Nouvelle journée d’action dans la fonction publique, après un appel unitaire

Nouvelle journée d’action dans la fonction publique, après un appel unitaire

Les fonctionnaires étaient appelés à cesser le travail ce jeudi 9 mai. Les organisations syndicales protestent toujours contre la réforme de la fonction publique, dont ils dénoncent la logique comptable. Le mouvement national est aussi porté par un mouvement suivi dans l’Éducation nationale.
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Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Mickael Spitzberg)

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Fonctionnaires dans la rue, acte IV. Pour la quatrième fois depuis le début du quinquennat, les salariés du secteur public étaient appelés ce jeudi 9 mai à battre le pavé, après un appel unitaire, pour protester contre les orientations de la réforme de la fonction publique. Le projet de loi de transformation de la fonction publique, connu depuis trois mois et débattu à l’Assemblée nationale à partir du 13 mai, fait l’unanimité contre lui.

Les neuf syndicats représentatifs (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, Unsa, FA-FP, CFE-CGC et CFTC) font front commun contre le projet de loi « de transformation de la fonction publique », qui risque, selon eux, de conduire à une « dégradation des services ». Redoutant une logique comptable à l’œuvre, l’intersyndicale considère que « ces réformes ne sont pas portées par la volonté d’un meilleur service public mais bien par des principes de coupes budgétaires et de destruction du statut ».

Les différentes organisations demandent un retrait du texte, ou a minima un changement de copie, à l’image de la CFDT, qui porte « une appréciation négative ». « Ce projet de loi ne nous convient pas dans son écriture actuelle. La CFDT demande qu’elle évolue », a fait savoir Laurent Berger ce jeudi. Le secrétaire général de la Confédération, présent à la manifestation unitaire à Paris, promet que son syndicat « continuera » son « action », à l’issue de cette journée de mobilisation.

Le ministre inflexible : pas de renégociation du texte

Le secrétaire d’État en charge de la réforme, Olivier Dussopt, a opposé une fin de non-recevoir aux syndicats. « La réponse est non, pour une seule raison, nous avons eu quinze mois de concertation, six semaines de consultations officielles, ensuite j'ai accepté beaucoup d'amendements présentés par les deux syndicats qui ont joué le jeu des amendements, la CFDT et l’Unsa », a expliqué le ministre ce matin sur CNews. Fini le temps de la concertation, place à la discussion législative, fait savoir Olivier Dussopt, qui espère une adoption avant l’été.

Les ajustements sont loin d’être suffisants pour les syndicats. La CFDT a fait les comptes et constate que le ministère n’a tenu compte que 30 des 100 amendements au projet de loi qu’elle avait proposés. En séance, le gouvernement proposera notamment l’instauration d’une prime de précarité dans la fonction publique pour les contrats de moins d’un an, dès 2021. Les syndicats auraient aimé que l’ensemble des contrats précaires soient concernés.

Pas d’inflexion, à ce stade, sur les dispositions les plus contestées de la réforme. Le projet de loi, qui doit faciliter « une action publique plus réactive et plus efficace », doit faciliter le recours à des contractuels (20 % actuellement des effectifs des fonctions publiques). Le tout, en accordant plus de place à rémunération au mérite. « Arrêtons de la casse de la fonction publique », demande dans une tribune le secrétaire général de l’Unsa, Luc Farré, dénonçant une « boîte à outils pour privatiser la fonction publique et pour supprimer des postes ».

Craintes sur le statut

S’il ne cache pas sa volonté de faciliter la gestion des équipes, le gouvernement assure néanmoins qu’il n’est pas question de toucher au statut de fonctionnaire. « Nous avons un attachement au statut de la fonction publique. Nous le protégeons, nous le faisons évoluer », affirme ce matin Olivier Dussopt.

De la souplesse, il en est aussi question pour la gestion des carrières des agents. Instaurer des ruptures conventionnelles (insuffisamment encadrées selon les syndicats), faciliter la mobilité et les ponts entre privé et public font partie des axes prévus par le projet de loi. « Cette réforme est attendue par les agents qui veulent de la mobilité, de la formation, maîtriser leur carrière », indique Olivier Dussopt, promettant de « nouveaux droits » pour les fonctionnaires. C’est le cas du doublement du plafond de la prime en cas de restructuration d’un service ou de pouvoir conserver son CDI en changeant famille de fonction publique (État, hospitalière ou territoriale).

Revendications sur le pouvoir d’achat

Les organisations syndicales craignent également de perdre leur influence avec la diminution du nombre des instances où elles siègent, et redoutent une plus grande autonomie accordée aux employeurs. Ce sont dans les commissions paritaires où se décident les questions liées aux ressources humaines.

Les raisons de la colère sont aussi plus anciennes que le texte d’Olivier Dussopt. Depuis le quinquennat de François Hollande, les fonctionnaires sont confrontés à un gel du point d’indice, limitant de fait la progression de leurs salaires. L’Insee a toutefois récemment calculé que le salaire net moyen dans la fonction publique avait augmenté de 1,3 % à 2,1 % selon les administrations en 2017. Avec les réformes sociales du début du quinquennat d’Emmanuel Macron, les agents de la fonction publique se sont aussi sentis mis de côté par rapport aux salariés du privé, car ils n’ont pas bénéficié de la suppression de certaines cotisations salariales.

Le gouvernement compte sur la poursuite, cette année, de l’application de l’accord sur les carrières et les rémunérations (PPCR), né en 2016, pour répondre à ce problème de pouvoir d’achat. « Le revenu moyen par poste va augmenter de 2,6 % », promet Olivier Dussopt. À l’échelle du budget 2019, l’accord représente 850 millions d’euros.

Une mobilisation toujours suivie dans l’Éducation nationale

À l’heure où les services hospitaliers sont sous tension, les fonctionnaires s’interrogent aussi sur les annonces d’Emmanuel Macron fin avril sur la sauvegarde de certains services publics. Aucun hôpital ou école ne sera fermé d’ici 2022 sans l’accord d’un maire. L’objectif de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat est aussi assoupli. Le président de la République s’est dit prêt à « abandonner » cet objectif si cette baisse ne n’avérait pas « tenable ». Mais le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a semé le trouble en précisant que le chiffre restait « atteignable ».  « Ce n’est pas un totem », martèle Olivier Dussopt, en charge de la fonction publique, tout en rappelant la nécessité de « tenir la trajectoire d’économies ».

Le mouvement social des fonctionnaires devrait être porté par la grogne des enseignants, vent debout contre la réforme de l’école portée par le ministre Jean-Michel Blanquer. Le taux de gréviste s’élève ce jeudi à 14,5 % chez les enseignants, conformément aux prévisions du ministère. Le niveau est légèrement inférieur à la précédente journée d’action du 19 mars. Le mouvement est particulièrement perceptible dans le primaire, où 17,6 % des professeurs ont cessé le travail. De son côté, le syndicat SNES-FSU annonçait 35 % de grévistes dans le second degré (11,7 % selon le ministère).

Le niveau de la mobilisation sera capital pour les syndicats, qui comptent afficher un rapport de force. Lors d’une journée comparable (22 mai 2018), le taux de gréviste s’élevait selon Bercy à 10,3 % dans la fonction publique d’État (6,6 % dans la fonction publique territoriale, et 7,5 % dans la fonction publique hospitalière).

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