Portrait. Simone Veil, figure immortelle des droits des femmes

Portrait. Simone Veil, figure immortelle des droits des femmes

Rescapée des camps, défenseure des droits des femmes, européenne convaincue, Simone Veil est décédée ce vendredi à l’âge de 89 ans.
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 « Je n'imaginais pas la haine que j'allais susciter » confiait Simone Veil en 2004 dans un livre entretien avec la journaliste Annick Cojean (Les hommes aussi s'en souviennent ed. Stock). Trente ans plus tôt, la ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing est chargée de porter la première loi légalisant l’avortement. Devant une Assemblée nationale qui compte, à l’époque, 9 femmes pour 481 hommes, la tache s’apparente à un chemin de croix. « Il y avait tellement d'hypocrisie dans cet hémicycle rempli essentiellement d'hommes, dont certains cherchaient en sous-main des adresses pour faire avorter leur maîtresse ou quelqu'un de leurs proches » se souvient-elle.

Le combat de Simone Veil pour faire adopter l’IVG

Il y aura en tout 25 heures de débats durant lesquelles Simone Veil affrontera de nombreuses insultes. Pendant qu'à l'extérieur, des militants anti-avortement égrènent leurs chapelets.  Ce sera trois jours et deux nuits de combat contre des membres de sa propre majorité. Michel Debré, ancien Premier ministre du général de Gaulle, voit dans ce texte « une monstrueuse erreur historique ». Les députés de droite René Feït et Emmanuel Hamel diffusent dans l'hémicycle, à tour de rôle, les battements d'un cœur de fœtus de quelques semaines.

 Le pire reste à venir: Hector Rolland reproche à Simone Veil, rescapée des camps de la mort, « le choix d'un génocide ». Jean-Marie Daillet évoque les embryons « jetés au four crématoire ». Jacques Médecin parle de « barbarie organisée et couverte par la loi comme elle le fut par les nazis ». Simone Veil, elle –même rescapée des camps de la mort, dira plus tard avoir ressenti « un immense mépris ». La nuit du 29 novembre 1974,  la loi est votée par 284 voix contre 189. Les deux tiers des députés de la majorité votent contre le texte, adopté essentiellement grâce aux voix de gauche et centristes.

« Je crois, toujours, que cela sert à quelque chose de se battre »

Née en 1927 à Nice de parents juifs non pratiquants, elle est déportée en avril 1944 à Auschwitz-Birkenau, l’année de son baccalauréat. « Nous ne pouvions pas comprendre. Ce qui était en train de se produire à des dizaines de mètres de nous était si inimaginable que notre esprit était incapable de l’admettre » écrit-elle à propos des fours crématoires dans son livre « Une Vie (ed Stock). Ses parents ne survivront pas aux camps de la mort. Simone Veil et ses sœurs Denise et Madeleine seront les seules survivantes de la famille.  De cette tragédie, elle en garde une force morale et un optimisme à toute épreuve. « Je crois, toujours, que cela sert à quelque chose de se battre. Et quoi qu’on dise, l’humanité, aujourd’hui, est plus supportable qu’hier.»

L’Europe « doit désormais incarner la paix »

Témoin et victime des ravages de la guerre, Simone Veil veut participer directement à la construction européenne.  «Au cours du XXe siècle, l’Europe a entraîné à deux reprises le monde entier dans la guerre. Elle doit désormais incarner la paix » estime-t-elle. À la demande de Valéry Giscard d’Estaing, elle conduit la liste UDF aux premières élections européennes au suffrage universel. Élue, elle devient présidente du premier Parlement européen mais ne briguera pas un second mandat.

Elle revient au gouvernement lors de la deuxième cohabitation, nommée ministre des affaires sociales du gouvernement Balladur en 1993 et siège au Conseil Constitutionnel de 1998 à 2007. Soutien de Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de cette même année. Elle aime son aspect combatif qu’elle a découvert lorsqu’ils étaient dans le même gouvernement. Mais Simone Veil ne se départira jamais de sa liberté de ton. Lorsque Nicolas Sarkozy, élu Président, proposera que chaque élève de CM2 se voie confier la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah, elle n’hésitera pas à qualifier cette idée d’«insoutenable», d’«inimaginable», et d’«injuste». Peu à peu en retrait de la vie publique, elle rentre à l’Académie Française en 2008. Elle est aussi le premier adhérent de l’UDI crée par Jean-Louis Borloo en 2012. Elle perd son mari, Antoine Veil, un an plus tard qu’elle épousa dès 1946. Ils auront trois fils. Avec son époux, ils formeront un couple fusionnel à tel point qu’à sa mort elle confiera  à son amie Marceline Loridan : « Je suis toute seule maintenant ».

Ce 30 juin 2017, celle à qui une kapo a dit un jour : « Toi, tu es trop belle pour mourir », s’en est finalement allée.

(sujet vidéo: Jérôme Rabier)

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