Paris : Renaissance veut réformer le mode d’élection du maire, la gauche dénonce un « tripatouillage » législatif contre Anne Hidalgo

Paris : Renaissance veut réformer le mode d’élection du maire, la gauche dénonce un « tripatouillage » législatif contre Anne Hidalgo

L’exécutif confirme sa volonté de réformer le mode de scrutin dans la capitale, où l’élection du maire se fait de manière indirecte, suivant des règles spécifiques qui tiennent compte du rôle des arrondissements, et qui sont également appliquées à Lyon et à Marseille. La majorité municipale dénonce un calcul politicien, visant directement Anne Hidalgo. D’autant que la maire de Paris entre dans une séquence délicate avec l’augmentation de la taxe foncière.
Romain David

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La majorité présidentielle fourbit (déjà) ses armes en vue des prochaines élections municipales à Paris, en… 2026. Dans un entretien accordé au Figaro, Marlène Schiappa, actuelle secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, assure qu’elle « sera partie prenante de la prochaine campagne » dans la capitale, sans pour autant se prononcer sur une candidature. Au cours de cet entretien, celle qui a été candidate malheureuse dans le 14e arrondissement, étrille le bilan d’Anne Hidalgo, et surtout confirme la volonté de l’exécutif de réformer le mode de scrutin dans la capitale. « Finalement, la meilleure façon dont le gouvernement peut agir c’est de permettre aux Parisiens de choisir directement leur maire lors des prochaines élections. Je confirme que, conformément au souhait de nombreux élus parisiens, la mise en place de l’élection du maire au suffrage direct à Paris est une des pistes travaillées par Gérald Darmanin », explique Marlène Schiappa. « Les Parisiens ont le droit de pouvoir choisir leur maire. Aujourd’hui, avec le suffrage indirect on se retrouve avec une situation paradoxale. Anne Hidalgo est l’une des personnalités qui ont le plus d’opinions négatives sur son nom et elle se permet d’imposer des changements qui font l’unanimité contre eux », soutient-elle.

Selon le journal Le Parisien, le député Renaissance de Paris, Sylvain Maillard, serait à la manœuvre en compagnie d’autres élus macronistes de Lyon et Marseille, deux villes qui obéissent aux mêmes règles électorales que Paris. L’objectif serait de présenter en 2023 un texte au Parlement, et de le faire adopter avec le soutien de la droite, qui réclame de longue date un changement du mode de scrutin dans la capitale. En 2007, le député UMP Bernard Debré avait déjà déposé une proposition de loi en ce sens. En revanche, du côté de la majorité municipale, qui rassemble socialistes, écolos et communistes, on dénonce une manœuvre politicienne uniquement destinée à déstabiliser Anne Hidalgo. « On est en 2022, et voir des ministres obsédés par les municipales qui sont dans quatre ans, plutôt que par les problèmes actuels, me paraît ahurissant ! », s’étrangle le sénateur de Paris Bernard Jomier, élu dans le 19e arrondissement. « Je ne sais pas si Marlène Schiappa s’ennuie au gouvernement au point d’imaginer un règlement de compte politicien, car il s’agit bien de cela. Elle n’a pas été élue conseillère de Paris aux dernières municipales, la majorité présidentielle a fait des scores lamentables, ils n’ont même pas été capables de faire élire 10 personnes. Et aujourd’hui, ils profitent d’être au gouvernement pour tripatouiller la loi », dénonce-t-il. « Je crois que la majorité présidentielle cherche une issue pour se débarrasser de Madame Hidalgo, en cas de troisième mandat », abonde l’ex-EELV Esther Benbassa. « Mais ça n’est certainement pas une raison suffisante pour vouloir changer la loi. »

L’élection du maire de Paris, comment ça marche ?

