Plan de résilience : « Un mélange d’urgence et de considérations électorales », selon Patrick Kanner

Plan de résilience : « Un mélange d’urgence et de considérations électorales », selon Patrick Kanner

Le gouvernement a présenté son plan de résilience pour répondre aux conséquences sur l’économie de la guerre en Ukraine. Des mesures ciblées pour aider les entreprises ou les pêcheurs à répondre à la hausse du coût de l’énergie. Les sénateurs pointent « une forme d’improvisation » et de « navigation à vue ».
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Un plan pour tenir face aux conséquences économiques en France de la guerre en Ukraine. Face à une « crise qui va s’installer dans la durée », le gouvernement a présenté ce mercredi son plan de résilience. L’objectif est d’aider les secteurs directement touchés. Un plan ciblé pour répondre « aux conséquences directes sur nos propres économies » des sanctions contre la Russie, explique le premier ministre Jean Castex. Un « plan de résilience, au sens de résistance et de protection, au sens de plus d’autonomie et de souveraineté », a-t-il ajouté, lors d’une conférence de presse. Ce plan s’adresse autant aux ménages qu’aux entreprises. Il s’agit en réalité d’une série de mesures déjà connues, que l’exécutif remet en perspective, et de certaines nouvelles qui visent à répondre principalement à la hausse des prix de l’énergie.

Coût global de « 25/26 milliards d’euros »

Le coût global « approche 25/26 milliards d’euros au total », selon le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, dont « principalement le plafonnement des tarifs du gaz (déjà annoncé, ndlr) pour 10 milliards d’euros, 8 milliards pour le plafonnement à 4 % des tarifs de l’électricité », auxquels il faut « ajouter le chèque énergie et l’ensemble des mesures ».

Le « rabais de 15 centimes à la pompe » pour tous les Français, annoncé par Jean Castex le week-end dernier, représente « un peu plus de 2 milliards d’euros ». Il s’appliquera aux particuliers comme aux professionnels à partir du 1er avril et pour quatre mois.

« Nous ne sommes pas dans une réponse de type quoi qu’il en coûte mais dans une réponse ciblée »

« Nous ne sommes pas dans une réponse de type quoi qu’il en coûte mais dans une réponse ciblée », insiste le ministre de l’Economie, afin d’éviter toute « spirale inflationniste », comme lors des chocs pétroliers passés. Point de procédure : le gouvernement n’aura pas besoin de faire adopter un projet de loi de finances rectificative, et donc de reconvoquer le Parlement pour mettre en place ces mesures. Elles rentrent dans l’enveloppe des crédits déjà adoptés lors du budget 2022.

Lire aussi » Plan de résilience : quelles dépenses le gouvernement peut-il engager sans l’accord du Parlement ?

Alors que le blocage de plusieurs dépôts pétroliers est en cours à Brest et Lorient pour protester contre la hausse des prix du gazole et de l’essence, le gouvernement fait aussi appel aux distributeurs pour faire un effort. « Le groupe Total (qui garde ses activités en Russie, ndlr) nous a donné son accord de principe de pouvoir aller au-delà de l’effort de l’Etat », annonce le premier ministre. « J’ai reçu ce matin le président de Total. Il s’est engagé à faire à son tour un effort sur la réduction du prix par litre de carburant », ajoute le ministre de l’Economie.

Des outils « qui ont fait leur preuve pendant la crise sanitaire »

Pour « protéger notre économie », le gouvernement ressort de sa boîte à outils ceux « qui ont fait leur preuve pendant la crise sanitaire », en les adaptant à la situation. Le gouvernement met ainsi « en place une nouvelle aide qui bénéficie aux entreprises dont les dépenses en gaz et électricité représentent une part élevée des charges, dont au moins 3 % de leur chiffre d’affaires » et qui risquent « des pertes en 2022 » du fait de la hausse des prix de l’énergie. Cette aide sera « sans condition de taille et de secteur ». Le coût de la mesure est évalué à 3 milliards d’euros.

Les prêts garantis par l’Etat verront leur plafond « renforcé » et relevés de 25 à 35 % du chiffre d’affaires. Le report de charges sera facilité pour les entreprises mises en difficulté par la hausse des prix de l’énergie ou la perte de débouchés à l’export. Et le recours au chômage partiel sera prolongé pour les accords déjà signés.

