Municipales : « Le bordel » guette LREM

Municipales : « Le bordel » guette LREM

Les investitures pour les municipales ne sont pas une partie de plaisir à LREM. « Dans les très grandes villes, on est mal barré » reconnaît une députée. Certaines investitures données aux maires sortants, comme à Chelles, passent mal. François Patriat, patron des sénateurs LREM, sèche le bureau exécutif du parti, dénonçant cette décision.
Public Sénat

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Cédric Villani a-t-il donné le « la » des municipales à La République en Marche ? En contestant le choix de la commission nationale d’investiture de LREM de soutenir Benjamin Griveaux pour l’élection municipale, à Paris, le député fait depuis des émules dans la majorité présidentielle. « Ils ont filé le virus aux autres villes. C’est un bordel ! Mais feignons de l’organiser » s’amuse un sénateur centriste en contact avec la majorité. Même au sein du gouvernement, on préfère encore en rire. « Les municipales, ce sera très bien. Je vais prendre quelques Prozac et ça ira mieux ! » lance une secrétaire d’Etat, qui n’a pas oublié son second degré.

Le parti fait du cas par cas, rendant peu lisible sa stratégie

Les grandes villes sont emblématiques de ces difficultés. « Dans les très grandes villes, on est mal barré » lâche une députée LREM à responsabilité. « Ce n’est pas très facile » reconnaît une ministre. A Lyon, Gérard Collomb a finalement été investi par le parti, mais le président sortant de la métropole, David Kimelfeld, veut maintenir sa candidature. A Marseille, on attend encore la fumée blanche qui désignera le candidat. Quant à Lille, la candidate désignée, Violette Spillebout, l’ancienne directrice de cabinet de Martine Aubry, a déclaré ne « pas du tout » se sentir comme la « candidate macroniste »…

Mais les tensions ne se limitent pas aux grandes agglomérations. Et certains choix de LREM se retrouvent mis en cause. Le parti fait du cas par cas, rendant peu lisible sa stratégie. Pour s’assurer plus facilement un ancrage local qui lui manque, et élargir la majorité, le parti de Stanislas Guerini donne son investiture à des sortants issus de LR ou du PS, quand ailleurs, il soutient des marcheurs pur sucre.

« Les accords doivent être respectueux et équilibrés »

A Chelles, en Seine-et-Marne, le parti a investi le maire LR sortant, Brice Rabaste, alors qu’un marcheur, Hadrien Ghomi, avait réclamé l’investiture. Il se trouve être le suppléant de la députée LREM Stéphanie Do et surtout le secrétaire général du groupe LREM du Sénat, présidé par François Patriat. Il est aussi l’ancien collaborateur parlementaire du sénateur de Côte-d’Or. Autrement dit, un proche. La décision de la commission nationale d’investiture (CNI) a été validée par le bureau exécutif du parti le 23 octobre. Décision restée au travers de la gorge de François Patriat, fidèle macroniste. Il a depuis claqué la porte du « burexe », comme l’a révélé Le Parisien. Selon nos informations, il n’y a toujours pas remis les pieds depuis.

Un membre du bureau exécutif explique ce coup de sang. « Les accords doivent être respectueux et équilibrés. On ne vend pas un accord à des maires sortants, quand ils veulent surtout éviter d’avoir une liste En Marche. A ce prix-là, j’ai peur que parfois, on se fasse, non pas rouler dans la farine, mais démonétiser. Après, le maire se croit tout permis et on le laisse choisir les membres d’En marche qu’ils veulent ou pas sur sa liste » peste ce membre du bureau exécutif. Selon ce dernier, un soutien doit être mieux cadré et prévoir « un accord sur le nombre et les noms » des marcheurs présents sur la liste pour l’élection. Autrement dit, pas de chèque en blanc.

« On donne l’impression de donner les clefs aux maires sans condition »

Selon un marcheur local, « on donne l’impression de donner les clefs aux maires sans condition et d’être dans une opacité totale. Il y a plusieurs villes où c’est le cas ». Le même ajoute :

« Il y a pas mal d’endroits où c’est un peu la merde ».