Dans la capitale, le mode de scrutin actuel, fixé par la loi du 31 décembre 1982 dite loi « PLM » en référence aux villes concernées (Paris, Lyon et Marseille), est souvent comparé au système américain. Les électeurs parisiens élisent uniquement leurs conseillers d’arrondissement. Pour ce faire, ils sont appelés à voter pour la liste de leur choix dans les 17 secteurs électoraux de la capitale. (En 2020, lors des dernières municipales, les quatre arrondissements centraux ont été fusionnés en un secteur unique). Dans chaque secteur, la liste qui a obtenu la majorité absolue dès le premier tour ou qui est arrivée en tête du second obtient automatiquement la moitié des sièges de conseillers d’arrondissement.

La capitale compte un total de 503 conseillers d’arrondissement, parmi lesquels sont sélectionnés les 163 conseillers de Paris, les élus qui siégeront au Conseil de Paris, l’assemblée délibérante de la capitale. Ces conseillers de Paris sont les premiers noms des listes plébiscitées dans chaque secteur électoral. Toutefois, le nombre de conseillers envoyés par chaque secteur varie en fonction de la démographie locale : ainsi, ils ne sont que 3 dans le 6e arrondissement, mais 18 pour le 15e arrondissement. Ce sont ces conseillers de Paris, à la manière des « grands électeurs » américains, qui élisent le maire, lors d’un vote à bulletin secret à la majorité absolue. Ce qui fait que pour être élu, le maire doit au moins récolter 82 voix sur 163. Si cette majorité absolue n’est toujours pas atteinte à l’issue du deuxième tour, un troisième scrutin est organisé, pour lequel une majorité simple suffit.

« Nous ne sommes pas demandeurs de cette réforme, mais rien ne nous fait peur »

Ce système électoral, qui peut sembler quelque peu alambiqué, fait que les électeurs ne votent jamais directement pour un candidat à la mairie de Paris. Le plébiscite se fait de manière indirecte, chaque liste portant ouvertement les couleurs d’un candidat déclaré à la mairie, si bien que le nom du futur(e) maire de Paris est généralement connu dès le soir du second tour, avant même le vote des conseillers de Paris. « L’idée d’un scrutin direct n’est pas irrecevable sur le principe, mais la règle doit être la même partout », souligne Bernard Jomier. « En revanche, on ne peut pas faire une règle exorbitant Paris du droit commun pour régler des comptes personnels. Que Paris rentre dans le droit commun, soit, mais cela implique que la ville soit traitée comme les autres communes de France. S’ils veulent ouvrir ce débat, alors ils doivent le faire porter sur l’élection de tous les maires de France », martèle l’élu. Actuellement, les maires de France sont eux aussi élus de manière indirecte, par les conseillers municipaux de leur commune, eux-mêmes élus au suffrage universel direct lors des municipales.

Le système parisien, malgré son apparente complexité, permet toutefois de dégager plus facilement des majorités en tenant compte des forces arrivées en tête dans chaque secteur électoral. Le revers de ce mécanisme, dénoncé par l’opposition municipale, est qu’il rend possible l’élection d’un maire qui n’aurait pas nécessairement remporté le vote populaire à l’échelle de la capitale. Il lui suffit de voir ses listes de soutien arriver en tête dans une poignée d’arrondissements clefs. C’est ce qu’il s’était passé en 2001 pour l’élection de Bertrand Delanoë. « Ce que les macronistes cherchent à faire, c’est mettre en place une circonscription globale, ce qui fait que le Conseil de Paris ne serait plus élu en fonction des arrondissements », décrypte le sénateur PS Rémi Féraud, président du groupe de la majorité « Paris en commun » au Conseil de Paris. « Mais avec ce système, l’élection du maire se ferait toujours de manière indirecte », note-t-il. « Nous ne sommes pas demandeurs de cette réforme, mais rien ne nous fait peur. Je remarque qu’en quarante ans, le système actuel n’a jamais empêché l’alternance. Ce qu’ils proposent n’a, en soi, aucun intérêt particulier, surtout, cela serait défavorable au principe de proximité et aux arrondissements. »

