Moralisation de la vie publique: que comporte la réforme ?

Moralisation de la vie publique: que comporte la réforme ?

Non-cumul des mandats dans le temps, interdictions des emplois familiaux, création d’une banque de la démocratie  garanties de probité… Que comporte la « réforme pour redonner la confiance dans la vie démocratique ?
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Le ministre de la Justice, François Bayrou a présenté, ce jeudi, les « chapitres » qui composeront sa réforme phare destinée à « redonner la confiance dans la vie démocratique ». Et contrairement à l’inscription de son pupitre, le terme « moralisation » n’y figure plus. « Parce qu’il ne s’agit pas de laisser penser que l’on va régler les problèmes de moral individuelle par un texte (…) les institutions ne sont pas faites pour rendre les Hommes vertueux (…) elles sont faites pour éviter que les faiblesses humaines ne contaminent le corps social » justifie-t-il. La philosophie de la réforme posée, le ministre de la Justice a détaillé les trois textes censés changer « certaines pratiques qui ont mis à mal, qui ont fracturé la confiance des citoyens envers leurs élus ».

Mettre fin aux privilèges et aux régimes d’exception

Des nouvelles dispositions seront contenues  dans le projet de révision constitutionnelle dont la date et la forme n’ont pas encore été arrêtées. François Bayrou a, néanmoins, laissé entendre qu’elle se ferait après l’été. Quant à son mode d’adoption ?  François Bayrou a fait part de sa préférence pour le référendum plutôt que la réunion du Parlement en Congrès. Mais, précise-t-il, le choix revient au président de la République.

François Bayrou : "Le premier axe est une réforme institutionnelle qui prendra sa place dans une révision de la Constitution"
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Suppression de la Cour de Justice de la République

Le projet de révision de la Constitution supprimera la Cour de Justice de la République (article 68-2). «Il n’y a aucune raison que les membres du gouvernement bénéficient ainsi d’une justice d’exception composée d’élus ». Les ministres seront jugés par des magistrats de la cour d’appel de Paris. Le projet prévoit néanmoins des garde-fous ou plutôt « des filtres » afin d’éviter des mises en cause « abusives ou instrumentalisées ».  Des membres de la cour de Cassation, du Conseil d’État et de la Cour des Comptes analyseront la recevabilité des plaintes éventuelles.

-Les anciens présidents de la république ne pourront plus être membres de plein droit du Conseil Constitutionnel (article 56-2) Le non-cumul des mandats dans le temps

-Une  réforme institutionnelle fixera de nouvelles règles de renouvellement des élus : ils ne pourront plus exercer plus de trois mandats identiques et successifs de députés, de sénateurs ou d’exécutif local. La règle ne s’appliquera pas pour les petites communes et François Bayrou a laissé le soin au « débat parlementaire » d’en déterminer le seuil.

-Les ministres ne pourront plus exercer de fonctions exécutives locales.

Enfin, François Bayrou  a précisé que la  promesse de campagne d'Emmanuel Macron , portant sur l'indépendance des magistrats du parquet, fera également partie de la révision constitutionnelle.

Ce qui va changer pour les parlementaires ?

«  Probité », «  transparence » et « prévention des conflits d’intérêts » dans l’exercice des fonctions parlementaires seront aux cœurs des projets de loi organique et ordinaire, examinés dès cet été par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ils seront aussi l'objet de modification des règlements respectifs des assemblées parlementaires.

Peine d’inéligibilité de 10 ans pour délits et crimes portant atteinte à la probité

Emmanuel Macron a souvent proposé la nécessité d’avoir un casier judiciaire vierge pour les élus.  François Bayrou a finalerment annoncé qu’une peine « d’inéligibilité de plein droit pour une durée maximale de 10 ans sera créée pour toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation pénale pour des crimes et délits portant atteinte à la probité. « Bien sûr le juge conservera la liberté de renoncer expressément à appliquer cette peine conforment aux droits fondamentaux » a donc précisé François Bayrou. Une disposition qui conduirait à une inéligibilité à vie se heurterait à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

« Les déports » pour prévenir les conflits d’intérêts

Les deux assemblées parlementaires fixeront les règles en matière de  prévention des conflits d’intérêts. Ce qu’on nomme des « déports ». « Vous savez ce que ce sont des déports ? À chaque vote, des élus lèvent la main, pour dire je ne participe pas aux votes car je suis en situation de conflit d’intérêts » a expliqué, cet après-midi, le ministre.

Interdiction des emplois familiaux

François Bayrou prévoit "l'interdiction de recruter des membres de sa famille"
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L’interdiction de recruter un membre de sa famille (ascendant, descendant et conjoint) concernera les membres du gouvernement, parlementaires et membres des exécutifs locaux.

Limitation de l’activité de conseil pour les élus

Toujours dans un souci de constitutionnalité, l’activité de conseil ne pourra pas être totalement interdite pour les élus. La réforme proposera un délai de carence : non seulement le parlementaire ne pourra commencer une activité de conseil en cours de mandat comme c’est le cas actuellement, mais il devra aussi abandonner cette activité au moins un an avant la date d’une élection. L’activité de conseil concernera le métier d’avocat. L’interdiction portera aussi pour le conseil auprès de sociétés dont l’activité dépend essentiellement de marchés publics ou d’épargne publique.

Fin de la réserve parlementaire et de l’IRFM

Le ministre a également annoncé la suppression de la réserve parlementaire. Elle sera remplacée par « un fond d’action pour les territoires ruraux », « transparents et soumis à critères précis et publics » (voire notre article). Le Sénat et l’Assemblée nationale seront aussi chargés de remplacer l’IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) par « un système de remboursement aux frais réels, sur présentation des justificatifs de frais ».

Bayrou prévoit la suppression de la réserve parlementaire
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Création d’une banque de la démocratie

Dans un troisième « chapitre » l’exécutif souhaite refondre les règles applicables au financement public de la vie politique, jugées « peu favorables au renouvellement et au pluralisme ».

Fort de son « expérience » politique, François Bayrou a rappelé combien certaines démarches étaient « humiliantes » auprès de banques privées. Il est « insupportable qu’une banque privée ait le droit de vie ou de mort sur une formation politique (…) a-t-il estimé en évoquant que sur ce point précis de refus de financement, il était en accord avec Marine Le Pen. L’exécutif propose donc la création d’une banque de la démocratie, qui adossée à la Caisse des dépôts, aura pour mission de financer la vie politique par des mécanismes de financement mutualisé (prêts, assurances et cautions partagées). Hasard ou non du calendrier, la présidente du FN a lancé aujourd’hui « un emprunt patriotique » pour financer sa campagne des législatives.

Afin d’améliorer le contrôle des financements des partis politiques, les formations auront désormais l’obligation de séparer les fonctions d' « ordonnateur » et de « payeur » des dépenses engagées. La Cour des Comptes sera compétente pour assurer la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes des partis, si ceux-ci ont bénéficié d'un financement public et ont des ressources importantes.

Les prêts par des personnes morales autres que des banques européennes ou des partis politiques seront interdits , tout comme l’aide ou prêt d’une personne morale étrangère.

Enfin, le gouvernement souhaite renforcer le rôle de la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne qui sera informée de tous les financements des partis, notamment de l’origine et du montant des dons.

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