Maurel, Lienemann, MRC : un nouveau parti pour que «ça bouge à gauche»

Maurel, Lienemann, MRC : un nouveau parti pour que «ça bouge à gauche»

A peine partis du PS, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann se lancent dans la création d’un nouveau mouvement avec le MRC en vue d'unir la gauche. La colère de Jean-Luc Mélenchon, lors de la perquisition de la France insoumise, « ne remet en rien en cause » le rapprochement prévu avec FI pour les européennes.
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Il ne manque plus que les faire-part. Le député européen Emmanuel Maurel et la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, qui viennent tout juste de quitter le PS, ont annoncé vendredi 19 octobre leur future union avec le Mouvement républicain et citoyens (MRC), composé d’anciens chevènementistes (voir le sujet de Flora Sauvage).

Le nouveau mouvement, qui doit se constituer début 2019, a un nom, pour l’heure provisoire : APRES. Pour L’Alternative pour un programme républicain, écologiste et socialiste. Et des troupes ? Maurel et Lienemann amènent dans leur corbeille « 650 » élus et militants socialistes, assure Emmanuel Maurel, et vite « un petit millier ». L’ancien sénateur PS Gaëtan Gorce suit le mouvement, tout comme le maire de la Seyne-sur-Mer, Marc Vuillemot, la première fédérale de la Haute-Marne, Eloïse Venancio, ou le politologue Rémi Lefebvre. L’ancien leader de l’aile gauche du PS annonce d’autres parlementaires ou d’autres conseillers régionaux à venir. « Il y a plus de socialistes en dehors du PS que de socialistes dans le PS » raille Emmanuel Maurel. On n’y est pas encore, mais c’est bien lors objectif. Du côté du MRC, où la nouvelle union a été validée à 67% lors d’un vote interne, on compte deux parlementaires : le député du Nord Christian Hutin et la sénatrice du Pas-de-Calais, Sabine Van Heghe.

Le rapprochement est à l’œuvre depuis quelques mois. Un séminaire au Sénat, en juin dernier, a lancé le club « Nos causes communes », socle de leur nouvelle union, suivi d’une université d’été, début septembre, à Marseille. Club transformé en association de loi de 1901, préalable à la création du parti.

Famille reconstituée

Une famille recomposée, ou plutôt reconstituée. « Il y a une histoire des départs de l’aile gauche du PS », rappelle Bastien Faudot, porte-parole du MRC, « en 1993 avec le départ de Jean-Pierre Chevènement qui donne le MDC, Jean-Luc Mélenchon en 2008, Benoît Hamon l’an dernier et maintenant Union et Espoir », qui rassemblait les amis d’Emmanuel Maurel. Le point commun, à l’exception de Benoît Hamon : ces scissions se font sur un fort désaccord sur l’Europe. Emmanuel Maurel appelle à une « rupture brutale et radicale avec l’Europe d’aujourd’hui », à commencer par une remise en cause des traités existants. « La concurrence libre et non faussée va à l’encontre des idées progressistes que nous portons ». A savoir « défendre les classes populaires, les gens modestes » dit Bastien Faudot.

Posés derrière la table d’une brasserie, à deux pas de l’Assemblée, ils imaginent déjà créer « le chemin » qui mènera à nouveau la gauche au pouvoir. Alors que la gauche est parfois plus proche du fond du gouffre, ils vont chercher dans les heures glorieuses de son histoire. Marie-Noëlle Lienemann parle de « nouveau front populaire ». Jean-Luc Laurent, président du MRC, évoque « un nouveau cycle politique », alors que celui « ouvert à Epinay est définitivement clos avec l’élection d’Emmanuel Macron ». Emmanuel Maurel ne cache pas l’ambition de cette nouvelle bande, qui voit (trop ?) grand : préparer « un programme alternatif commun en vue de l’élection (présidentielle) de 2022 ». On pense au programme commun qui mena François Mitterrand à l’Elysée.

Perquisition à la France insoumise : Maurel dénonce une « opération politique »

Pour l’heure, la prochaine échéance électorale des européennes suffira, avec l’idée d’une liste commune avec la France insoumise. Emmanuel Maurel pourrait occuper une des toutes premières places, le MRC devrait aussi en être. Reste que l’actualité se télescope avec ce projet. La perquisition à la France insoumise, doublée de la colère très spectaculaire de Jean-Luc Mélenchon, tombent plutôt mal et ne font pas leurs affaires.

Mais pour eux, il n’y a pas de sujet. « Ça ne remet en rien en cause le choix stratégique que nous avons fait de converger les forces de gauche. Rien ne justifie le moindre changement » assure Marie-Noëlle Lienemann, qui s’étonne de la « coïncidence des dates » de la perquisition et rappelle que « le parquet n’est pas indépendant dans notre pays ». « Ça tombe bien politiquement » ajoute la sénatrice de Paris. Emmanuel Maurel prend moins de pincettes : « Il n’y a que les hypocrites et les naïfs qui considèrent que ce n’est pas une opération politique ». Il ajoute : « La seule différence peut-être entre la Macronie et l'Etat RPR, c'est qu'au moins avec Pasqua il y avait un peu de malice… » Regardez :

Perquisition à la France insoumise : Maurel dénonce une « opération politique »
00:29

« Je ne crois pas que les points de vue soient irréconciliables à gauche »

Outre l’écueil de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, sur le fond, l’ambition de rassembler à terme la gauche semble encore complexe. Elle pourrait notamment buter sur ce qui lie aujourd’hui Maurel/Lienemann et le MRC : l’Europe. Pour EELV ou Génération.s, la vision du projet européen n’est pas la même. « Est-ce que l’Europe doit être fédérale ou pas n’est pas la question des européennes » répond Emmanuel Maurel, « je ne crois pas que les points de vue soient irréconciliables ». « Il faudra bien que chacun fasse un pas » veut croire Marie-Noëlle Lienemann. Premier signe encourageant : le chef de fil du Parti communiste pour les européennes, Ian Brossat, a réitéré son appel au rassemblement, lancé en septembre sur Public Sénat, en écrivant à Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Olivier Besancenot, David Cormand et Emmanuel Maurel pour tenter de « dépasser l'état de dispersion qui est celui de la gauche aujourd'hui ».

S’il est difficile de dire si cette énième relance de la gauche fera pschitt ou sera le début de la reconquête, à la fin de la conférence de presse, Jean-Luc Laurent voit au moins une raison de se réjouir : « Ça bouge à gauche ». Mais le chemin peut être encore long. Entre la création du programme commun, en 1972, et la victoire de la gauche, en 1981, neuf années se sont écoulées.

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