Olivier Véran, un boxeur au cœur du chaudron du Parlement

Olivier Véran, un boxeur au cœur du chaudron du Parlement

Connu des Français pour avoir géré l’épidémie de covid-19 pendant deux ans, Olivier Véran fait sa « mue » au ministère des Relations avec le Parlement. Il devra y gérer une nouvelle crise. Un poste devenu « clef » dans la recherche de majorités, texte après texte, où Olivier Véran va enfin pouvoir faire ce qu’il aime : de la politique. Il tombe le masque.
François Vignal

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D’une crise à l’autre. En arrivant au ministère des Relations avec le Parlement, après plus de deux ans passés avenue de Ségur, à la Santé, à gérer la crise du covid-19, Olivier Véran ne s’attendait sûrement pas à ça. « Le bordel » et « la chienlit », vont jusqu’à dire certains parlementaires. Après les législatives, Emmanuel Macron n’a qu’une majorité relative. L’exécutif va se retrouver à devoir trouver des majorités de circonstance, à négocier, texte après texte. Dans ce moment historique, Olivier Véran, confortablement réélu député de l’Isère, va se retrouver au cœur du chaudron.

« Hyperactif », Olivier Véran s’est mis au kick-boxing

Quand on le rencontre juste avant le premier tour des législatives, le ministre arrive un peu en retard. Il vient de faire une séance de kick-boxing. Il s’y est mis depuis quelques mois. « J’ai commencé après les conférences de presse avec Castex », sourit le ministre, en chemise blanche et veste tombée. Il pourra peut-être croiser un jour sur le ring Edouard Philippe, amateur lui aussi de boxe. Mais pour l’heure, l’entraîneur est prié d’éviter les coups sur la tête. Un œil au beurre noir ou un nez cassé, pas génial pour passer à la télé.

Le kick-boxing, pour l’image justement, ça tombe bien. L’entourage assure que rien n’est calculé. « Il a toujours fait du sport », explique une conseillère, « en tant que médecin, il en sait l’importance. Et ça lui permet de mettre son énergie quelque part ». Voire son trop-plein parfois. « Il a ce tempérament de fonceur », dit un proche. C’est même en réalité un « hyperactif », selon François Patriat, à la tête des sénateurs macronistes. Il a juste mis un peu de temps à s’en rendre compte.

Reste qu’il est prêt à prendre des coups dans la nouvelle Assemblée et, s’il le faut, à en donner quelques-uns. « On aura une Assemblée nationale un peu plus chahutée. Il faut savoir barrer les coups et garder son souffle », lâche Olivier Véran. Il n’imaginait pas à quel point il disait vrai.

« Je ne voulais pas être attaché ad vitam aeternam au Covid » confie Olivier Véran

Pour cet ancien socialiste, qui avait été suppléant de l’ancienne ministre Geneviève Fioraso, c’est une occasion de changer de costume. Et promis, il l’assure : « Je ne me suis pas roulé par terre » pour avoir le poste, comme cela a pu être écrit. La fonction pouvait paraître moins en vue que la Santé. Il veut en faire une opportunité. « C’est un ministère politique, plus polyvalent. Je ne voulais pas être attaché ad vitam aeternam au Covid. Puis il y a le côté vie démocratique, qui me passionne », explique le nouveau ministre, qui ajoute :

Je vais montrer un visage différent de celui du médecin. Pour moi, c’est une mue parfaite. C’est le ministère qui fera beaucoup parler. (Olivier Véran)

A la Santé, il ne pouvait pas suffisamment s’adonner à ce qu’il aime faire : de la politique. « Il est devenu ministre médecin. Et il avait envie de devenir ministre politique », explique un proche. « Il m’a dit maintenant, je vais faire un peu de politique. C’est ce qu’il veut. Il est à un poste clef pour aller discuter aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, avec tous les groupes », confirme François Patriat. Le sénateur LREM ajoute : « Olivier Véran, il était déjà un grand médecin du cerveau. Ça va être un grand médecin des âmes des parlementaires ».

