Nicolas Bouzou : « La pire des erreurs, ce serait de rétablir l’ISF »

Nicolas Bouzou : « La pire des erreurs, ce serait de rétablir l’ISF »

Entretien avec Nicolas Bouzou, économiste et essayiste. Crise sanitaire, crise économique et sociale, il livre ses réflexions à Tam Tran Huy dans l’émission « Allons plus loin ». Il publie « L'amour augmenté, nos enfants et nos amours 21ème siècle » aux éditions de L’Observatoire.
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On va parler de ce que l'on vient de voir dans ce reportage. On y voit certains jeunes inquiets pour leur avenir, mais aussi on voit des jeunes qui préparent activement leur futur. Alors, quel message voulez-vous adresser à ces jeunes ?

Qu'il n'y aura pas de génération sacrifiée. Que les États, et en particulier l'État français, mettent en place des dispositifs très importants de soutien aux jeunes. On le voit avec l'alternance : l'année 2020 sera une année pas trop mauvaise en matière d'alternance. Je ne veux pas trop m'avancer, mais il est même possible qu'elle soit assez bonne parce que les soutiens qui ont été mis en place en France sont des soutiens extrêmement forts, qui fonctionnent bien et qu'il faudra d'ailleurs sans doute pérenniser après la crise. Je ne vais pas passer en revue tous les détails du plan de relance. Mais il y a aussi des aides à l'embauche pour les entreprises.

Et puis, il faut que les jeunes se disent aussi que la Covid  est un accélérateur de mutations. Et, en réalité, un certain nombre de ces mutations sont positives. Regardez ce qu'on était en train de faire dans le domaine de l'écologie. On accélère très fortement ce qu'on est en train de faire dans le domaine de l'urbanisme. On est en train de rénover, de refaire les villes. Une crise, c'est toujours un drame. Mais, comme dans la vie, certains drames vous aident à vous construire. Il faut essayer de s'appuyer sur cette crise pour faire des choses bien.

C'est ce qu'on est en train de faire. Je prenais l'exemple de l'écologie. C'est très spectaculaire, cette accélération me rend très confiant, de même dans le domaine de la santé. On voit bien qu’en France, on est en train de faire un certain nombre de choses comme le Ségur de la santé. Ce n'est pas en pure perte. J'ai même envie de dire aux jeunes, au fond, ‘vous allez tirer les bénéfices de tous ces investissements qu'on est en train de faire’. N’écoutez pas ceux qui vous disent on vous laisse une dette, on vous laisse un monde atroce. On est en train de construire quelque chose de nouveau ensemble.

Vous avez d'ailleurs écrit une tribune dans L'Express, où vous avez expliqué qu'il faut en finir avec le mythe de la génération sacrifiée. Mais quand même, les jeunes aujourd'hui, ceux qui arrivent cet automne sur le marché du travail vont quand même se confronter à des difficultés. Qui sont-ils ?

Évidemment, cette crise, cette récession que nous avons connue cette année est la plus forte depuis 80 ans. On a mis en place, là encore, des dispositifs de soutien qui sont très performants. L'activité partielle permet d'éviter une explosion du chômage. L’Insee vient de nous le rappeler dans sa note de conjoncture. On a une augmentation du chômage, mais elle est quand même pour l'instant assez contenue. Les prêts garantis par l'État pour les entreprises permettent d'éviter un trop grand nombre de faillites. On étale un peu la crise dans le temps. Après, il faut bien voir que la sortie de cette crise n'est pas une crise économique. C'est une crise sanitaire qui a des conséquences économiques.

Ce que fait le gouvernement sur le plan économique est très bien. Le plan de relance, j’en accepte complètement l'orientation, qui est plutôt axée sur l'attractivité de la France et sur l'offre. Mais il ne faut pas oublier simplement que tout ceci va se heurter au manque de confiance, qui lui-même est lié aux problèmes sanitaires. Autant je trouve que sur le plan économique, le gouvernement fait très bien les choses, autant quand on regarde, par exemple, l'organisation des tests en France, c'est invraisemblable, cela ne va pas du tout. Et cela a des conséquences économiques. Je ne veux pas opposer le ministre de la Santé et le ministre de l'Économie, mais la désorganisation en matière de tests peut faire en partie échouer le plan de relance.

C'est catastrophique. Regardez la moindre fréquentation des commerces aujourd'hui. Ça commence à avoir des conséquences très fortes sur les faillites. Certains artisans comme les fleuristes, les petits commerçants connaissent de très grandes difficultés. Donc il faut absolument, tant que l’on n'a pas encore de vaccin ou de remèdes, qu'on organise au mieux la situation sanitaire en France. Et pour l'instant, on n'y est pas.

