Paris n’exclut plus un retour des jihadistes français détenus en Syrie

Paris n’exclut plus un retour des jihadistes français détenus en Syrie

La France, opposée jusqu'ici au retour des jihadistes français détenus par les Kurdes en Syrie, n'exclut plus leur rapatriement de crainte qu...
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Par Valérie LEROUX

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Publié le

La France, opposée jusqu'ici au retour des jihadistes français détenus par les Kurdes en Syrie, n'exclut plus leur rapatriement de crainte qu'ils ne s'évanouissent dans la nature à la faveur du retrait américain de Syrie, et ne constituent de nouveau une menace.

"Compte tenu de l'évolution de la situation militaire dans le nord-est syrien (...) nous examinons toutes les options pour éviter l'évasion et la dispersion de ces personnes", a annoncé mardi la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, esquissant un virage à 180 degrés de la position française.

Jusqu'ici, Paris n'envisageait que le rapatriement des enfants retenus avec leurs mères, avec l'accord de celles-ci, mais martelait que combattants et épouses devaient être jugés sur place et y purger leur peine. La France était peu encline à voir revenir sur son sol ces jihadistes dont le sort allait représenter un casse-tête politique, sécuritaire, judiciaire et carcéral.

Avec la perspective d'un retrait américain, les zones kurdes pourraient être la cible d'une offensive turque ou revenir dans le giron de Damas, laissant craindre la fuite d'un millier de jihadistes étrangers vers l'Europe ou d'autres théâtres.

Dans un tel contexte, Paris se dit déterminé à parer à toute éventualité.

"Si les forces qui ont la garde de combattants français prenaient la décision de les expulser vers la France, ceux-ci seraient immédiatement remis à la justice", a relevé la porte-parole de la diplomatie française, Agnès von der Mühll.

- "Ils seront jugés" -

Christophe Castaner lors des questions aux gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 29 janvier 2019
Christophe Castaner lors des questions aux gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 29 janvier 2019
AFP

"On sait où ils sont, on sait de qui il s'agit et s'ils posaient le pied en France, ils seraient arrêtés et ils seront jugés", a renchéri le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner devant les députés.

Environ 130 ressortissants français - une cinquantaine d'adultes (hommes, femmes) et des dizaines d'enfants - sont détenus par les Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement kurdes, selon des sources françaises concordantes.

Mais leur nombre pourrait augmenter alors que les dernières poches du groupe Etat islamique (EI), désormais acculé sur un territoire de quatre kilomètres carrés, sont en train de tomber dans l'est de la Syrie, près de la frontière avec l'Irak.

Les FDS, qui combattent l'EI au côté de la coalition internationale sous commandement américain, n'ont jusqu'ici pas demandé à la France de reprendre ses ressortissants.

Mais ils ont aussi averti qu'ils auraient des soucis plus pressants que le sort de leurs prisonniers étrangers s'ils étaient amenés à combattre sur un autre front.

Face à la menace turque, les Kurdes syriens négocient aussi un accord sécuritaire avec le régime de Damas, qui pourrait alors mettre la main sur des centaines de jihadistes européens.

Prenant les devants, certains pays ont déjà ramené leurs ressortissants. Un Américain de 34 ans capturé par les FDS a ainsi été transféré le 24 janvier à Houston quelques jours après sa remise aux forces américaines en Syrie.

- "Non" au retour -

"Ils sont tout a fait conscients que les Kurdes de Syrie n'ont pas la capacité - en termes d'infrastructure, de logistique, de justice - de juger ces individus et surtout de garantir leur sécurité, en tout cas leur maintien en détention", relève sur RTL Jean-Charles Brisard, président du centre d'analyse du terrorisme.

A ce stade, Paris n'a pris aucune décision, souligne-t-on toutefois de source gouvernementale française, relevant que tout dépendra aussi du rythme de retrait américain.

En décembre, les États-Unis ont annoncé, à la surprise générale, le retrait prochain de leurs quelque 2.000 soldats déployés en Syrie pour combattre l’État islamique.

Mais le président Donald Trump, sous la pression de ses militaires et de ses alliés, a semblé depuis temporiser sur le calendrier de retrait. "On a gagné peut-être deux à quatre mois", souligne une source diplomatique française.

L'exécutif français est par ailleurs confronté à une équation complexe sur le plan intérieur, où le retour des jihadistes risque d'enflammer la classe politique et l'opinion.

"Le gouvernement devrait (plutôt) tout faire pour les empêcher de revenir sur le territoire !", a lancé l'eurodéputé du Rassemblement national (extrême droite) Nicolas Bay.

"Ils ont (commis) les pires crimes possibles, ce n'est pas possible d'accepter ça", a réagi la député Les Républicains (droite) Valérie Boyer, tandis que Laurent Wauquiez, qui dirige ce parti a jugé qu'il y a "une seule solution de bon sens : interdire purement et simplement le retour de tous ceux (qui sont) partis faire le jihad".

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