Il lui faudra « des capacités diplomatiques, relationnelles, pour parler à ses opposants »

Le ministère des Relations avec le Parlement, maroquin essentiel, est au cœur de la machine gouvernementale. Mais le poste est habituellement peu connu voire ingrat. « C’est le ministre qui remplace les ministres quand ils sont absents », dit Patrick Kanner, patron des sénateurs socialistes. Aujourd’hui, le poste va prendre une autre dimension.

« Forcément, la situation, liée à l’absence de majorité absolue, implique un format de ministère des Relations avec le Parlement très différent », souligne le vice-président LR du Sénat, Roger Karoutchi, qui a occupé la même fonction qu’Olivier Véran sous Nicolas Sarkozy. Il a rencontré le sénateur des Hauts-de-Seine, comme tous les présidents de groupe et de commission. « Là, il faut aimer la politique, le Parlement, vouloir faire passer des messages, mais aussi avoir des capacités diplomatiques, relationnelles, pour parler à vos opposants, convaincre, en lien avec tous les groupes », ajoute Roger Karoutchi. Bref, « ce sera beaucoup plus central, politiquement ».

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Comment être diplomate avec les oppositions ? « On les traite. Cela veut dire qu’on les reçoit, qu’on les estime, qu’on les écoute et voir si un amendement, une idée, peut être recevable et le faire passer aux ministres », décrit Roger Karoutchi. « Il faudra aussi être très présent ».

« Olivier dit qu’il a un profil d’homme de crise. Là où ça va tanguer, c’est intéressant de l’y mettre »

Son expérience avenue de Ségur, qu’il a commencé au pied levé pour remplacer Agnès Buzyn, en pleine explosion de la pandémie, a forcément marqué l’homme. « Olivier dit qu’il a un profil d’homme de crise. Là où ça va tanguer, c’est intéressant de l’y mettre. Il a cette particularité, c’est le côté crise où on ne perd pas ses nerfs », selon un proche. Une approche développée « grâce aussi à sa formation de médecin neurologue. C’est un stress qu’il sait gérer. Les médecins sont formés pour ne pas perdre leurs moyens quand un patient est ouvert sur la table ». Et du self-control, il en aura besoin dans la nouvelle Assemblée.

La traversée du covid a laissé quelques traces. « Il a pris beaucoup de cheveux blancs. Et il en aura avec cette partition à jouer », glisse-t-on. Au cœur de l’épidémie, c’est là qu’il se met à la méditation, via l’application Petit bambou. On a beau gérer le stress, le nombre de morts et la pression se sont accumulés pendant la crise sanitaire.

« Nous étions assez admiratifs de sa résistance psychologique, mais aussi physique » reconnaît Patrick Kanner

Malgré les multiples critiques, comme l’épisode des masques, l’opposition elle-même salue aujourd’hui le travail. « Il a fait le job pendant le covid », selon Patrick Kanner. « Pendant la pandémie, il a été un ministre très présent, matin, midi, soir et nuit compris. Et nous étions d’ailleurs assez admiratifs de sa résistance psychologique, mais aussi physique. Car c’était très dur », complimente le socialiste. « Il est très respecté par le Sénat. Sa parole était forte et argumentée. Pas comme Amélie de Montchalin, qui nous prenait de très haut… Lui ne l’a jamais fait », apprécie l’ancien ministre de François Hollande.

Au nouveau ministre d’imprimer son style. « Jean-Marie Le Guen était rentre-dedans. C’était sa marque de fabrique. Marc Fesneau était plutôt conciliant. On aura un fin négociateur avec Olivier Véran », selon Patrick Kanner, qui n’a pas que des bons points à distribuer. « Il n’aura pas été le ministre qui aura sauvé l’hôpital public », constate le sénateur du Nord. Alors qu’Olivier Véran « se décrit comme un homme de gauche, je considère qu’on n’est plus de gauche, quand on soutient Emmanuel Macron », recadre Patrick Kanner.

