Plan de relance : « Le pouvoir central ne peut pas être le décideur unique », affirme Jean-François Husson

Plan de relance : « Le pouvoir central ne peut pas être le décideur unique », affirme Jean-François Husson

Un an après la présentation du plan de relance pour relancer l’économie en pleine crise covid, les « résultats sont là », garantit Jean Castex. Sur les 100 milliards prévus, 70 milliards seront engagés d’ici la fin de l’année. Pour le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, regrette que les élus locaux ne soient pas davantage associés au dispositif.
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Par Sandra Cerqueira

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C’est déjà l’heure du bilan. En déplacement à Lyon ce lundi, au salon Global Industrie, le premier ministre, Jean Castex, et la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher jugent « positif » le plan de relance lancé en septembre 2020.

Prolongation des aides à l’apprentissage et à l’industrie

Jean Castex a annoncé la prolongation de six mois jusqu’en juin 2021 des aides du plan France Relance à l’apprentissage, et l’ajout de 150 millions d’euros au programme « Territoires d’industrie » qui permet des aides publiques pour relancer des activités dans les bassins les plus touchés par les restructurations. Des annonces fortes alors que chômage et l’emploi restent des sujets essentiels de la campagne présidentielle à venir.

47,5 milliards d’euros engagés

En un an, près de la moitié des 100 milliards d’euros du plan de relance mis sur la table par l’Etat, soit 47,5 milliards d’euros, pour endiguer la crise économique née de la pandémie a été dépensée. 70 % le seront d’ici la fin de l’année

550 relocalisations

Selon les services du ministère de l’Economie, près de 9 000 entreprises du secteur industriel ont bénéficié des fonds publics pour tenir, et surtout moderniser leur outil de production, améliorer l’indépendance et la souveraineté de notre économie. On enregistre à ce jour quelque 550 relocalisations de sociétés sur le sol français, notamment dans les secteurs de la chimie, de la pharmacie, de l’agroalimentaire et de la santé. 9000 sont aidées pour leur numérisation.

Côté emplois, le chiffre de 230 000 postes sauvegardés est avancé, mais 40 000 emplois industriels ont été supprimés. Un bilan précis doit être publié dans un rapport attendu pour la fin octobre.

Un manque de lisibilité des projets financés…

« Au-delà des effets d’annonce, derrière cette valse des milliards, il y a quand même un flou terrible », assure Jean-François Husson, rapporteur LR de la commission des finances au Sénat.

Dans son département, la Meurthe-et Moselle, il pointe un manque de lisibilité, la difficulté d’identifier concrètement les projets pour lesquels des crédits ont été ouverts : « On ne sait pas ce que ce plan de relance a financé dans les territoires. » Le sénateur rappelle que ces aides sont engagées et pas effectives : « Engager des milliards est une chose, la concrétisation des projets en est une autre.

Et un manque de concertation

« Les projets sont là, mais on peut être plus efficaces en rationalisant le nombre d’acteurs et surtout en associant les élus locaux, une fois de plus il n’y a pas eu de concertation », ajoute Jean-François Husson. Les projets sont sélectionnés par des commissions locales, elles-mêmes pilotées par les préfets de régions. « On voit les préfets à droite à gauche faire le travail de suivi pour défendre le plan de relance, mais certains maires n’ont toujours pas eu de réponse concernant leurs demandes de financement. Le pouvoir central ne peut pas être le décideur unique »

Un impact économique difficile à évaluer

Et de pointer, comme bon nombre d’élus, le défaut de suivi à l’échelle des collectivités territoriales pour bien identifier les besoins avec tous les acteurs. « Quel bilan pouvons-nous tirer des mesures mises en place pour stimuler et transformer notre économie ? Il est encore difficile d’évaluer l’impact économique du plan de relance », prévient-il.

Multiplication des guichets et appels à projet

La volonté était pourtant d’aller vite pour faire repartir l’économie, mais la mise en place de ce plan s’est révélée ardue pour le gouvernement qui souhaitait une dépense publique efficace « pour ne pas arroser le sable. »

Hors BPI (Banque publique d’investissement), la multiplication des guichets et des appels à projets est la principale difficulté soulevée sur le terrain, « quand des PME ou des petites communes n’ont pas les ressources pour y répondre. Les entreprises ont été perdues aussi parce que l’information n’a pas été bien partagée », selon Jean-François Husson.

La suite : un plan d’investissement de près de 30 milliards d’euros

Les industriels et les grands groupes, réunis au salon Global Industrie, attendent déjà la suite, annoncée en juillet par Emmanuel Macron : un « plan d’investissement pour « mettre fin à la capitulation industrielle des 30 dernières années », selon le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire. Un plan destiné aux secteurs stratégiques d’avenir, « pas rentables immédiatement », mais porteurs de grands débouchés, comme « l’hydrogène vert, l’intelligence artificielle, l’espace, les semi-conducteurs et le nouveau nucléaire. »

Un deuxième plan de relance ?

Mais la présentation du dispositif qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros prévue initialement le 9 septembre a été reportée. « Forcément ce plan provoque des tensions, un bras de fer qui se joue entre Bercy, Matignon et les différents ministères pour se mettre d’accord sur les priorités, car la tentation sera grande de recycler des dossiers identifiés dans le plan de relance », détaille Claude Raynal, président PS de la commission des finances au Sénat. « Cela reste un plan de relance complémentaire, même si le gouvernement refuse de parler d’un deuxième plan de relance. »

Créer de nouvelles filières d’avenir

Emmanuel Macron dans le magazine Challenges garantissait que ce nouveau plan ne devait pas « venir d’en haut, de Paris, de Bercy », mais « des Français […] étudiants en école d » ingénieur, chercheurs, entrepreneurs, investisseur. » « On attend de voir car cela n’a pas été le cas pour le plan de relance » , regrette le sénateur. « Depuis 30 ans, la France vit sur quatre filières : la cosmétique, le luxe, l’agroalimentaire et l’aéronautique, il est temps de créer de nouvelles filières » C’est bien l’objectif de ce plan : financer l’innovation et les « industries du futur », pour « mettre fin à la capitulation industrielle. »

Une opération de communication

Ce projet de plan de d’investissement avoisinerait les 30 milliards d’euros sur 5 ans. Preuve selon Claude Raynal, qu’Emmanuel Macron se projette dans « l’après » et veut valoriser le bilan économique du quinquennat. A moins de huit mois de la présidentielle. « Il faut le garder en tête, c’est aussi une opération de communication à l’attention des Français. »

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