Plan de relance de la montagne : « On voulait un plan Marshall, on a eu un plan Castex »

Plan de relance de la montagne : « On voulait un plan Marshall, on a eu un plan Castex »

Redonner de l’espoir à tout un secteur touché de plein fouet par la crise sanitaire, tel était l’objectif du Premier ministre ce matin lors de son déplacement en Savoie. Jean Castex a annoncé un vaste plan de relance de 650 millions d’euros pour relancer et imaginer la montagne de demain. Il a plutôt convaincu les sénateurs de ces régions, mais ces derniers restent vigilants voire inquiets quant à la tenue des engagements du gouvernement, et réclament le passage des intentions aux actes sans délai.
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« Aider à accompagner et repartir, faire face à la crise les yeux ouverts, c’est l’objectif du gouvernement et du plan Avenir Montagnes ».

Ce sont les mots forts prononcés par Jean Castex qui s’est rendu ce matin au cœur de la vallée de la Tarentaise en Savoie. La raison de ce déplacement organisé du côté de Bourg-Saint-Maurice et de la station des Arcs et en présence de quatre ministres ? La présentation du plan d’aides gouvernemental au secteur de tourisme de montagne. Très impactés par la fermeture des stations de ski durant tout l’hiver en raison de l’épidémie de covid-19, les acteurs de la montagne attendaient beaucoup de ces mesures de soutien. Ils ont globalement été plutôt satisfaits des intentions affichées par le locataire de Matignon, même si l’enveloppe débloquée est unanimement jugée « insuffisante ».

331 millions d’euros débloqués

Le Premier ministre a détaillé un plan de « relance de l’investissement » de 650 millions d’euros de crédits publics, ce qui pourrait représenter à terme 1,8 milliard d’euros d’investissements dans ces territoires en grande difficulté après une année noire inédite. Dans un premier temps, et en plus des 5,4 milliards d’euros d’aides d’urgence et de relance déjà versés dans ces territoires, c’est un fonds « Avenirs Montagnes » doté de 331 millions d’euros qui sera débloqué. Il sera co-financé par l’Etat et les régions à hauteur de 300 millions pour soutenir les futurs investissements, et à hauteur de 31 millions dans le cadre d’un accompagnement à l’ingénierie de ces territoires.

« Cela ne suffira pas pour investir dans la montagne du futur »

Des aides saluées par les sénateurs de la montagne, mais que ces derniers jugent malgré tout « trop faibles quand on le compare à l’ampleur des difficultés financières rencontrées depuis plus d’un an par les acteurs de la montagne ». Pour Cédric Vial, sénateur LR de Savoie, « ceux qui espéraient un plan Marshall à la de Gaulle en 1964 ont eu ce matin un plan Castex ». Autrement dit, « des aides qui sont les bienvenues mais qui ne suffiront pas à combler les 10 milliards d’euros de pertes du secteur de la montagne depuis le début de la crise ».

Même son de cloche du côté de son collègue haut-savoyard, Cyril Pellevat. « On est contents, c’est un bon début, mais je ne suis pas sûr que cela puisse permettre de rattraper cette année aussi catastrophique. Je ne suis pas certain non plus que cela suffise pour passer d’une montagne de deux à quatre saisons comme voulue par nous tous. Pour tenir sous perfusion jusqu’à l’hiver prochain, ça va aller, mais pour investir dans la montagne du futur, je crains vraiment qu’il faille aller encore beaucoup plus loin », estime le président LR du groupe d’études « Développement économique de la montagne » au Sénat qui avait travaillé sur des dizaines de propositions pour relancer un secteur en grande perdition.

« Ils ont compris qu’il ne fallait pas sacrifier le ski »

Là où en revanche les élus montagnards de la Chambre haute sont rassurés, c’est sur « le fait que le gouvernement ait compris qu’il ne fallait surtout pas sacrifier le ski mais bien de continuer à encourager sa pratique pour développer au maximum l’activité économique de la montagne », confient plusieurs sénateurs. « Notre inquiétude était que le ski soit mis sur la touche sous prétexte du réchauffement climatique, mais heureusement ce n’est pas le cas, il est bien au cœur de ce plan de relance », se réjouit Martine Berthet, sénatrice LR de Savoie.