Que pensez-vous de ceux qui disent, dans le sillage de propos très provocateurs de Nicolas Bedos, par exemple, que l'on sacrifie aujourd'hui les jeunes pour sauver les vieux ?

Je suis en total désaccord avec cette thèse depuis le début. Déjà, moi, je ne fais pas de comptabilité générationnelle. Je n'oppose pas les uns aux autres. Nous traversons une situation très grave et très difficile. On a plutôt besoin d'être rassemblés. Notre civilisation, elle, a fait passer la vie humaine avant l'économie. Je pense que c'est un choix admirable. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que ça se produit. Notre modernité n’est pas aussi matérialiste qu'on a bien voulu le dire.

Par ailleurs, des jeunes aujourd'hui sont aussi fortement touchés par le coronavirus. Alors ils ne meurent pas forcément, mais ils peuvent avoir des séquelles pendant très longtemps. On a des jeunes en réanimation. Je n'aime pas cette idée qui consiste à opposer les uns aux autres.

En revanche, nous devons mettre en place des mesures barrières et mettre en place un contrôle des mesures barrières qui n'affectent pas l'économie. Regardez les restaurants. Je suis très opposé à la fermeture des restaurants. Je suis très opposé à la fermeture systématique des salles de sport. Je pense, en revanche, c'est ce que l'on commence à travers les protocoles qu'on doit renforcer les protocoles sanitaires. L'exemple des salles de sport est très, très symptomatique. Il faut rouvrir les salles de sport dans les zones où elles ont été fermées. C'est le cas à Paris, mais en renforçant les protocoles sanitaires et en renforçant les contrôles. Parce ce que faire fermer certains secteurs est très dommageable économiquement. Et puis, c’est très injuste parce que ceux qui ont bien fait les choses, payent pour les autres.

Et puis, c’est très difficile à expliquer. Par exemple, les enfants peuvent aller aujourd'hui faire du sport en intérieur, pas leurs parents…

J'ai des adolescents à la maison et je vois bien que le sport au collège ou au lycée ne respecte pas forcément les mesures barrières alors qu'elles sont respectées en salle de sport. Vous avez tout à fait raison.

Vous disiez être plutôt inquiet pour les fleuristes, par exemple. Bruno Le Maire annonce un élargissement du Fonds de solidarité à 75.000 entreprises supplémentaires. C'est une bonne mesure ? Ça va suffire ?

C'est une bonne mesure mais ça ne va pas suffire. C'est une bonne mesure parce que nous avons le devoir de soutenir ces gens de toute façon. Le parti pris de la France a été depuis le début de soutenir au maximum les salariés et de soutenir au maximum les entreprises. C'est un choix qui n'a pas été fait ailleurs. Aux États-Unis, par exemple, il n'y a absolument rien. Donc, c'est un choix très fort qui a été fait par la France. Je le soutiens. J'ai participé à toutes les réunions des économistes autour de Bruno Le Maire. Je pense que c'est vraiment le bon choix.

Maintenant, nous ne sommes plus en mars. En mars, ces mesures fonctionnaient bien. Aujourd'hui, ce que demandent les entreprises et ce dont elles ont besoin, c'est du chiffre d'affaires. C'est de la demande. Je reviens donc à ce que je disais tout à l'heure : il faut aussi qu'on ait des protocoles sanitaires qui permettent à la vie économique de reprendre. Elle ne reprendra pas comme avant, tant que nous ne serons pas sortis de la crise, tant qu'on n'aura pas un vaccin. Mais il faut au maximum que la vie économique reprenne. Les restaurateurs, les fleuristes, etc. m’écrivent beaucoup et ils me disent : « C’est très bien d'avoir du soutien. C'est très bien qu'on nous aide. Mais nous, ce qu'on veut, c'est travailler et travailler. »
Au passage, dans notre pays, on a un certain nombre de gens qui dévalorisent un peu le travail, notamment à gauche de l'échiquier politique. Politiquement, ils se trompent, y compris ceux qui prétendent être proches du peuple. Parce que les gens du peuple, moi, ils me disent : « On veut travailler. »

Néanmoins, vous avez aussi entendu les débats qu'il y a autour du plan de relance, notamment sur la question des contreparties. Ce débat n’est-il pas justifié ? Quand on voit ce qui se passe pour Air France, pour Renault, les contreparties ne sont pas nécessaires selon vous ?

