Plus d’enfants pauvres dans les crèches? Le gouvernement fait le pari de “bonus” incitatifs

Plus d’enfants pauvres dans les crèches? Le gouvernement fait le pari de “bonus” incitatifs

Pour lutter contre la reproduction des inégalités, le gouvernement a promis un "bonus" financier aux crèches qui s'ouvriraient...
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Par Arnaud BOUVIER

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Pour lutter contre la reproduction des inégalités, le gouvernement a promis un "bonus" financier aux crèches qui s'ouvriraient davantage aux enfants pauvres. Une mesure saluée par les élus locaux mais qui, pour les associations, supposera de surmonter les éventuelles réticences des familles.

Ce "bonus mixité sociale", prévu dans le cadre du "plan pauvreté" du gouvernement, sera doté de 76 millions d'euros d'ici 2022. Il permettra de réserver quelque 90.000 places en crèches à des bambins issus de familles précaires. Parallèlement, l'Etat proposera aux communes un "bonus territoires" pouvant atteindre 1.000 euros par berceau, pour encourager la création de places dans les quartiers prioritaires.

Il s'agit de lutter dès le plus jeune âge contre les inégalités, des études ayant montré qu'avant même l'entrée au CP les enfants pauvres maîtrisaient 1.000 mots de moins que les plus favorisés.

Ce dispositif, "nous le demandions depuis des années", explique à l'AFP Elisabeth Laithier, adjointe au maire de Nancy et chargée du dossier "petite enfance" à l'Association des maires de France.

Pour le délégué interministériel chargé de la lutte contre la pauvreté, Olivier Noblecourt, "la carotte financière, c'est le plus efficace", notamment pour "faire évoluer les pratiques d'attribution" des places par les communes.

Dans un rapport remis au gouvernement, Mme Laithier a suggéré aux municipalités de "panacher" les critères de sélection des familles, pour veiller à un équilibre entre parents qui travaillent et plus précaires.

Avec les bonus, les pouvoirs publics espèrent au moins doubler la proportion d'enfants pauvres accueillis en crèches, qui stagne aujourd'hui autour de 5%, contre 22% des enfants de classe aisée.

Pourquoi un tel déséquilibre? Selon Christiane Attali-Marot, de l'association ATD Quart Monde, les familles pauvres ne subissent pas de "discrimination voulue" mais pâtissent de la pénurie globale de berceaux. "Quand on manque de places, on a plutôt tendance à prendre les dossiers des familles qui travaillent, plutôt que des chômeurs", explique-t-elle.

Cette discrimination, au moins implicite, s'expliquerait aussi par le fait que l'accueil des enfants pauvres entraîne un manque de recettes pour les gestionnaires des établissements.

- Peur d'être jugé -

Non pas parce que les parents défavorisés payent moins cher - les caisses d'allocations familiales règlent la différence -, mais car ils laissent généralement leurs enfants moins d'heures à la crèche, ce qui pèse dans les coûts globaux des établissements.

Selon une étude de la Cnaf, ce manque à gagner pourrait dépasser les 2.100 euros par place et par an, soit approximativement la somme que les pouvoirs publics veulent "compenser" par le bonus "mixité".

Celui-ci sera versé aux gestionnaires des structures - c'est-à-dire, dans 70% des cas, aux communes - et sera calculé en fonction de la participation financière moyenne des parents.

Reste à convaincre les familles concernées de l'intérêt de demander une place en crèche. "Elles ne vont pas spontanément aller s'inscrire à la mairie" dans ce but, confirme Valérie Moulinier, déléguée générale de l'association "Auteuil Petite Enfance", qui gère 15 crèches à vocation sociale.

"Si on veut toucher ces publics, il faut implanter (des crèches) dans leurs territoires", ajoute cette responsable.

Lorsqu'ils sont au chômage, les parents ont parfois le sentiment "qu'ils peuvent très bien garder leur enfant puisqu'ils sont à la maison", avec en plus "la peur que les services sociaux s'immiscent dans leur vie", souligne Mme Attali-Marot.

"Les acteurs sociaux du quartier devront aller à la rencontre des familles et gagner leur confiance", estime-t-elle.

Le président Emmanuel Macron, en présentant la "stratégie pauvreté" mi-septembre, avait souligné que les personnes pauvres pouvaient être freinées par la "peur d'être jugées, peur qu'on leur retire leur enfant aussi, si elles le mettent à la crèche".

"Et cela aussi, nous devons collectivement le travailler, le démystifier, casser ces frontières invisibles qui construisent ces assignations et ces injustices", avait ajouté le chef de l'Etat.

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