« Parachutages » aux législatives : « Une pratique aussi vieille que la République »

« Parachutages » aux législatives : « Une pratique aussi vieille que la République »

Ils sont candidats dans des circonscriptions qu’ils ne connaissent pas ou peu. Ce sont les fameux parachutés des élections législatives. Quels sont leurs profils ? Comment réussir son atterrissage ? Interview de Christophe Bellon, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université catholique de Lille, spécialiste de l’histoire parlementaire.
Simon Barbarit

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A chaque élection législative, on focalise sur ces fameux parachutés. Ce n’est pourtant pas nouveau comme pratique.

En effet, c’est une pratique qui est aussi vieille que la République. C’est un phénomène concomitant à la création des partis politiques et à l’origine il touche plus la gauche que la droite. La SFIO (ancêtre du Parti Socialiste NDLR) a été créée en 1905, c’est un parti qui a besoin d’exister au niveau national. Et pour ça, il envoie dans les circonscriptions des candidats qui ne sont pas forcément reconnus mais qui représentent le parti.

Né quelques années plus tôt, en 1901, le parti radical, le plus vieux parti de France, dispose-lui de notables locaux. Il investit, le médecin l’instituteur, le vétérinaire…

Quant à la droite, elle dispose aussi dans les circonscriptions de grands propriétaires, de gens qui ont une influence sur la population.

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Cette année, nous allons avoir un œil sur les scores que vont faire, Jean-Michel Blanquer dans le Loiret, Éric Zemmour dans le Var ou Manuel Bompard dans les Bouches du Rhône… Est-ce que la pratique du parachutage s’est accélérée au fil du temps ?

Non, cette pratique a été largement freinée. La société est plus sensible aux questions éthiques. Il faut toutefois rappeler ici que le « parachutage » est tout à fait légal. Contrairement aux élections municipales, les candidats n’ont pas l’obligation d’habiter la circonscription pour se présenter.

Le député n’a pas non plus de mandat impératif. Une fois élu, il devient député de la Nation. Il n’a pas de compte à rendre à ceux qui l’ont élu. Il exerce son mandat comme il l’entend. En ce sens, le parachutage perd de sa valeur négative. Mais on peut quand même s’interroger sur l’exercice du pouvoir parlementaire car si le candidat élu est député de la Nation, la campagne, elle, est locale. Le scrutin uninominal fait qu’il est obligé se faire connaître, d’avoir une implantation locale. Si la proportionnelle de liste est mise en place dans le quinquennat qui vient, la pratique du parachutage sera plus importante. Certains partis n’auront pas assez de candidats dans les circonscriptions et il faudra bien remplir les listes. Le parachutage sera plus important mais il se verra moins.

Quelles sont les règles de base pour réussir son atterrissage ?

Il faut quand même un minimum de préparation. C’est-à-dire avoir, a minima, une discussion avec les militants locaux. Evidemment, quand la circonscription est largement gagnable, ces discussions passent à la trappe.

En 2017, Gaspard Gantzer se heurte à l’opposition des militants locaux et son parachutage à Rennes ne peut pas se faire. A l’inverse, Laurent Wauquiez a effectué, lui, un parachutage progressif en Haute-Loire. Il est d’abord suppléant de Jacques Barrot en 2002 puis lorsque ce dernier démissionne deux ans plus tard, il est élu député.

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Y a-t-il différents profils de parachutés ?

On pourrait trouver beaucoup de catégories mais on peut déjà se limiter à trois. D’abord il y a le cas d’une personnalité importante, médiatique ou proche du pouvoir à qui il faut trouver une circonscription. Rappelons que le parachutage n’est pas limité au nombre de kilomètres. On peut être parachuté en banlieue parisienne. Cette année, Jean-Michel Blanquer, par exemple, rentre dans cette catégorie. On pourrait même faire rentrer Éric Zemmour, qui en tant que chef de parti, s’est autoparachuté. En 1962, Michel Debré échoue aux législatives en Indre-et-Loire. Il faut lui trouver une circonscription. Il sera parachuté à la Réunion un an plus tard, il y sera député pendant 17 ans.

Le deuxième profil, c’est celui du haut fonctionnaire qui n’a pas d’attache électorale. C’est un peu celui d’Élisabeth Borne qui est envoyé dans le Calvados. Elle a une résidence là-bas mais ce n’est pas une figure locale. En 2007, Philippe Bas qui était ancien secrétaire général de l’Elysée avait été envoyé dans la Manche.

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Enfin, vous avez le profil de l’ancien collaborateur parlementaire, l’ancien membre de cabinet, le militant. En 2012 après l’élection de François Hollande, vous avez une vague d’investiture à gauche de ce type. C’est le cas par exemple de Barbara Pompili (ancienne collaboratrice parlementaire du député Vert, Yves Cochet NDLR). Elu en 2012 en Seine-et-Marne, Olivier Faure a lui été conseiller de Martine Aubry au ministère de l’Emploi.

 

 

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