La droite va lancer un groupe de travail

Rachida Dati, cheffe de file de l’opposition de droite, avait fait part durant les dernières municipales de son souhait de voir le maire de Paris élu au suffrage universel direct. La droite parisienne n’a pas lâché le sujet et devrait prochainement officialiser la mise en place d’un groupe de travail. Il sera présidé par la sénatrice LR Catherine Dumas, élue dans le 17e arrondissement. « On a bien conscience que cela apporterait plus de légitimité au maire élu, mais il faut avancer avec beaucoup de précautions », explique-t-elle. « Vouloir reformer le mode de scrutin peut paraître attrayant, mais ça n’est pas si simple, il y a une dualité avec les arrondissements qui ne doit pas être laissée de côté. Il faudra aussi s’assurer que le Conseil municipal ne puisse pas se retrouver bloqué. » Dans ces circonstances, le texte que prépare la majorité présidentielle revêt aussi des airs de mains tendues, alors que l’exécutif, qui peine à dégager des majorités au Parlement, multiplie les signaux en direction des LR. « Il faudra s’interroger le moment venu sur notre capacité à nous retrouver sur les projets. Il y a des sujets sur lesquels je peux avancer avec Rachida Dati », assume Marlène Schiappa dans les colonnes du Figaro, expliquant avoir « de l’estime pour le parcours personnel » de la maire du 7e arrondissement. « La droite a conscience qu’elle ne pourra pas gagner toute seule en 2026 », commente Catherine Dumas. « Notre souhait est d’avoir des alliés forts, il faudra savoir s’ouvrir au bon moment », explique la sénatrice, tout en rappelant que Renaissance (ex-LREM) ne dispose que de deux sièges au Conseil de Paris. Un poids politique à relativiser donc.

L’augmentation de la taxe foncière, un nouvel angle d’attaque

Ses velléités d’union, combinées aux interrogations sur le bien-fondé du système électoral actuel, ne surviennent pas par hasard. Elles marquent un énième coup de butoir des oppositions contre Anne Hidalgo, au moment où l’édile s’apprête à traverser un moment délicat de sa mandature, après avoir annoncé une hausse de sept points de la taxe foncière, qui devrait ainsi passer de 13,5 % à 20,5 % dans la capitale. Dans une lettre ouverte, l’élue, qui s’était pourtant engagée à ne pas augmenter les impôts, renvoie la responsabilité au gouvernement, dénonçant des mesures insuffisantes pour compenser l’inflation et la hausse des prix de l’énergie, ou encore le non-remboursement d’une partie des sommes engagées pour faire face à l’épidémie de covid-19. « Nous sommes contraints à cette augmentation par l’équation financière de l’Etat. Nous faisons ce choix pour continuer à mener une politique sociale et écologique, plutôt que d’avoir à sacrifier des pans entiers des services publics parisiens », abonde Rémi Féraud.

La majorité présidentielle, en revanche, pointe la mauvaise gestion d’Anne Hidalgo. « Il n’y a aucune réforme de structure depuis un nombre d’années incroyable. On est sur un train de vie beaucoup trop important […] Anne Hidalgo n’arrive plus à boucler son budget », a chargé Sylvain Maillard lundi matin, sur l’antenne de Public Sénat. La droite parisienne, quant à elle, enrage d’avoir appris cette hausse de la taxe foncière il y a tout juste une semaine, alors que le budget de la ville doit être débattu mardi 15 novembre. Une séance que LR entend boycotter : « Nous serons présents à l’ouverture du Conseil, dès 9 heures, mais nous sortirons de la salle lorsque la discussion budgétaire s’engagera », glisse Catherine Dumas. « Le covid-19, la guerre en Ukraine et maintenant la faute du gouvernement… Toutes les excuses sont bonnes pour tenter de justifier une dette de 10 milliards d’euros ! »

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