Manquements des forces de l’ordre à Calais : Des accusations « plausibles » selon un rapport officiel

Manquements des forces de l’ordre à Calais : Des accusations « plausibles » selon un rapport officiel

Un an après l’évacuation de la Lande de Calais, un rapport commandé par le ministère de l'Intérieur montre que les accusations de « manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière » sont « plausibles. » 
Public Sénat

Par Helena Berkaoui

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Un an après l’évacuation de la Lande de Calais, un rapport commandé par le ministre de l’Intérieur établit que les accusations de « manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière » sont « plausibles. » Ce rapport dirigé par les services d’inspection générale de l’administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) a été conduit suite au rapport publié par l’association Human Rights Watch (HRW) en juillet dernier. L’ONG internationale dénonçait « les abus commis par les forces de police à l’encontre de demandeurs d’asile et de migrants et leurs agissements visant à perturber l’aide humanitaire et à harceler les personnes qui la délivrent. » Par ailleurs, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, en juin dernier, s’inquiétait lui « d’atteintes aux droits fondamentaux » des migrants à Calais « d’une exceptionnelle et inédite gravité. »

Un « contexte particulièrement difficile » qui rend l’action des forces de l’ordre « périlleuse »

Le rapport évaluant l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois insiste sur le « contexte particulièrement difficile » dans lequel opèrent les forces de l’ordre. Il met en évidence trois facteurs de tension : une situation migratoire « problématique et imprévisible », « la multiplicité des missions » telle que le démantèlement des camps ou l'encadrement de distribution de repas et les fortes attentes de la population locale. Il pointe également « la difficulté de l’exercice face à de jeunes migrants déterminés » à rejoindre la Grande-Bretagne et n’hésitant pas « à recourir à la violence. » Le rapport précise que « 44 CRS ont été blessés en 2016 sur le secteur de Calais. »

Les manquements cités par ce rapport portent sur « des faits de violences », un « usage disproportionné des aérosols lacrymogènes », la « destruction d’affaires appartenant aux migrants » et « le non-respect de l’obligation du port du matricule » par les forces de l’ordre.   

Cependant, forte de témoignages écrits et oraux, de documents tels que des photographies de blessures et des certificats médicaux, la mission d’évaluation considère comme « plausibles des manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière, principalement à Calais. » À noter que le fort contraste entre les témoignages et les dépôts de plainte, se justifie par la crainte des migrants de se rendre dans des commissariats et de devoir justifier de leur situation de séjour. Les manquements cités par ce rapport portent sur « des faits de violences », un « usage disproportionné des aérosols lacrymogènes », la « destruction d’affaires appartenant aux migrants » et « le non-respect de l’obligation du port du matricule » par les forces de l’ordre.   

Le rapport réfute l’utilisation du gaz poivre dénoncée par Human Rights Watch

Les conclusions du rapport commandé par Beauvau réfutent les accusations d’utilisation de gaz poivre formulées par Human Rights Watch, et précisent que ni la police, ni la gendarmerie ne sont dotées de ce gaz. Contactée par Public Sénat, la directrice France de Human Rights Watch, Bénédicte Jeannerod,  insiste sur le fait que « ce n’est pas le composé du gaz qui est important mais son utilisation routinière et indiscriminée. » Le rapport commandé par le ministère fait effectivement état d’un « usage disproportionné des aérosols lacrymogènes. » Par ailleurs, Michael Bochenek – qui est l’auteur du rapport d’HRW – a expliqué dans une tribune à L’Obs en août dernier que «  les effets du gaz lacrymogène durent souvent plus longtemps et peuvent être plus graves que ceux causés par le gaz poivre. »

 « Ce n’est pas le composé du gaz qui est important mais son utilisation routinière et indiscriminée » affirme Bénédicte Jeannerod (HRW)

Cela étant, Bénédicte Jeannerod salue la « réaction rapide » du gouvernement qui a diligenté cette mission d’évaluation très peu de temps après la sortie de leur propre rapport. Selon elle, les conclusions du rapport commandé par le ministère de l’Intérieur « confirment les affirmations d’Human Rights Watch. » Un travail qu’elle juge « sérieux et consistant. » En ce qui concerne les recommandations de ce rapport, Bénédicte Jeannerod considère qu’elles « vont dans le bon sens. » Elle salue particulièrement celles qui visent « à renforcer le dialogue avec les associations et à mieux informer les migrants sur les recours » juridiques et administratifs. Elle juge également que les recommandations relatives au port du matricule sur les uniformes des forces de l’ordre et au respect des consignes sont primordiales. « Maintenant, il faut que les recommandations soient mises en œuvre par le ministère de l’Intérieur » conclut-elle. 

Dans la même thématique

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
6min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : « Il se pose en sauveur de sa propre majorité, mais aussi en sauveur de l’Europe »

Le chef de l'Etat a prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne un long discours pour appeler les 27 à bâtir une « Europe puissance ». À l’approche des élections européennes, son intervention apparait aussi comme une manière de dynamiser une campagne électorale dans laquelle la majorité présidentielle peine à percer. Interrogés par Public Sénat, les communicants Philippe Moreau-Chevrolet et Emilie Zapalski décryptent la stratégie du chef de l’Etat.

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
11min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : on vous résume les principales annonces

Sept ans après une allocution au même endroit, le président de la République était de retour à La Sorbonne, où il a prononcé ce jeudi 25 avril, un discours long d’1h45 sur l’Europe. Se faisant le garant d’une « Europe puissance et prospérité », le chef de l’Etat a également alerté sur le « risque immense » que le vieux continent soit « fragilisé, voire relégué », au regard de la situation internationale, marquée notamment par la guerre en Ukraine et la politique commerciale agressive des Etats-Unis et de la Chine.

Le

Police Aux Frontieres controle sur Autoroute
5min

Politique

Immigration : la Défenseure des droits alerte sur le non-respect du droit des étrangers à la frontière franco-italienne

Après la Cour de Justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Défenseure des droits d’appeler le gouvernement à faire cesser « les procédures et pratiques » qui contreviennent au droit européen et au droit national lors du contrôle et l’interpellation des étrangers en situation irrégulière à la frontière franco-italienne.

Le

Objets
4min

Politique

Elections européennes : quelles sont les règles en matière de temps de parole ?

Alors que le président de la République prononce un discours sur l’Europe à La Sorbonne, cinq ans après celui prononcé au même endroit lors de la campagne présidentielle de 2017, les oppositions ont fait feu de tout bois, pour que le propos du chef de l’Etat soit décompté du temps de parole de la campagne de Renaissance. Mais au fait, quelles sont les règles qui régissent la campagne européenne, en la matière ?

Le