Non, c'est un débat qui est absolument injustifié : on sous-estime considérablement la gravité de la situation. Nous sommes dans la situation économique la plus grave depuis huit décennies. On va avoir énormément de faillites d'entreprises et on va le payer pendant longtemps. On ne va pas dire aux entreprises : « Écoutez, on a une idée. On baisse un peu les impôts de production, mais en contrepartie, il faut faire ça. » C'est complètement absurde.

Il ne va y avoir des effets d’aubaine pour certaines entreprises ?

 Bien sûr, il y aura des effets d'aubaine. Bien sûr, on dépense trop d'argent public. Bien sûr, on va aider trop d'entreprises. Parce qu'il y a aussi des entreprises qui auraient dû faire faillite parce qu'elles ne sont pas efficaces, mais on va les soutenir quand même. C'est ce qu'on appelle les « entreprises zombies ».

Mais vous savez, quand on fait de la politique en ce moment, toutes les décisions qu'on prend sont mauvaises et ont des impacts qui sont négatifs. Mais on considère que d'autres décisions seraient pires ou le fait de ne pas prendre de décisions serait pire. On fait le moins mauvais. C'est le tragique de la politique aujourd'hui.

Et si on veut faire une politique écologique - moi, ça fait dix ou quinze ans que je pousse très fort pour qu'on accélère sur l'écologie – on fait des vraies politiques écologiques. On n'embête pas les entreprises, on développe l'économie circulaire… On fait, comme on va sans doute le faire en Europe, une taxe carbone aux frontières. On arrête au passage aussi de fermer des réacteurs nucléaires parce qu'on ne peut pas embêter les entreprises d'un côté et se priver la principale source d'énergie propre de l’autre.

Donc on a une vraie politique écologique, mais on laisse les entreprises se redresser. On ne demande pas de contreparties.

Est-ce que vous jugez que le plan de relance est équilibré ? Il va y avoir un million de Françaises et de Français qui vont être poussés dans la précarité. À ceux-là s’ajoutent 9,3 millions de Français qui vivaient avec moins de 1063 euros par mois. Est-ce qu'il ne fallait pas quand même plus les aider ?

Si, il faut encore le faire. Je l'ai dit, je partage l'orientation du plan de relance, mais il y a une urgence sociale. En effet, on voit à nouveau une augmentation de la pauvreté. On voit la réapparition de certains cas de malnutrition en France.
Laurent Berger a fait une proposition aujourd'hui qui consiste à augmenter le RSA, par exemple. J'y suis tout à fait favorable. On voit aussi des régions qui donnent des chèques-restaurants pour les publics fragiles. J'y suis très favorable. Je pense qu'il manque encore un volet à ce plan, c’est le volet urgence sociale.

Et c’est dans ce contexte qu’est publié un rapport qui va faire du bruit. La suppression de l’ISF et l'instauration de la flat tax au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter les revenus des 0,1% des Français les plus aisés. C'est la conclusion du deuxième rapport de ce comité d'évaluation des réformes de la fiscalité. On ne peut pas le taxer d'être de gauche ou de parti pris, parce que c'est quand même un organisme qui est rattaché à Matignon qui s'occupe de ce rapport à France Stratégie. Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que qu'est-ce que vous pensez de ces mesures ? Elles sont acceptables quand on voit la crise dans laquelle on est aujourd'hui ?

Oui, absolument. Parce que pour avoir une bonne reprise économique, on a besoin d'avoir de l'investissement. Et pour avoir de l'investissement, on a besoin d'avoir du capital. Je sais qu'en France, ce message simple ne passe pas. Mais si vous taxez le capital, vous aurez moins de capital, moins d'investissements, moins d'emplois et moins de salaires. Taxer le capital, c'est diminuer les salaires à moyen terme. Et donc, j'ai soutenu la suppression de la partie financière de l’ISF et de la flat tax sur les revenus du capital parce que ce sont de bonnes mesures économiques qui auront des impacts.
Mais les gens attendent ce fameux ruissellement et ce ruissellement ne vient pas pour l'instant. On voit bien avec le contexte actuel, c'est la pauvreté qui s'accroît.
Oui, mais le contexte actuel est absolument exceptionnel. Mais ce n'est pas parce qu'on a une situation économique grave qu'il faut prendre des mauvaises mesures de politique économique. Vous ne m’aurez pas à la démagogie, j'ai d'autres défauts, mais pas celui-là. Je ne suis à titre personnel, même pas assujetti à l’ISF. Donc vous voyez quelle est ma grandeur d'âme : je défends une mesure impopulaire alors qu'elle ne me concerne pas. Mais la pire des erreurs, ce serait de rétablir l’ISF.  Car cela se fera in fine contre les salariés.

