Parcoursup : le ministère assume le surbooking

Parcoursup : le ministère assume le surbooking

La plateforme d'admission dans l'enseignement supérieur, Parcoursup, a connu un nouveau couac la semaine dernière. Alors que le ministère pointe une erreur humaine des établissements, beaucoup pointent du doigt le système de surbooking encouragé par Parcoursup.
Public Sénat

Par Yann Quercia

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Alors que plusieurs dizaines de milliers de lycéens ont vécu un ascenseur émotionnel la semaine dernière, voyant leurs vœux d’orientation sur la plateforme Parcoursup acceptés puis refusés, il ne s’agirait pas d’un « bug » comme le plaidait la ministre Frédérique Vidal. Selon le sénateur PCF des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias, « le ministère a autorisé les établissements à mettre un taux de surbooking de 50 %. Il ne s’agit pas d’un bug. Il faut que la ministre assume. »

 « Ce dysfonctionnement n’a rien à voir avec le taux de surréservation des formations », se défend le cabinet de Frédérique Vidal. « Le surbooking est obligatoire pour une telle procédure d’admission comme Parcoursup qui est progressive et continue : les places dans les formations se libèrent au fil de la procédure. »

Cette année, des directives des équipes techniques de Parcoursup auraient encouragé les formations supérieures à majorer les surréservations par rapport aux années précédentes. Public Sénat s’est procuré un document qui prouve une surréservation allant jusqu’à 50 % : « Bonjour, vous avez désormais la main pour saisir les taux de surréservation jusqu'à 50%. Les demandes au-delà de ce taux doivent nous être adressées. Les universités et les IUT ont également la main pour modifier le taux dans la même limite. Les formations qui souhaitent saisir un rang limite d'appel peuvent le faire même si le rang limite max n'a pas été défini. »

La pratique du surbooking existait déjà sur APB pour anticiper les défections et consolider les listes d’inscrits. Florent Tétard, chef de département SGM de l'IUT de Saint-Denis, confirme que le taux de surréservation a toujours été de 20%. Assurant « qu’il y a sans doute eu des directives » du gouvernement sur les taux de surréservation des établissements, le cabinet de Frédérique Vidal ne donne pas de taux précis.

« Un choix politique pour faire accélérer la procédure »

Le ministère de l’enseignement supérieur reconnaît donc qu’il y a une incitation à la surréservation mais ne veut pas lier cette pratique au « bug » survenu le week-end dernier : « Il ne faut pas mélanger deux sujets distincts pour créer la polémique : on parle ici de formations qui ont appelé un nombre démesuré de candidats au regard de leurs capacités d'accueil, en raison d'une erreur de paramétrage. » L’entourage de la ministre donne l’exemple « d’une formation qui dispose de 30 places qui a appelé 1022 candidats, ou encore une autre qui dispose de 12 places qui a appelé 615 candidats. »

Il faut comprendre ce qui est possible pour les filières. Un établissement met en place la capacité d’accueil pour une filière, un nombre de candidats à appeler (auquel s’applique un taux de surréservation) et un rang maximum d’appel pour les candidats. Il est impossible pour les filières de dépasser le nombre de candidats à appeler mais il possible de définir librement le rang maximal (voir le tweet ci-dessous). En clair même si la capacité d’accueil d’une filière est limitée à 100 places, il est possible de donner une réponse positive à 300 personnes grâce au rang d’appel.

 

« Il s’agit pour la plupart des formations, d'une confusion entre les listes d'attente et les listes d'appel de leurs candidats. » Le ministère pointe donc lui une erreur humaine de la part des filières. « J’ai du mal à considérer ça comme une faute des filières » réagit Julien Gossa, informaticien et Maître de conférences à l’Université de Strasbourg. L’incitation à la surréservation est pour lui, comme pour le sénateur Pierre Ouzoulias, une volonté politique d’accélérer la procédure : « On ne peut pas considérer ça comme une erreur. Il y a un choix politique de faire accélérer les procédures et cela fait prendre des risques aux filières. » Il reconnaît néanmoins que certains ont pu faire une erreur en confondant le rang d’appel avec une liste d’attente.

La Commission d’examen des dossiers d’entrée en L1 Physique Chimie (PC) et Sciences pour l’ingénieur (SPI IFSA) de l’Université Paris Est Marne la Vallée publie un communiqué ce matin expliquant avoir donné une réponse positive à 770 élèves en PC et 750 en SPI pour 90 et 65 places disponibles. En se fiant aux années précédentes, ces formations savent que malgré un grand nombre de candidatures, il n’y a finalement aucun problème de capacité à la fin de la procédure. Elles regrettent aujourd’hui la remise à zéro des compteurs.

Une enquête interne ouverte à la Sorbonne

Interrogé hier sur Public Sénat, le président de l’Université Panthéon-Sorbonne souhaite savoir ce qu’il s’est passé : « Je demande une enquête interne. Ce n’est pas pour condamner. Mais pour ne pas reproduire cela l’année prochaine. »

 « Cela ne fait pas très pro et la ministre doit expliquer d’où vient le dysfonctionnement » affirme le sénateur LR, Jacques Grosperrin qui va jusqu'à évoquer un dysfonctionnement ministériel. Il estime que Frédérique Vidal est « honnête » mais qu’elle aurait pu avoir « plus d’empathie pour les étudiants ».  

 

La ministre aura l’occasion de donner plus d’explications durant les questions d’actualité au gouvernement au Sénat cet après-midi. Les sénateurs Pierre Ouzoulias et Jacques Grospserrin l’interrogeront sur Parcoursup.

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