Ce ne sont pas les marcheurs blancs, mais les marcheurs verts, car dégoûtés de la situation. Comme pour donner de l’eau à leur moulin, la responsable LR de Seine-et-Marne, Valérie Lacroute, explique au Parisien avoir eu au téléphone Brice Rabaste, qui lui aurait assuré n’avoir rien demandé. « Lui aussi s'est dit surpris par cette annonce », confie la députée au journal. « Il n'y a pas d'ambiguïté avec Brice. Il appartient à notre parti de longue date et participe toujours à nos réunions. Il a toujours sa carte ».

Mais Brice Rabaste a pour lui sa proximité avec le premier ministre. Il a son rond de serviette à la table d’Edouard Philippe, qui organise des dîners avec des maires de droite Macron-compatibles. Cet ancien collaborateur de Jean-François Copé est aussi soutenu par plusieurs députés LREM issus de la droite. A la CNI, c’est sa co-présidente, la députée Marie Guévenoux, juppéiste et ancienne présidente des Jeunes populaires, qui l’aurait notamment soutenu. « Il y a eu un débat entre nous, comme cela arrive souvent quand on présente les choix de la CNI, mais il n'y a pas de crise », a soutenu au Parisien Marie Guévenoux.

Un marcheur opposé à la décision soutient que la députée « a tout fait pour le soutenir ». « En gros, à la CNI, sur les villes de gauche, c’est plutôt Alain Richard (l’autre co-président de la CNI, ndlr) et Marie Guévenoux ne dit rien. Et sur les villes de droite, c’est plutôt Marie Guévenoux qui s’en charge et Alain Richard ne dit rien » selon le même. Contactée, Marie Guévenoux n’a pas répondu à notre sollicitation. Un autre membre de la CNI minimise l’événement : « Dans une désignation, il y a toujours des déçus. Parfois les militants de terrain, parfois le parlementaire, parfois le référent local ».

Jouer placé et pas uniquement gagnant

Mais cette stratégie attrape-tout a aussi ses défenseurs au parti et dans la majorité. « On n’est pas là pour faire des candidatures de témoignage. Quand un maire sortant est dans la constructivité, il faut le soutenir » soutient un membre du gouvernement. Il s’agit aussi de jouer placé, et pas uniquement gagnant. « Notre enjeu n’est pas tant de gagner des villes que de gagner des élus locaux. Déjà pour exister aux sénatoriales qui vont arriver et pour créer une génération d’élus locaux » souligne le même détenteur de marocain ministériel.

Mais à écouter les macronistes mécontents, l’exemple de Chelles serait au contraire celui à ne pas suivre. « Le risque est de décourager les marcheurs et d’avoir une fuite de marcher du mouvement demain » craint un membre du bureau exécutif. Certains marcheurs de la première heure organisent déjà la résistance, sous le patronyme de « marcheurs libres ». Ils tiennent leur première assemblée générale ce dimanche 16 novembre, à Lille. A Champigny, dans le Val-de-Marne, ces « marcheurs libres » ont déjà fait scission, dénonçant un parachutage local.

« Si ça se trouve, on va se prendre une plaque monumentale »

Résultat, l’issue est également ressentie comme incertaine dans les petites villes. « On peut gagner. Mais si ça se trouve, on va se prendre une plaque monumentale, y compris dans les petites villes » craint la députée LREM citée plus haut. Mais tout dépend aussi de la manière de regarder les résultats le soir du second tour. Ils seront dans certains cas difficiles à lire, avec des maires LR ou PS sortants qui entretiennent une forme de flou. A quel niveau se situera exactement la jauge de LREM ?

En cas de déconvenues, le parti présidentiel pourra toujours positiver et voir le verre à moitié plein pour mieux faire passer la pilule. « On ne peut pas perdre, car on n’a rien ! On va forcément progresser » se rassure un responsable de la majorité. Vues comme ça, les municipales seront une partie de plaisir.

Dans la même thématique