Nicolas Bouzou nous allons parler de votre livre L'amour augmenté, nos enfants et nos amours au 21ème siècle. Pourquoi avoir décidé de parler d'amour, de famille, de procréation ? On est loin de la conversation qu'on vient d'avoir et de vos sujets de prédilection.

Vous savez, j'avais beaucoup écrit sur le travail. J'ai sorti plusieurs ouvrages sur le travail ces dernières années et au fond, dans la vie, il y a deux grandes choses qui sont importantes le travail, la famille et l'amour. Voilà les deux grandes choses qui nous qui nous obsèdent. 

Et puis, j'ai aussi beaucoup travaillé sur l'innovation, sur les changements technologiques. J'avais écrit plusieurs ouvrages autour de l'idée selon laquelle cette mutation technologique faisait de nous des consommateurs gâtés, des consommateurs infidèles. Mais nous sommes aussi devenus des employés infidèles. Nous sommes devenus des électeurs infidèles. La volatilité électorale a beaucoup progressé. Je me suis demandé, dans cette société où on refuse la frustration, où on a ce qu'on veut en permanence, comment le couple peut-il tenir ? Car, au fond, c’est la structure la plus rigide qui soit : vous êtes une personne, c'est toujours la même. En théorie, vous lui devez fidélité.

Ça peut être un refuge dans ce monde de volatilité…

C’est la conclusion de mon livre. Alors même que l’on pourrait penser que tout est fait pour détruire la « famille traditionnelle ». Il y a eu des évolutions technologiques. Et puis, on a eu des débats en France sur l'ouverture de la PMA pour les couples de femmes. Et puis un jour, on aura peut-être un débat sur la GPA. Et donc, on pourrait se dire mais que tout cela est en train de bouleverser la famille. D’ailleurs, un certain nombre de personnes conservatrices, pour qui j’ai le plus grand respect, ont l'impression que cela participe de l'écroulement du monde.

Et pourtant non, la famille tient bien. Nos familles aujourd'hui sont essentiellement basées sur l'amour. C'est formidable. Et quand vous interrogez les jeunes, quand vous leur demandez : « Qu'est-ce que vous voulez dans la vie ? » Ils nous disent : « Ce qu'on veut, c'est vivre à deux avec quelqu'un qu'on aime. On veut avoir deux enfants, les élever. » Des choses assez classiques ! Et ce même s'il y a des divorces, même s'il y a de l'infidélité, même si la famille change, même s'il y a des homosexuels qui ont des enfants, ce à quoi je suis très favorable. Moi, j'étais très partisan à la fois du mariage pour tous et de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes. Je pense que ce sont des évolutions absolument formidables.
Tout ça, non seulement ne remet pas en cause la famille, mais au contraire cela institue, cela ancre la famille d'amour dans nos sociétés.

Est-ce que notre société fait plus attention à cela ? On voit aujourd'hui les jeunes qui disent : « Je veux aussi avoir ma sphère de vie privée en même temps que le travail. » Peut-être qu'il y a vingt ans, on se consacrait davantage dans la carrière que dans la vie familiale, dans l'amour, dans la construction personnelle.

Vous avez tout à fait raison. C'est une évolution qu'on voit très clairement. Mais je pense qu'il faut s'en méfier, surtout dans le contexte actuel. Ce qui nous fera sortir de la crise, c'est le travail. Il n'y a que cela. On peut faire de la dette publique – on en fait énormément et je pense qu'on a tout à fait raison d'en faire –, on fait des gros plans de relance... J'entends des gens dire d'ailleurs, y compris dans cette maison au Sénat, qu’il n'aurait pas fallu faire 100 milliards d'euros de plans de relance, mais 200 milliards, oui, 500 milliards, je n’en sais rien…

Au bout d’un moment il va bien falloir les payer…

On peut tout dire, évidemment. Mais c'est quelque chose que Marx a très bien expliqué le fait que in fine, toute valeur provient du travail. Le travail vous émancipe autant que l’amour.. Être heureux dans son couple, être heureux dans son métier : quand on a fait ça, on contribue à la société. Et puis bon, on a quand même réussi une bonne partie de sa vie.

Dans votre livre, Nicolas Bouzou, vous défendez plutôt les applis, comme Tinder par exemple. Tandis que ces applis ont été d'ailleurs pas mal démolies par un certain nombre d'enquêtes, dont celle de Judith Duportail dans son livre L'amour sous algorithme. Elle montrait comment ces applis manipulaient beaucoup nos rencontres, nos affinités. Vous ne pensez pas que ça change quand même structurellement l’amour ?

