Moralisation : quel rôle pour le déontologue de l’Assemblée et le comité de déontologie du Sénat ?

Moralisation : quel rôle pour le déontologue de l’Assemblée et le comité de déontologie du Sénat ?

François Bayrou demande à l’Assemblée et au Sénat de déterminer, via le « déontologue » et le « comité de déontologie », la manière de gérer les frais de mandat, qui devront être à l’avenir justifiés par des notes de frais. Assemblée et Sénat n’ont pas le même système de contrôle des questions d’éthique.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le projet de loi « pour la confiance dans notre vie démocratique », présenté jeudi par François Bayrou, comporte de nombreuses avancées en termes de transparence. Le garde des Sceaux a notamment annoncé que l’utilisation de l’Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) devra être à l’avenir justifiée par des notes de frais (voir notre article). Jusqu’à présent, aucun contrôle n’était exercé. Seuls des guides d’utilisation de l’IRFM ont été publiés.

Ce sera aux assemblées de contrôler ces notes de frais. « Chaque assemblée déterminera le montant et la manière dont seront gérés ces frais de mandat ou ces indemnités de fonction. Et sous contrôle du bureau des assemblées, et nous le souhaitons, des déontologues des assemblées ou des comités de déontologie, dont nous espérons qu’ils vont prendre une place importante dans la gestion de ces indemnisations. Ce sont eux, ces comités de déontologie, qui décideront ce qui dans les frais d’exercice du mandat parlementaire, est éligible à ces remboursements, de manière à ce que tout soit clair et transparent » a expliqué François Bayrou (voir la vidéo).

Il renvoie donc à l’Assemblée nationale et au Sénat le soin de préciser le détail de la mise en œuvre de la mesure, via leurs règlements. Ce seront donc aux députés et aux sénateurs de déterminer les règles qui les concerneront et la manière de les contrôler. Une limite à la portée de la réforme, qui peut se justifier au nom de la séparation des pouvoirs.

Pour contourner ce problème, la formule choisie en Grande-Bretagne pourrait être une solution. Suite à un scandale de notes de frais indues, en 2009, l’IPSA avait été créée. Autorité indépendante du Parlement, sa fonction est de recevoir et contrôler les notes de frais. Elles sont même rendues public.

A l’Assemblée nationale, un déontologue

Les députés et les sénateurs n’ont pas le même système pour les questions de déontologie. L’Assemblée nationale a un déontologue depuis 2011. Sa mission est de prévenir les conflits d’intérêts. Personnalité extérieure, il est nommé, sur proposition du président de l’Assemblée, par le bureau de l’Assemblée, autrement dit par les députés. Il est chargé « de recevoir les déclarations de dons et de voyages ainsi que les attestations sur l’honneur de bonne utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat, de conseiller les députés sur toute situation délicate et d’alerter le Bureau en cas de manquement » selon le site de l’Assemblée.

L’actuel déontologue est Ferdinand Mélin-Soucramanien. Il a été précédé par Noëlle Lenoir et Jean Gicquel. Dans ses propositions sur la transparence transmises à François Bayrou, le député apparenté PS de l’Aisne, René Dosière, propose que le déontologue ne soit plus à mi-temps, comme aujourd’hui, mais à temps plein et avec de véritables moyens d’action. Il pourrait consulter le compte bancaire de l’IRFM sans que le secret bancaire lui soit opposé. En cas d’irrégularité, la dépense pourrait être retenue sur son salaire, après une décision du bureau de l’Assemblée.

Au Sénat, un comité de déontologie composé de sénateurs

La Haute assemblée n’a pas de déontologue mais, depuis 2009, un comité de déontologie. Il est composé exclusivement de sénateurs représentants tous les groupes politiques. Au nombre de onze (voir la liste sur le site du Sénat), ils sont là aussi chargés d’examiner les problèmes de conflits d’intérêts et plus généralement d’éthique.

Décisions prises en bureau des assemblées

Dans sa déclaration, François Bayrou précise que les règles seront définies « sous le contrôle du bureau des assemblées ». Ils sont composés du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires. Au Sénat, ils sont 26 membres, représentant l’équilibre des groupes politiques. C’est là que se décideront les nouvelles règles.

Le dernier bureau de la Haute assemblée, qui s’est réuni mercredi, a justement abordé la question de l’IRFM. Le questeur UDI Jean-Léonce Dupont a présenté les différentes orientations du « groupe de travail sur les conditions matérielles d’exercice du mandat ». C’était avant de connaître la proposition de François Bayrou, mais leur échange donne une idée des positions des sénateurs. Plusieurs pistes ont été avancées : « Il peut y avoir la fiscalisation ou le régime de déclaration et de remboursement de frais, comme une entreprise » expliquait mercredi un sénateur. Un autre membre du bureau propose une autre solution : « Que l’IRFM soit fiscalisée pour la partie qui n’est pas dépensée. Et sur les notes de frais, on ne serait pas fiscalisé ». Autrement dit, cette formule créerait une sorte de salaire variable selon le niveau de frais du sénateur. Mais l’annonce du garde des Sceaux donne un cadre pour la réforme. Aux députés et sénateurs de mettre en musique la partition de François Bayrou. Si possible sans fausse note et en harmonie.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le