« Réchauffer » l’immobilier de loisir

Concernant les autres annonces du Premier ministre, les sénateurs de la montagne saluent notamment l’accompagnement proposé par le gouvernement pour redynamiser l’immobilier de loisir et enrayer la multiplication des « lits froids » en station. Par le biais d’une modification législative, des sociétés foncières abondées par 125 millions d’euros sur cinq ans via la Banque des territoires, pourront ainsi récupérer le droit de préemption sur les reventes d’appartements vieillissants de résidences de tourisme, et ainsi de les rénover et de les maintenir dans le circuit touristique, avec l’objectif de « réchauffer » jusqu’à 5 000 logements par an.

« Ces aides pour le réchauffement des lits sont très positives, mais il faut avant tout que tout cela soit inscrit dans la prochaine loi 4D que le Sénat examinera en juillet. Il faut vraiment modifier la loi pour fidéliser une véritable clientèle de vacanciers dans ces centres de vacances », lance Cédric Vial.

Un sentiment que partage Cyril Pellevat qui souhaite également que « les charges pour les gestionnaires de lit chauds soient allégées » et qui se félicite de la révision de calendrier scolaire pour la saison 2023-2024 annoncée par Jean Castex ce matin. « Le fait d’avoir décidé de caler les vacances de la zone A et C sur les épreuves de coupe du monde de ski à Courchevel et Méribel en février 2023 est une très bonne chose, ça va vraiment inciter les gens à venir », estime le sénateur.

D’autres annonces du Premier ministre sont également applaudies par les sénateurs de la montagne comme le renforcement des actions de promotion du secteur avec 8 millions supplémentaires débloqués sur quatre ans, 5 millions réservés aux classes de neige et de découverte, ou encore 10 millions pour restaurer plusieurs centaines de kilomètres de sentiers.

« J’ai très peu entendu le mot transition dans le discours de Castex »

Des aides financières que salue également le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. Mais le sénateur isérois a une vraie crainte. « J’ai très peu entendu le mot transition dans les propos de Jean Castex. Des stations de moyenne montagne risquent de mettre la clé sous la porte à cause du réchauffement climatique et je voudrais savoir comment le gouvernement compte accompagner ces stations en dehors du ski. Entre 5 et 10 ans, il n’y aura plus suffisamment de neige, selon les prévisions dans ces stations. Il manque donc encore pour moi un vrai travail autour de la transition climatique, une vraie prise en compte du changement climatique », lance-t-il. « La Clusaz a montré que c’était possible »

Autre inquiétude des sénateurs : l’assurance que le gouvernement fera bien ce qu’il dit. « Maintenant que les annonces sont faites, ce qu’on attend c’est le calendrier. Nous sommes tous dans cette attente. Pour les communes de montagnes, la prise en compte des pertes enregistrées depuis le début de la crise par la mise en place de compensations est une très bonne chose, mais dans quels délais cela sera fait et sur quelle période ? Il faut vraiment que le gouvernement tienne ses engagements. L’intérêt de ce plan, c’est de fédérer tous les acteurs. Il faut maintenant que l’Etat soit facilitateur de toutes les démarches de soutien entreprises par les acteurs de la montagne », prévient Martine Berthet.

Quant à l’anticipation de la saison prochaine de ski, la sénatrice savoyarde espère que les stations ne fermeront pas. La Clusaz a ouvert son domaine alpin le week-end dernier et tout s’est très bien passé. S’il devait toujours y avoir une épidémie importante l’hiver prochain, on peut quand même se dire que la situation sera complètement différente. La Clusaz a montré que c’était possible en respectant tous les gestes barrières ».

« Le Sénat auditionnera à nouveau les ministres concernés »

Ce rôle de vigie sur la tenue des engagements du gouvernement pour relancer et imaginer la montagne de demain, le Sénat compte bien le tenir jusqu’au bout. « Nous souhaitons faire revenir au Sénat les secrétaires d’Etat chargé du tourisme et de la ruralité pour qu’ils nous présentent le plan plus en détail et qu’ils nous fassent part des éventuels arbitrages qu’il y a eu avec Bercy et Matignon. Nous aimerions également savoir si ce plan aura un allongement financier dans un second temps », assure Cyril Pellevat, le président du groupe « Développement économique de la montagne » au Sénat, qui espère organiser cette nouvelle audition « en juillet après la période de réserve » imposée par les élections régionales du mois de juin.

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