Non, ça ne change pas. Alors, on a maintenant beaucoup d'études sur les applications de rencontres. On voit qu'en effet, elles rendent plus fréquentes les aventures d'un soir. Je ne suis pas un moraliste, je n'ai absolument rien contre les aventures d'un soir et je ne pourrais pas les critiquer. Mais ce que l'on voit au-delà de ça, c'est que ça ne change pas fondamentalement la façon dont on choisit un partenaire.


Mais on sait qu’il y a des filtres dans les applications, dans le fait de rencontrer une personne plutôt qu'une autre.

D'une part, c'est vous qui choisissez. Mais surtout, la mauvaise nouvelle qu'ont oublié les sociologues qui critiquent les applications, c'est que ces filtres existent dans la vie. Moi, je suis d'une génération où on allait en boîte de nuit, vous croyez qu'il n'y avait pas de filtre ? Moi, j'allais dans une boîte de nuit à côté de mon université, dans le 16ème arrondissement. C'était très cher. Je peux vous dire qu'il y avait énormément de filtres... Et il en allait de même avec la génération de mes grands-parents au bal musette. Donc ça, c'est quelque chose qui a toujours existé, les études le montrent bien. Quand on rencontre des gens sur Tinder, il y a une mise en relation. Et après, on se rencontre et on en revient à des relations extrêmement classiques. Donc, je vais vous dire, si j'avais 18 ou 20 ans aujourd'hui, sans doute que j'utiliserais ces applications de rencontres.

Vous en avez parlé tout à l'heure, vous nous avez parlé de vous, vous étiez favorable à la PMA, à la « GPA éthique » - c’est-à-dire sans rapport mercantile…

Exactement c’est-à-dire sans rémunération de la mère qui donne ses ovocytes et sans rémunération de la femme qui porte le bébé.

Tous ces éléments sont compris dans la loi de bioéthique qui poursuit son chemin au Parlement. Quel regard vous portez sur la façon dont ça se passe cette fois-ci ? On est quand même très, très loin du climat de la Manif pour tous. Il y a quand même une évolution.

C’est extrêmement positif. On voit les évolutions sociétales dans les sondages. Aujourd'hui, l'homosexualité, typiquement, est quelque chose qui ne choque plus personne. Ce qui n'était pas du tout le cas il y a 50 ou 60 ans. L'homosexualité a été dépénalisée dans un certain nombre de pays européens dans les années 50 ou dans les années 60. Donc, c'est quelque chose qui est extrêmement récent. Donc là, il y a eu une évolution incroyablement positive.
Et même quand on interroge les gens sur la PMA pour les couples de femmes, il est vrai que cela choque encore un certain nombre de gens, mais c'est vraiment rentré dans les mœurs. Et donc, là encore, on voit que le progrès existe et que nos sociétés vont vraiment dans le bon sens, dans le sens d'une plus grande tolérance. Je trouve tout à fait admirable la façon dont les débats, et notamment le débat parlementaire, se sont déroulés sur ces questions. C'était un débat apaisé, de bon niveau et je trouve qu'il grandit le débat public dans nos démocraties.

Il y a un autre débat au sein de ce débat parlementaire sur la loi de bioéthique. On en a beaucoup moins parlé au niveau du grand public. C'est tout le débat sur la génétique, et notamment le fait de pouvoir, par exemple, améliorer, couper nos gènes. J'en parle, d'autant que nous venons d'avoir le prix Nobel avec cette chercheuse française qui vient d'avoir le prix Nobel. Qu'est-ce que vous pensez vous de ce débat ? Parce qu'il y a aussi cette crainte de d’entrer « Bienvenue à Gattaca » et d’améliorer notre patrimoine génétique.

Pour le coup, il y a encore beaucoup de craintes. Bien sûr, ce débat, de toute façon, nous l'aurons puisque les évolutions technologiques nous emmènent vers ça. Je suis favorable à une sélection des embryons et à une manipulation des embryons permise par exemple par CRISPR-Cas9, l’objet du prix Nobel de chimie, dans le cas de maladies très graves, par exemple la mucoviscidose. Je suis tout à fait favorable à ce qu’on puisse faire, soit une sélection des embryons – c'est ce qu'on fait aujourd'hui avec la Trisomie 21 –, soit une manipulation des embryons. En revanche, je suis favorable à une interdiction de la sélection ou une manipulation des embryons pour des raisons esthétiques, par exemple choisir les yeux de l'enfant. Je pense que ça doit être complètement interdit. Moi, je crois à la régulation. Je pense qu'on peut autoriser des choses et je pense qu'on peut interdire des choses.

 

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