Macron : « Du pognon de dingue » au « quoi qu’il en coûte »

Macron : « Du pognon de dingue » au « quoi qu’il en coûte »

« Les dizaines de milliards d’euros » d’argent public annoncés par le gouvernement pour faire face à la pandémie de coronavirus, et la prise de distances du chef de l’État avec « les lois du marché » augurent un tournant budgétaire de son quinquennat. Impensable, il y a encore quelques semaines.
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« La santé n’a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires (…) pour sauver des vies, quoi qu’il en coûte ». Ou encore « Il est des biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». Jeudi soir, la tonalité de l’allocution d’Emmanuel Macron sur l’épidémie de coronavirus a clairement penché à gauche, prenant parfois des accents anticapitalistes. S’il est trop tôt pour parler de tournant idéologique du quinquennat, le tournant budgétaire semble, lui, bien en marche ?

Le temps où le chef de l’État s’emportait contre « le pognon de dingue » placé dans les minima sociaux et les dépenses de santé, semble aujourd’hui bien loin. « Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté. Et sur la santé, c’est pareil. Tout le système de soins que je veux repenser, c’est aller vers plus de prévention pour responsabiliser, y compris les acteurs de soins » tranchait, en juin 2018, le chef de l’État, dans une vidéo le mettant en scène en train de peaufiner son discours devant le congrès de la Mutualité française, à Montpellier.

« C’est tout à fait spectaculaire cette remise en cause fondamentale du système libéral »

Après des mois de grève et de manifestations appelant à plus de moyens pour l’hôpital public, ce grand écart fait sous la pression d’une pandémie mondiale n’a pas échappé à ses opposants.

« J’ai été très surpris par ce discours qui contrecarre tous les choix faits par l’exécutif jusqu’ici qu’on pourrait résumer par l’orthodoxie et la réduction des dépenses publiques. C’est tout à fait spectaculaire cette remise en cause fondamentale du système libéral » relève le vice-président communiste de la commission des finances du Sénat, Éric Bocquet. Le sénateur du Nord reste toutefois prudent et se remémore les promesses d’Emmanuel Macron en pleine crise des gilets jaunes. « Et au final rien n’a changé ».

« C’est assez étonnant ce discours de la part d’un ultralibéral. Il y a peut-être aussi une forme d’opportunité » note, pour sa part, Albéric de Montgolfier, président LR de la commission des finances.

« Nous ferons tout ce qui est nécessaire et même plus »

Au-delà de la parole présidentielle, il y a aussi les chiffres. « Des dizaines de milliards d’euros » sont annoncées par le ministre de l’Économie, pour amortir le choc économique provoqué par le coronavirus. « Nous ferons tout ce qui est nécessaire et même plus » promet Bruno le Maire en rappelant son annonce faite lundi : le report des charges et sociales et fiscales pour les entreprises, « tant que la crise durera ».

« L’objectif n’est pas de respecter au dixième de point près le pacte de stabilité »

En début de semaine, le ministre de l’Économie prenait même ses distances avec l’impératif de réduction des déficits imposé par le pacte de stabilité. « L’objectif n’est pas de respecter au dixième de point près le pacte de stabilité ». Impensable, il y a encore quelques semaines.

Prise en charge intégral du chômage partiel : 242 millions d’euros et même plus

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud a confirmé ce vendredi que l’État prendrait en charge « intégralement », « y compris au-delà du salaire minimum » le chômage partiel demandé par les entreprises pénalisées. « Nous allons le prendre en compte sur le budget du ministère du travail » (…) quel que soit le coût » a-t-elle assuré. Plus de 5 000 entreprises ont déjà demandé à bénéficier de ce nouveau dispositif de chômage partiel pour 80 000 salariés. Le coût est estimé à 242 millions d’euros. Jusqu'à présent, le chômage partiel, qui indemnise le salarié à hauteur de 70% du salaire brut et 84% du salaire net, n'était pris en charge par l'État qu'à hauteur du Smic.

Difficile aussi de ne pas se remémorer la réforme de l’assurance chômage présentée l’année dernière qui durcit des conditions d’éligibilité aux allocations. Le 1er avril prochain, le nouveau mode de calcul de l’assurance chômage est censé entrer en vigueur. Les organisations syndicales et plusieurs élus de gauche demandent désormais au gouvernement d’y renoncer.

La réforme de l’assurance chômage en question

« C'est une bonne réforme (mais) elle a été conçue et lancée dans un contexte qui n'était pas le contexte de crise d'aujourd'hui » a concédé Muriel Pénicaud lors d’un point presse à la mi-journée avant d’indiquer qu’une décision sur ce sujet serait prise la semaine prochaine.

La réforme des retraites reportée ?

Quant à la réforme des retraites, tant décriée par l’opposition, elle pourrait également être impactée par l’épidémie. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux s'est dit prêt vendredi à suspendre les débats sur la réforme des retraites pendant la crise sanitaire du coronavirus. Et alors que le texte vient d’être adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, son examen est prévu en séance publique, au Sénat le 21 avril, avec au préalable un travail en commission.

Mais Édouard Philippe vient d’annoncer une nouvelle interdiction des rassemblements dorénavant fixée à 100 personnes, et non plus 1.000. Pour la sénatrice UDI Nathalie Goulet, cette nouvelle donne pose clairement la question de l’activité du Parlement. « Je pense qu’on tient le report de la réforme des retraites. Je ne vois pas comment le Sénat ou l’Assemblée nationale peuvent siéger en l’état, avec l’abaissement du seuil à 100 personnes » réagit la sénatrice de l’Orne à publicsenat.fr.

« Avant la réforme des retraites, l’urgence c’est le correctif budgétaire. Au vu des milliards annoncés, il faudra repasser par le Parlement pour l’examen d’un projet de loi de finances (PLF) rectificative. Le problème est de savoir si cet endettement est soutenable. Le déficit est déjà de 100 milliards d’euros. Comme nous l’expliquions lors de l’examen du PLF, si les taux d’intérêt remontent. Nous n’aurons plus aucune marge de manœuvre » s’inquiète Albéric de Montgolfier.

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