Pour le second tour, Marine Le Pen fait le choix du sérieux

Pour le second tour, Marine Le Pen fait le choix du sérieux

Le premier jour de la campagne d’entre-deux-tours permet aux candidats qualifiés de fixer leur stratégie pour le second tour. Alors qu’Emmanuel Macron a immédiatement prévu un déplacement sur les terres de Marine Le Pen, la candidate du RN semble jouer la carte du sérieux pour se présidentialiser.
Public Sénat

Par Louis Mollier-Sabet / Images : Marion Vigreux et Flora Sauvage

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Certains ont la gueule de bois, d’autres ont la gueule fendue d’un grand sourire, c’est le lot des lendemains d’élection. Du côté de Marine Le Pen, les zygomatiques commencent à cramper. Non seulement la candidate du Rassemblement national s’est qualifiée au second tour, mais cette fois, elle dispose des réserves de voix immédiates chez Éric Zemmour (7 %) et Nicolas Dupont-Aignan (2 %). Surtout, elle peut compter sur une éventuelle démobilisation côté Macron, qui n’est plus l’étoile montante de la jeunesse politique française et de la « start-up nation », mais le Président sortant après un quinquennat qui a laissé des traces dans le pays.

Un déplacement de dernière minute sur une exploitation agricole dans l’Yonne

Les premiers sondages donnent encore Emmanuel Macron vainqueur, mais à deux semaines du second tour, une seule chose est certaine : le score sera plus serré qu’en 2017 où le chef de l’Etat l’avait largement emporté, avec 66,1 % des voix, contre 33,9 % pour Marine Le Pen. En attendant, la campagne s’est immédiatement accélérée. D’abord avec un déplacement d’Emmanuel Macron annoncé hier soir, en terrain plutôt favorable à la candidate RN, dans les Hauts-de-France ce lundi. En réponse, Marine Le Pen, qui avait d’abord seulement prévu un bureau politique lundi et des passages à France Inter et TF1 mardi, a annoncé en fin de matinée ce lundi un déplacement dans l’Yonne, à Thorigny-sur-Oreuse. Son équipe de campagne explique qu’elle se rendra sur l’exploitation d’un agriculteur céréalier, pour évoquer le pouvoir d’achat et l’inflation, ainsi que les conséquences pour les agriculteurs.

« Je repars cet après-midi sur le terrain », a confirmé la candidate RN lors du bureau politique « élargi » qui a été ouvert aux médias en début d’après-midi. Mais Marine Le Pen tient aussi à des exercices permettant de crédibiliser son projet présidentiel, en organisant « des conférences de presse » pour détailler comment elle entend « rendre aux Français leur argent, leur pays et leur démocratie. » Un déplacement ciblé sur les problématiques au cœur de la campagne que Marine Le Pen a menée jusqu’alors : agriculture, souveraineté alimentaire, inflation et pouvoir d’achat. La candidate du Rassemblement national continue de travailler ses fondamentaux : « L’inflation est un mur qui n’est pas derrière nous, mais devant nous. Le gouvernement ne veut pas le voir et ne veut pas en parler aux Français. Il y a besoin de décisions fortes et urgentes pour les plus modestes de nos compatriotes, et pas seulement les prix des carburants, mais aussi des produits alimentaires. »

« Il n’y a plus de front républicain »

Le choix de l’équipe de Marine Le Pen contraste quand même avec celui d’Emmanuel Macron, parti couvrir le terrain qu’il avait délaissé avant le 1er tour, sur les terres du RN dans le Nord. Le Président sortant doit empêcher une démobilisation – notamment dans l’électorat de gauche – et freiner l’effritement du fameux « front républicain », décrit avant le bureau politique du RN par un soutien de toujours de Marine Le Pen, Wallerand de Saint-Just : « Il n’y a plus de front républicain, il est complètement effrité, par rapport à ce qu’on a connu. Jean-Luc Mélenchon est très malin, il n’a jamais dit qu’il fallait voter pour Emmanuel Macron et ses électeurs l’ont bien compris. Personne n’est propriétaire des voix, et tous les électeurs vont voir que le programme de Marine Le Pen est fait pour tous les Français et pas simplement pour certaines catégories sociales comme Emmanuel Macron, c’est transversal. »

Pour tenter de mobiliser contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est longuement mis en scène à Denain (59), en répondant directement à des citoyens présents, visiblement moins triés sur le volet que dans les réunions publiques de Poissy ou de Pau. Paradoxalement c’est le favori qui se montre le plus offensif, en tentant d’occuper le terrain qu’il n’a pas labouré au premier tour, et l’outsider qui semble pour le moment jouer la carte de la sécurité. Marine Le Pen répond certes en quelque sorte à Emmanuel Macron, avec son déplacement de dernière minute, mais elle le fait en terrain conquis et sur des thématiques habituelles pour la candidate du RN.

Une stratégie du sérieux pour parachever une dédiabolisation en marche

Ce premier jour est parfaitement révélateur des enjeux symétriques qui vont façonner les campagnes d’entre-deux-tours d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. Si le Président sortant tente maintenant d’occuper le terrain, parce qu’il sait qu’il doit mobiliser, Marine Le Pen joue, elle, la sécurité, comme avant le 1er tour, et travaille surtout sur sa crédibilité et sa « présidentialisation. » Laurent Jacobelli emploie les mots d’ordre « optimisme et travail », en arrivant au bureau politique en début d’après-midi. « On va continuer dans la sérénité à préparer cette belle campagne, avec du fond, du sérieux, des propositions concrètes. On a beaucoup de travail », explique le porte-parole du Rassemblement national.

C’est bien le chemin que semble vouloir emprunter Marine Le Pen dans cet entre-deux-tours, en privilégiant demain la matinale de France Inter, puis une conférence de presse sur « la démocratie et l’exercice du pouvoir » mardi après-midi, suivie mercredi d’une autre conférence de presse sur la « diplomatie et la politique étrangère de la France. » Un programme bien sérieux, studieux, voire laborieux pour la deuxième campagne d’entre-deux-tours de Marine Le Pen. Peut-être son équipe attend-elle de voir l’entre-deux-tours que choisira de mener Emmanuel Macron pour réagir en conséquence. Ou peut-être que pour faire oublier le fameux débat raté d’entre-deux-tours, le RN a réellement mis en place une stratégie du « sérieux », pour parachever la dédiabolisation, déjà bien en marche, de Marine Le Pen.

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