de l’Arcom, Martin Ajdari sera, lui, auditionné par la commission de la culture et de la communication de la chambre haute.

Le