Offensive dans le Donbass : « les Russes vont se heurter à une armée ukrainienne très bien préparée », selon le général Trinquand

Offensive dans le Donbass : « les Russes vont se heurter à une armée ukrainienne très bien préparée », selon le général Trinquand

Depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février, les forces armées russes butent sur une armée ukrainienne qui résiste. Après l’échec de la conquête de la Kyiv, l’Etat-major Russe a annoncé concentrer ses moyens dans le Donbass, une région stratégique et symbolique pour Moscou.
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Par Louis Dubar

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Elle était annoncée depuis plusieurs semaines, la bataille pour le Donbass a débuté depuis le mardi 19 avril. « Nous pouvons maintenant affirmer que les troupes russes ont commencé la bataille […]. Une très grande partie de l’ensemble de l’armée russe est désormais consacrée à cette offensive » a annoncé le président Zelensky sur Telegram. Cette bataille pour cette région située au sud-est de l’Ukraine pourrait sceller le sort de la guerre. En cas de victoire, la conquête du Donbass pourrait faire pencher la balance en faveur de Moscou. Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l’ONU rejoint ce constat de lutte décisive entre Moscou et Kyiv.

Une part importante du dispositif militaire russe est désormais affectée à la conquête du Donbass, assistons-nous à une nouvelle phase dans cette guerre après l'échec de la conquête de Kyiv ?

Les Russes avaient annoncé depuis une quinzaine de jours qu’ils se concentreraient désormais dans le Donbass, le temps de faire roquer [mouvement aux échecs comptant pour un seul coup et consistant à déplacer le roi et à faire passer l’une des tours de l’autre côté du roi, ndlr] les unités et de les renforcer. Une première étape a commencé dans la nuit du lundi au mardi par des bombardements intenses. Ces frappes ont été suivies par une offensive terrestre pour tenter de « libérer » la région d’après les mots du Kremlin. L’objectif est de réduire les unités militaires ukrainiennes qui sont placées face au Donbass depuis 2014.

Les Russes peuvent mener deux manœuvres sans parler des frappes en profondeur qui vont se poursuivre sur les usines, les dépôts logiques et les villes situés à l’arrière du front. Dans le Donbass, il y a à la fois des axes d’attaque en direction Est Ouest pour essayer de fractionner la défense ukrainienne en deux ou trois morceaux et une menace d’enveloppement à partir de Izioum au Nord et Donetsk au Sud pour couper la résistance ukrainienne de l’arrière et les renforts en provenance de l’Ouest. L’objectif de l’Etat-major russe est de fractionner l’ennemi en plusieurs tronçons et les réduire progressivement. Quand je dis réduire, c’est en particulier le cas pour les villes. Je ne pense pas que les Russes vont attaquer directement les centres urbains, ils vont les contourner et les réduire ultérieurement. La priorité, c’est de détruire la capacité opérationnelle de l’armée ukrainienne en isolant les unités.

Les pertes matérielles et humaines causées par les Ukrainiens depuis le début de la guerre aux forces militaires russes, peuvent-elles être surmontées et remplacées ? L’armée de Vladimir Poutine conserve-t-elle la même efficacité après plusieurs semaines de combats de haute intensité ?

Depuis cette semaine, on réassiste à toutes les faiblesses de l’armée russe, à la fois sur le plan technique, logistique et humain. Dans le Donbass, la première gageure pour le général qui commande la force est d’arriver à reconstituer une force homogène et efficace à partir de bric et de broc. Certaines unités qui ont déjà combattu dans le Nord, doivent être complétées avec de nouveaux soldats et matériels. D’autres unités inexpérimentées viennent en renfort et il doit faire de tout ça une force homogène, offensive et efficace.

La tactique utilisée par les Russes est très classique : Des bombardements puis une attaque avec des forces blindées mécanisées. Disposent-ils de suffisamment de force pour remplir cette mission ? Les Russes vont se heurter à une armée très bien préparée. Les Ukrainiens sont actifs depuis 2014 dans le Donbass et disposent de positions défensives, d’une troupe entraînée, bien équipée avec un moral assez élevé. L’Ukraine a repoussé l’envahisseur dans le Nord et ils pensent pouvoir de nouveau le faire. Cette offensive va être compliquée pour les Russes, je ne dis pas qu’ils ne peuvent pas progresser, mais gagner complètement le Donbass, ça paraît évidemment, très difficile. Les combats vont être extrêmement intenses. Nous allons assister à une forte utilisation de l’artillerie, de l’aviation et de blindés. Il semblerait que le Président Poutine ait mis une pression très forte pour que cette offensive militaire débute rapidement. Tous les observateurs disaient pourtant qu’ils n’étaient pas parfaitement prêts.

A quelques jours des commémorations du 9 mai, célébrant la « victoire de la Grande Guerre patriotique » sur l’Allemagne nazie, cette offensive est-elle uniquement militaire pour Moscou ?

Militairement, il est important pour les Russes de remporter une victoire majeure. Marioupol va définitivement tomber dans les heures qui viennent. D’après ce que j’ai compris, ils ont mobilisé tous les médias russes, ce n’est pas impossible qu’ils annoncent la victoire avant même que la ville ne soit complètement conquise. Ensuite, une conquête complète ou même partielle du Donbass pourrait être utilisée à des fins politiques par Vladimir Poutine en Russie à l'occasion des célébrations du 9 mai. Il pourrait clamer victoire vers son peuple et dire : « Nous avons libéré le Donbass et réduit la partie nazie de l’Ukraine. Maintenant, nous pouvons négocier. » Pour ces négociations de paix, je vois deux volets : la neutralité du pays et la question territoriale. Jusqu’où les Ukrainiens seraient-ils capables d’aller en termes d’imputation territoriale même temporairement ? 

Depuis le début du conflit, l’Ukraine bénéficie d’un soutien matériel important des pays occidentaux, l’asymétrie entre les armées russes et ukrainiennes s’est-elle réduite depuis quelques semaines ?

Il y a deux choses. Depuis 2014, l’armée ukrainienne a été préparée, entraînée et équipée par les Britanniques, les Américains et les Canadiens. L’état dans lequel était l’armée ukrainienne il y a un mois et demi, n’a rien à voir avec avant 2014. Elle a été considérablement renforcée. Ses tactiques ont également évolué. C’est une armée opérant de manière décentralisée, une forme d'organisation efficace que n'a pas les Russes.

Elle a bien résisté à cause de ces facteurs et les unités sur le front sont bien commandées. Toutefois, elle a perdu beaucoup de moyens mais elle est renforcée en permanence par des livraisons d’armes provenant des Etats-Unis et des pays européens. Ces armes permettent de combler les lacunes, de maintenir les capacités opérationnelles et de continuer la lutte avec un moral de fer. Les Ukrainiens défendent leur pays, en face on a l’impression que les Russes découvrent la guerre.

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