PMA, fin de vie : ces sujets ont-ils leur place dans la future loi de bioéthique ?
Le Comité consultatif national d'éthique a présenté aux parlementaires son rapport sur les États généraux de la bioéthique. Certains estiment que les questions sociétales « polluent » la « la vraie démarche bioéthique ».

PMA, fin de vie : ces sujets ont-ils leur place dans la future loi de bioéthique ?

Le Comité consultatif national d'éthique a présenté aux parlementaires son rapport sur les États généraux de la bioéthique. Certains estiment que les questions sociétales « polluent » la « la vraie démarche bioéthique ».
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Jérôme Rabier)

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Des États généraux de la bioéthique, il ressort un rapport de près de 200 pages, une compilation de trois mois d’échanges et débats organisés partout en France (270 au total), et d’un cycle d’auditions. Une consultation a également été lancée sur internet, réunissant près de 65.000 propositions et 150.000 visites uniques.

Le document de synthèse du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) se veut neutre, ne listant que les arguments des pour et des contre sur une série d’avancées scientifiques, et des questions qu’elles soulèvent. L’organisme consultatif ne fera connaître son avis qu’au mois de septembre.

Remis au gouvernement, ce rapport qui doit préparer le projet de loi révisant la loi de bioéthique de 2011, a été présenté ce jeudi aux membres de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

« Il y a une volonté de ne pas fracturer les Français sur ces sujets », a débuté en introduction le député des Yvelines (LREM) Didier Baichère, l’un des vice-présidents de l’OPECST. Le rapport fait bien état de « valeurs partagées » entre les différents acteurs qui ont pris part aux débats. « Il y a une sorte de consensus sur un partage de valeurs partagées : sur la gratuité des dons, la non-marchandisation du corps, sur le fait que les progrès doivent s’adresser à tous », a exposé le président du CCNE, le professeur Jean-François Delfraissy au Sénat.

Les limites de la consultation numérique

Le rapport relève aussi sans surprises d’inévitables « points de tensions », notamment sur ces questions sociétales que sont l’ouverture de la PMA (procréation médicale assistée) ou encore le débat sur l’euthanasie et le suicide assisté. L’assistance médicale à la procréation représente près de 40% des contributions déposées sur la plateforme numérique des États généraux.

Les participants à la consultation se sont massivement opposés à l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. « Ce n’est pas une entreprise de sondages », a néanmoins précisé Jean-François Delfraissy, en indiquant que les votants n’étaient « pas représentatifs de la France ».

Le président de la commission des Affaire sociales estime que la PMA et la fin de vie sortent du cadre de la loi de bioéthique

Le professeur ajoute que ces deux sujets « sociétaux » ne relèvent pas de la bioéthique, stricto sensu. « On a hésité à les mettre dans le périmètre mais on assume. Ce n’est pas raisonnable de ne pas laisser la parole s’exprimer. » « Est-ce qu’ils seront traités dans la loi de bioéthique ou à côté ? Ce sera une décision politique », selon lui.

Le président (LR) de la commission des Affaires sociales au Sénat, Alain Milon, a un avis tranché sur cette question. Il regrette que ces deux questions sociétales soient venues « polluer » le débat sur les « sujets d’éthique médicale ». Comme les nouveaux rapports entre médecine et numérique, la recherche sur l’ADN ou encore les neurosciences, ou la recherche sur les embryons. « La vraie démarche bioéthique pure doit être une démarche de fixation des possibilités pour les chercheurs dans la génomique, dans le numérique etc., et non pas la PMA ou la fin de vie. On sait faire la PMA, on sait faire la GPA et l’humanité sait tuer depuis très longtemps », explique le sénateur.

PMA et fin de vie : des sujets sociétaux et non de bioéthique, selon Alain Milon
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Images : Jérôme Rabier

Interrogations sur la place du citoyen dans la « médecine future » et données de santé

Ce sont les évolutions technologiques de ces dernières années et les progrès de la science – des thématiques en apparence moins passionnelles – qui retiennent notamment l’attention de plusieurs parlementaires. « Nous regardons quels sont les événements scientifiques qui peuvent conduire à changer ou à adapter la loi de 2011 et je pense en particulier à la santé numérique. L’irruption de l’intelligence artificielle, c’est le fait le plus spectaculaire de toutes ces dernières années », réagit le sénateur (LR) et président de l’OPECST Gérard Longuet.

La question des données médicales est aussi fondamentale pour lui. « Chacun d’entre nous va être de plus en plus fiché et donc il faut des principes solides pour que la personne soit respectée mais que les données qui sont utiles soient en même temps utilisées. »

Le président du CCNE Jean-François Delfraissy en est convaincu : la place du citoyen dans la « médecine du futur » sera l’un des thèmes majeurs. « Que veut dire un consentement éclairé en 2018 ? Que veut dire une donnée de santé ? C’est une nouvelle vision de l’éthique. Le corpus de l’éthique est en train de changer. »

Le CCNE se prononcera "sur la place du citoyen dans la médecine du futur", déclare le professeur Delfraissy
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Images : Jérôme Rabier

La majorité gouvernementale espère un dépôt du projet de loi cet automne, pour une adoption au premier semestre 2019.

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