Mesures sanitaires, contamination : les points à retenir de l’audition du directeur général de la santé sur le coronavirus au Sénat
Deux représentants d’agences de l’État et deux scientifiques étaient auditionnés au Sénat pour répondre aux questions de la représentation nationale sur les connaissances actuelles du virus et sur les moyens de réponse de l’État.

Mesures sanitaires, contamination : les points à retenir de l’audition du directeur général de la santé sur le coronavirus au Sénat

Deux représentants d’agences de l’État et deux scientifiques étaient auditionnés au Sénat pour répondre aux questions de la représentation nationale sur les connaissances actuelles du virus et sur les moyens de réponse de l’État.
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« Votre communication apaise les angoisses », a reconnu le sénateur centriste Olivier Henno, au cours d’une audition de quatre personnalités concernées par la crise du coronavirus. Les sénateurs de la commission des Affaires sociales ont été nombreux à relayer les inquiétudes montant dans leurs circonscriptions. Un épidémiologiste, une infectiologue, mais aussi le directeur général de la Santé (rattaché au ministère de la Santé) et la directrice générale de Santé publique France ont répondu en détails à leurs interrogations. État des lieux des thèmes abordés.

  • Quel taux de mortalité du virus ?

Moins de deux mois après l’identification du virus, l’épidémiologiste Arnaud Fontanet a donné quelques chiffres aux sénateurs pour mettre en perspective les taux de mortalité des patients atteints du Covid-19. Sur la contagion, un patient infecté peut contaminer « entre deux et trois personnes », un chiffre « en l’absence de mesures de contrôle et de prévention ». Le professeur à l’Institut Pasteur est convaincu qu’il est possible de ramener ce chiffre à moins d’une personne en moyenne.

Se basant sur une série de 45.000 patients chinois, l’épidémiologiste a indiqué que 80% des décès portaient sur des personnes de plus de 60 ans. Par « effet miroir », 20 % des cas mortels concernent des moins de 60 ans. « C’est probablement là qu’émotionnellement il y aura un impact de l’épidémie quand des gens jeunes de 30-40 ans pourront décéder de ce nouveau virus. C’est quelque chose que l’on voit avec les grippes pandémiques, qu’on a vu avec le SRAS. »

De manière générale, 1% des patients atteints par le coronavirus (cas cliniques) sont décédés, selon Arnaud Fontanet. C’est dix fois plus en proportion que la grippe saisonnière et c’est dix fois moins que dans le cas du SRAS. Mais ces ordres de grandeur pour le coronavirus pourraient « évoluer » à la baisse, suivant l’inclusion d’un plus grands nombres de patients aux symptômes bénins.

Coronavirus : la létalité est de « 1% pour les formes cliniques » (Pr Fontanet)
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  • Comment les hôpitaux pourront-ils gérer l’afflux de patients en cas d’épidémie en France ?

La question est revenue plus d’une fois au cours des échanges. « Qu’avez-vous prévu pour gérer un afflux massif ? Nous ne sommes pas la Chine, on ne construira pas des hôpitaux en dix jours », a par exemple souligné la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, en référence à la ville de Wuhan en Chine. Le directeur général de la Santé a admis qu’il faudrait « réserver l’hôpital aux cas graves ». En cas de situation grave, il a indiqué que les hôpitaux avaient la possibilité d’activité le plan blanc afin de repousser les actes chirurgicaux programmés et mobiliser rapidement l’ensemble du personnel. Selon Europe 1, l’hôpital de Creil (Oise) vient de le mettre en œuvre. L’établissement a accueilli en premier le porteur du coronavirus français décédé dans la nuit de mardi à mercredi.

Outre des moyens « techniques et logistiques », le professeur Jérôme Salomon a promis des « ressources humaines ». « Évidemment qu’il va falloir renforcer un hôpital en crise et qui est en train de gérer une épidémie. »

Malgré la pénurie de masques chirurgicaux en pharmacie, le directeur général de la Santé a rappelé que les stocks d’État existaient et pouvaient être mobilisés en temps et en heure (lire notre article).

  • La propagation du virus va-t-elle ralentir avec l’approche du printemps ?

On se souvient de la déclaration du président américain : « D'ici avril, ou au cours du mois d'avril, la chaleur en général tue ce genre de virus. » Donald Trump est « assez optimiste », a badiné Arnaud Fontanet. Cet épidémiologiste à l’institut Pasteur a estimé qu’on ne pouvait pas « statuer » sur cette hypothèse, rappelant par exemple que le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) résistait « bien » aux températures élevées.

