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Masques: quand les collectivités butent sur les prérogatives de l’Etat
Par Véronique MARTINACHE
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"Il n'est évidemment pas question qu’une guerre des masques ait lieu entre les collectivités locales et l’État": Christophe Castaner s'est efforcé d'apaiser les tensions, mais la semaine a donné lieu à plusieurs escarmouches avec des élus locaux qui dénoncent les injonctions de l'Etat.
A la pénurie de masques, y compris pour les "premières lignes" que sont les soignants, vient aujourd'hui s'ajouter la problématique de leur utilisation pour tous dans la perspective du déconfinement.
Le ministre de l'Intérieur a fini par reconnaître vendredi soir la "réquisition" par les services de l'Etat de millions de masques importés de Chine à l'aéroport de Bâle-Mulhouse, au détriment notamment du Grand Est et de la Bourgogne-Franche-Comté, en raison de livraisons arrivées incomplètes.
"Nous aurions dû être plus prévenants avec les collectivités locales", a-t-il concédé dans un entretien à l'Est Républicain, assurant, comme il l'avait fait au Sénat, qu'il n'est "pas question d’une guerre des masques".
Mercredi, interpellé par le sénateur PS Jérôme Durain lors de la séance des questions au gouvernement, Christophe Castaner, sans nier les faits, avait affirmé qu'il n'y avait "pas eu de réquisition ni par l'armée ni par qui que ce soit", mais qu'il s'agissait "de fournir en priorité le personnel soignant de la région du Grand Est".
"C'est la guerre des masques. Depuis que la doctrine a changé, toutes les collectivités veulent acheter des masques. Le n'importe quoi, ça suffit ! L’Etat doit contrôler, organiser, planifier la distribution pour éviter la spéculation sur les masques", s'est emporté vendredi le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, sur Twitter.
Prenant le relais de la présidente socialiste de Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, qui avait fustigé une réquisition "sans concertation", le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau avait poussé en début de semaine "un coup de gueule" contre les réquisitions "par l'Etat" de masques commandés par les collectivités, non par "caprice", mais pour fournir les Ehpad ou encore les aides à domicile des personnes âgées.
Et Hervé Morin, président de la région Normandie, de déplorer jeudi sur Public Sénat que l'Etat ait réquisitionné "en partie" l'avion qui devait lui en apporter.
Alain Rousset, président socialiste de la région Nouvelle-Aquitaine, a lui expliqué à l'AFP avoir joué "sur la concertation" avec les services de l'Etat pour éviter la réquisition. "On voit bien dans quelles difficultés Paris s'est empêtré, de ne pas anticiper les besoins de masques, de les faire venir, tout cela a été un joli foutoir", a-t-il dit.
- "Réalité du terrain" -
Le ministre de l'Intérieur a aussi demandé aux préfets de "retirer les arrêtés" pris par des maires pour rendre obligatoire le port de masque dans la rue, "pendant toute la période du confinement".
La justice a suspendu jeudi l'arrêté pris par le maire UDI de Sceaux Philippe Laurent. L'édile, qui a décidé de faire appel, se base sur plusieurs avis scientifiques, notamment celui de l'Académie de médecine qui a jugé qu'un masque "grand public" devrait être rendu obligatoire pour les sorties pendant et après le confinement, une pratique appliquée dans d'autres pays.
"Il faut que Christophe Castaner ne considère pas que porter le masque c'est déjà aller vers le déconfinement", a argumenté vendredi sur franceinfo le président de la région Grand Est Jean Rottner (LR), pour qui "nous allons devoir apprendre à vivre différemment avec un risque sanitaire latent, permanent".
Près des trois quarts des Français seraient favorables au masque obligatoire, selon un sondage Odoxa-Le Figaro.
Et le ministre de la Santé Olivier Véran a dit vendredi devant les députés LREM avoir le sentiment que la France était sans doute plus "mûre" pour le port du masque qu'avant l'épidémie, selon des propos rapportés.
Pour le président LR du Sénat Gérard Larcher, les élus locaux "prennent leurs responsabilités". "Ce sont parmi les premiers à nous avoir alertés sur la situation des Ehpad, (...) ce sont eux qui sentent les tentations du déconfinement anticipé et quand ils prennent un certain nombre de décisions, c'est qu'ils collent à la réalité du terrain", a-t-il souligné jeudi sur LCI.
Reconnaissant "ça et là des frottements et des différences d’approche", le Premier ministre Edouard Philippe a pour sa part jugé que "l'important est que chacun y mette du sien et que l’on dépasse ces difficultés, pour atteindre le résultat visé".