Mélenchon, une “crise de nerfs” qui pourrait lui coûter cher

Mélenchon, une “crise de nerfs” qui pourrait lui coûter cher

Hurlements sur des policiers et magistrats, accusations de complotisme et diatribes contre les médias: la grande colère du leader des Insoumis,...
Public Sénat

Par Anne RENAUT

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Hurlements sur des policiers et magistrats, accusations de complotisme et diatribes contre les médias: la grande colère du leader des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, abondamment mise en scène sur les réseaux sociaux, pourrait coûter cher à sa stratégie de rassembler à gauche.

Coutumier des coups de sang, Jean-Luc Mélenchon vampirise le débat politique depuis les perquisitions houleuses mardi au siège de son mouvement et à son domicile, une séquence qu'il a contribué à lancer en la filmant et la diffusant en direct sur Facebook.

Les images le montrant forcer la porte du siège de LFI derrière une mêlée digne du XV de France de rugby, en vociférant sur les policiers, tournent depuis en boucle sur les chaînes d'infos. Elles ont "choqué" Édouard Philippe, même si le Premier ministre dit ne pas douter de la sincérité de l'émotion ressentie par M. Mélenchon.

Le timonier de LFI a semblé jeudi mettre un peu d'eau dans son vin en acceptant de se rendre à la convocation des policiers chargés des enquêtes sur ses comptes de campagne présidentielle et les assistants d'eurodéputés de son parti, motifs des perquisitions.

Une manière aussi pour lui de se démarquer de la cheffe du Rassemblement national (RN, ex FN) Marine Le Pen, qui avait refusé de se rendre à une convocation similaire, ce que M. Mélenchon avait beaucoup critiqué.

- "Castro ou Bourvil" -

Jean-Luc Mélenchon, chef de la France Insoumise, s'adresse aux médias, à son arrivée devant les locaux de la police anticorruption, le 18 octobre 2018 à Nanterre
Jean-Luc Mélenchon, chef de la France Insoumise, s'adresse aux médias, à son arrivée devant les locaux de la police anticorruption, le 18 octobre 2018 à Nanterre
AFP

En arrivant devant les locaux de la police judiciaire à Nanterre (Hauts-de-Seine), M. Mélenchon a répété qu'il avait été sous le coup de "l'émotion". Le député LFI Alexis Corbière, lui aussi apparu très remonté mardi, a concédé que les Insoumis avaient "peut-être parlé un peu fort".

Mais sur le fond, les dirigeants de LFI continuent à dénoncer le "coup de force" d'une "police politique" et à pester contre le traitement médiatique de cette affaire, alors que M. Mélenchon, élu à Marseille, a moqué mercredi l'accent du sud d'une journaliste et demandé si quelqu'un avait un autre question "formulée en français".

Au sein de la majorité, les critiques ont redoublé jeudi. Jean-Luc Mélenchon a "fondu un plomb", a brocardé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire appelant le député des Bouches-du-Rhône à présenter ses "excuses".

"Petit à petit, les gens découvrent le vrai Mélenchon. Il a insulté une journaliste hier. Il pique des colères noires dans l'Hémicycle. Avec Mélenchon on sait jamais si c'est Fidel Castro ou Bourvil. S'il pense que c'est comme ca qu'il va arriver à conquérir la confiance des Français il se trompe lourdement", a prévenu le chef de file des députés En Marche, Gilles Le Gendre.

- "Populisme de gauche" -

Selon les analystes interrogés par l'AFP, cette succession de coups d'éclat ne devrait pas détourner les sympathisants de LFI. Ils pourraient "au contraire se réjouir de ses coups de gueule parce qu'il base sa stratégie de communication sur une forme de populisme de gauche", souligne l'historien spécialiste des courants minoritaires, Christophe Bourseiller, rappelant que "les gens ont continué à voter" pour l'ex-chef du Front national Jean-Marie Le Pen, pourtant familier lui aussi des coups d'éclat.

Mais la colère de Jean-Luc Mélenchon pourrait diminuer sa capacité à rallier, alors que deux figures de l'aile gauche du PS, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, viennent de se rapprocher de LFI.

"Cette crise de nerf peut avoir des conséquences sur sa vocation à rassembler à gauche", estime ainsi Christophe Bourseiller.

"Là où ça peut gêner c'est par rapport à son choix stratégique d'apparaître comme un aimant à gauche", ajoute Emeric Bréhier, directeur de l'Observatoire de la vie politique de la fondation Jean Jaurès et ancien élu socialiste.

"Son geste radicalise ses militants contre le système, les élites, mais l'éloigne de la perspective de pouvoir convaincre des électeurs qui auraient pu voir en lui une alternative à Emmanuel Macron", souligne aussi Stéphane Rozès, président de la société de conseils Cap, notant qu'on "ne peut pas à la fois se dire républicain et méconnaître la légalité".

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