  • Faut-il prolonger les vacances scolaires ou fermer des établissements scolaires ?

En Haute-Savoie, aux Contamines-Montjoie et à Saint-Gervais, deux établissements scolaires ont été fermés, sur la base de la décision de l’Agence régionale de santé, au nom du principe de précaution. D’autres exemples ne sont pas à exclure, en cas d’apparition de foyers épidémiques, selon le directeur général de la Santé en France. « On peut l’envisager si on avait un foyer [épidémique] quelque part. La vraie difficulté – si on devait prendre ces mesures, et on les prendra sûrement en fonction de l’évolution de la situation – c’est : « Quand est-ce qu’on les rouvre ? »

  • Quelles actions aux frontières ou aux aéroports ?

Comme le gouvernement, le directeur général de la Santé a fermé la porte à toute fermeture de frontière, des « mesures qui n’ont pas de sens », selon lui. « Jeter un grand filet pour attraper une fourmi n’a pas de sens. »

S’agissant de l’opportunité de placer ou non des portails thermiques pour détecter des cas dans les aéroports aux arrivées, Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France, a précisé que ces derniers avaient une « sensibilité limitée ». Jérôme Salomon a même indiqué qu’il existait un « consensus international et scientifique » sur leur « absence d’efficacité ». « Tous les pays qui l’ont fait ont loupé les cas. C’est une polémique qui va falloir balayer, le dispositif doit être beaucoup plus fin », a-t-il insisté. En clair : informer les voyageurs, répondre à leurs questions, privilégier les moyens humains.

  • La chloroquine, un traitement efficace pour traiter le virus ?

Bonne nouvelle du jour ou emballement ? Une étude clinique publiée par trois chercheurs chinois dans la revue BioScience Trends, montre que la chloroquine, un médicament utilisé dans le traitement contre le paludisme, montrait des signes d’efficacité contre le coronavirus. L’épidémiologiste Arnaud Fontanet a appelé à la prudence. « Il y a très peu d’informations dans ce papier. On nous dit juste que ça raccourcit la positivé des tests et peut-être la guérison des patients mais pour l’instant, c’est extrêmement faible comme niveau d’information ».

« La difficulté aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas de médicament qui ait fait réellement la preuve de son efficacité. Il y a des pistes de réflexion », a également ajouté l’infectiologue Catherine Leport. Pour elle, la chloroquine est certes un médicament ancien mais il peut être « intéressant à tester », car il « laisse entrevoir des perspectives de recherche thérapeutique ».

Sur la recherche d’une solution vaccinale, le professeur Arnaud Fontanet a rappelé que son développement pourrait prendre 18 mois en France. « Notre expérience avec les vaccins, c’est qu’il y a beaucoup de maladies pour lesquelles malheureusement on n’a pas réussi à avoir de vaccin efficace. Je rappelle que pour le MERS, le coronavirus qui circule dans les pays du Golfe, ça fait six ans qu’ils cherchent un vaccin qu’ils n’ont pas encore réussi à mettre au point. »

Coronavirus : « Les vaccins, c’est quelque chose qui prend du temps » (Pr Fontanet)
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  • Faut-il faire évoluer les durées de quarantaine ?

C’est l’une des grandes difficultés que pose le coronavirus : sa durée d’incubation est « importante », selon l’épidémiologiste Arnaud Fontanet. Ce délai entre la contamination et l'apparition des premiers symptômes est généralement comprise entre six et douze jours. D’où une quarantaine fixée à 14 jours. Arnaud Fontanet a indiqué devant les sénateurs que ce délai était « une bonne durée » et qu’il n’y avait « pas de raison d’en changer ». Les cas de patients présentant des durées plus longues sont « isolés », rappelle-t-il. En Chine, un septuagénaire a contracté le coronavirus mais n'en a développé les symptômes que 27 jours plus tard.

S’agissant des Français rapatriés de Chine ayant séjourné dans une zone à risque, avec la mise en place de « quatorzaines », le directeur de la Santé a indiqué que les choses s’étaient « bien passées ». Pour les derniers ressortissants accueillis dans un centre de vacances à Branville (Calvados), tous les tests se sont révélés négatifs. Jérôme Salomon considère que le droit français est suffisant pour faire face à une situation épidémique. « Grâce à vous, l’arsenal législatif est plutôt de qualité et permet de réagir de façon adaptée je pense. »

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