Aide de 35 centimes par litre de gazole pour les pêcheurs

Une aide ciblée est annoncée pour les pêcheurs, alors que certains bloquent depuis mardi des ports pour protester contre la hausse des prix des carburants. Ils vont bénéficier d’une aide « équivalente à 35 centimes par litre de gazole de pêche ».

Le gouvernement compte aussi subventionner jusqu’à la fin de l’année les entreprises pour les aider à moins dépendre de certaines matières premières venant de Russie comme le titane, le palladium ou le néon, « à hauteur de 15 % pour les grands groupes et 35 % pour les petites entreprises », précise le ministre de l’Economie.

Pour les dépenses d’énergie, Jean Castex appelle à « économiser le plus possible, à chaque fois que l’occasion se présente. L’énergie est une denrée rare et chère ». La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, annonce qu’une « circulaire » demandera « à l’ensemble des services publics de réduire d’un degré la température de chauffage ».

« Pas de risque de pénurie en France »

S’adressant aux « 136.000 entreprises françaises exportatrices », Jean Castex les appelle à « ne pas céder à la tentation du repli », malgré les incertitudes sur le plan international. « L’Etat sera là pour vous accompagner ». « Le risque, c’est de restreindre l’ambition de nos entreprises à l’international en fonction du risque géopolitique », explique-t-on dans l’entourage de Franck Riester, ministre chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité.

Côté agriculture, « il n’y a pas de risque de pénurie en France », assure le ministre Julien Denormandie. L’Etat va cependant prendre des mesures d’aides, notamment pour les éleveurs. Une aide de 400 millions d’euros permettra de compenser « les pertes des élevages ».

« Une forme d’improvisation à chaque étape »

Des annonces reçues avec une certaine circonspection au Sénat. Pour le rapporteur général du budget de la Haute assemblée, le sénateur LR Jean-François Husson, « qu’il y ait des besoins à satisfaire, dans les circonstances actuelles, c’est une évidence. Par contre, je ne comprends pas. Il n’y a pas de fil conducteur. Depuis quelques mois, les événements font qu’il y a une forme d’improvisation à chaque étape, dès qu’il y a un secteur en tension », note le sénateur de la Meurthe-et-Moselle.

Il continue : « Là, on nous explique qu’il faut des mesures ciblées, alors qu’il y a quelques mois, il y avait l’indemnité inflation qui était devenue la panacée, qui permettait de répondre vite à tout le monde. Très honnêtement, j’ai du mal à comprendre quel est le cap que le gouvernement suit depuis six mois pour faire face aux crises ».

« On rouvre le quoi qu’il en coûte »

Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, a une idée : « C’est un mélange d’urgence et de considérations électorales ». « Ces mesures ciblées seront sûrement utiles, considérant le contexte. On sort le chéquier, même si on continue à dire que la vraie mesure sur l’énergie, c’est la baisse de la TVA, de manière limitée, le temps de la crise », ajoute celui qui est aussi directeur de campagne adjoint de la candidate Anne Hidalgo. Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, « on rouvre le quoi qu’il en coûte », selon Patrick Kanner, qui ajoute : « Si on ajoute les primes diverses et variées, on est devant le champion olympique toutes catégories de la prime ».

Pour l’ancien ministre socialiste, « ce sont vraiment des mesures très ponctuelles qui ne règlent rien à la question du pouvoir d’achat, qui n’est pas traité au bon niveau, c’est-à-dire l’augmentation globale des salaires. C’est vraiment une navigation à vue ».

« On sera plutôt entre 27 et 30 milliards »

Quant à la question du coût, Jean-François Husson a des doutes sur les 25 ou 26 milliards d’euros annoncés au total. « Vous verrez qu’on sera plutôt entre 27 et 30 milliards », selon le rapporteur du budget. Si la crise perdure, ce coût pourrait bel et bien augmenter. « Ce plan doit être évolutif car la situation l’est, que les sanctions et contre sanctions le sont aussi », a reconnu Jean Castex. Le chef du gouvernement prévient : il s’agit d’une « première réponse qu’il faudra très probablement faire évoluer dans le temps ».

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