« On se souvient de quelques coups de sang, mais comme ministre des Relations avec le Parlement, il ne pourra pas se le permettre » prévient Roger Karoutchi

Catherine Deroche, présidente LR de la commission des affaires sociales du Sénat, l’a pas mal pratiqué, de fait. « En commission, on ne lui a pas fait de cadeau », reconnaît la sénatrice LR du Maine-et-Loire. « Je lui ai reproché assez souvent une forme d’autosatisfaction. Tout était bien fait. Il avait réponse à tout. Il n’y avait jamais de remise en cause de l’action. C’est peut-être un caractère de la macronie », tacle Catherine Deroche. Elle aussi a été reçue dans l’Hôtel de Clermont, qui accueille les locaux du ministère, dont le jardin a beaucoup plus de charme que les immenses locaux impersonnels du ministère de la Santé. « Je lui ai dit qu’on attendait un peu plus d’écoute du Parlement. Il m’a répété l’attachement formidable qu’il avait à venir au Sénat », raconte la présidente de commission. Les sénateurs, à qui on ne la fait pas, attendent des preuves d’amour. « Le Sénat était un peu évité durant le précédent quinquennat. Il y avait un enjambement. J’attends de voir, pour peu que l’intéressé demeure à ce poste. Tout peut arriver par les temps qui courent », note Hervé Marseille, président du groupe centriste du Sénat.

Il est aussi arrivé à Olivier Véran de voir rouge, durant les débats de la crise sanitaire, contrastant avec l’image de self-control qu’on nous présente. « On se souvient de quelques coups de sang », rappelle Roger Karoutchi, « mais comme ministre des Relations avec le Parlement, il ne pourra pas se le permettre », prévient l’ancien occupant du poste. « Avec 500 heures au banc des ministres, quand vous dormez 4 heures par nuit pendant 2 ans, ça arrive », tempère une connaissance.

Ambition et méditation

S’il maîtrise son énergie et médite, est-ce finalement pour cacher un caractère d’homme plus pressé qu’il n’y paraît ? Ambitieux Olivier Véran ? « Qui en politique ne l’est pas ? Quand on est à un certain niveau, vous êtes animé par quelque chose. Ça peut-être l’amour de l’intérêt général. Et bien sûr, derrière, il y a de la volonté », dit pudiquement un proche.

Quand Edouard Philippe était à Matignon, on lui prête l’envie de prendre la place. L’entourage dément aujourd’hui toute velléité de ce type. A défaut de dessein, Olivier Véran s’imagine peut-être un destin, qu’il façonne à la gauche de la macronie. Il prend parfois des positions iconoclastes dans son camp, sur l’allongement du délai de l’IVG, la fin de vie, le cannabis ou sur la nécessité des salles de shoot, sujet sur lequel il s’oppose au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. A la différence d’un Edouard Philippe, qui a créé son parti, ou même d’un Bruno Le Maire, Olivier Véran ne compte pas structurer d’écurie politique. Il préfère plutôt, pour l’heure, la réflexion sur les nouvelles inégalités ou la vie démocratiques.

Mais pour l’heure, le ministre devra plus prosaïquement aider Emmanuel Macron à trouver quelques voix à droite ou à gauche, pour espérer, après négociation, faire adopter les projets de lois. En arrivant au « MRP », comme disent les conseillers, Olivier Véran s’imaginait pourtant pouvoir enfin prendre quelques vacances à peu près normales. L’été dernier, à peine arrivé sur son lieu de villégiature, appel du secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, puis d’Emmanuel Macron. Le Président lui demande de repartir pour l’Outre-Mer. Le covid flambe dans les Antilles. Aujourd’hui, c’est l’Assemblée qui devrait vite être en surchauffe. Pas d’incendie à éteindre pourtant. Il faut juste éviter l’implosion… Charge à Olivier Véran de trouver le chemin de sortie de cette nouvelle crise.

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