Congrès du PS : pourquoi l’accord conclu risque de compliquer la vie de la Nupes

Congrès du PS : pourquoi l’accord conclu risque de compliquer la vie de la Nupes

Malgré l’accord trouvé entre Olivier Faure et Nicolas Mayer Rossignol à l’issue du congrès du PS, un certain flou persiste sur la ligne. Les partisans du premier estiment que la stratégie pro Nupes est tranchée, quand le second continue de l’interroger. Chez LFI, le responsable des élections, Paul Vannier, estime que la situation « pose question ». Il compte demander aux socialistes « comment ils se projettent dans la suite de l’accord » de la Nupes.
François Vignal

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Sûrement l’instinct de survie. Après avoir touché le fond, le Parti socialiste a su remonter à temps et retrouver un air à peu près respirable, sous la forme d’un accord conclu de haute lutte ce week-end, lors du Congrès du PS à Marseille, où le parti est passé au bord du précipice. Olivier Faure est bien confirmé premier secrétaire, mais il est entouré d’un premier secrétaire délégué avec Nicolas Mayer-Rossignol, qui lui contestait la victoire, à coup d’accusations de triche. Certains y verront un premier secrétaire sous surveillance, voire une forme de cohabitation, malgré la présence de la maire de Nantes, Johanna Rolland, soutien d’Olivier Faure, également première secrétaire déléguée.

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Dans cet attelage qui ressemble un peu à l’alliance de la carpe et du lapin – le genre de regroupement baroque déjà vu dans le passé au PS – la suite se pose déjà. Alors que Nicolas Mayer-Rossignol s’est montré plus critique sur la Nouvelle union populaire écologique et sociale, cet accord met-il à mal l’avenir de la Nupes ? Dimanche, à Marseille, Nicolas Mayer-Rossignol soulignait un point précis de l’accord signé avec la direction sortante : « Il n’y a plus le mot Nupes dans l’accord. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga du rassemblement de la gauche. Alliés oui, alignés, non ». Le texte signé entre les différentes parties parle ainsi de « volonté de poursuivre, dans le respect des sensibilités, une stratégie de rassemblement de la gauche et de l’écologie », tout en « exprimant la nécessité » que le PS « en redevienne la force centrale et propulsive ».

« La nupes, c’est un accord électoral d’hier, perdant » affirme Nicolas Mayer Rossignol

Les propos tenus par Nicolas Mayer-Rossignol ce lundi matin sur RFI ne vont pas en rassurer certains. « Il y a d’autres formes de rassemblement de la gauche. Je cite Fabien Roussel (dont la ligne a été confortée au PCF ce week-end) : « La Nupes n’est pas l’alpha et l’oméga du rassemblement de la gauche. […] Il y a la gauche plurielle de Lionel Jospin par exemple. Quelle est l’alliance gagnante demain ? La nupes, c’est un accord électoral d’hier, perdant ».

La Nupes risque-t-elle de passer à la trappe au nom de l’accord ? « L’accord de la Nupes n’est pas caduc. D’ailleurs, ça existe toujours à l’Assemblée. On n’est pas en train de casser l’accord de la Nupes », assure Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, et l’un des partisans de Nicolas Mayer Rossignol, « mais le rééquilibrage est notre objectif, en faisant du PS la force centrale ».

« La poutre continue de travailler », selon Patrick Kanner

Dans « la synthèse » toute socialiste issue du week-end, « la collégialité va s’imposer, je l’espère. L’objectif c’est de rechercher du consensus, comme on le fait au sein de l’Union européenne. Il faut que ce mariage de raison se concrétise par une compréhension mutuelle, un mode de fonctionnement nouveau, notamment pour Olivier Faure », avance Patrick Kanner. L’ancien ministre des Sports de François Hollande reconnaît qu’« il y aura sûrement des tensions, des négociations. Mais chacun aura la responsabilité de l’unité du PS. Et s’il y a blocage, il faudra faire trancher le conseil national et le bureau national ». Mais Patrick Kanner remarque qu’avec « la ligne Roussel, celle de l’affirmation du PCF, qui l’a très sensiblement emporté au PC, la poutre continue de travailler… »

« Je vois bien qu’il y a la tentation pour Nicolas Mayer Rossignol et ses amis de donner une autre lecture de cet accord, considérant que c’est une remise en cause relative de la stratégie », estime Laurent Baumel, responsable des relations extérieures dans la direction sortante, mais « le congrès a bien validé l’alliance de la gauche et des écologistes au sein de la Nupes », insiste l’ancien député.

« La seule différence, c’est une espèce d’allergie à Jean-Luc Mélenchon »

Corinne Narassiguin, numéro 2 du PS dans la direction sortante, minimise ces divergences de vue. « En réalité, il n’y a pas beaucoup de différences. La seule différence, c’est une espèce d’allergie à Jean-Luc Mélenchon. Mais la question de l’union de la gauche ne peut pas exploser sur une question de personne », soutient cette proche d’Olivier Faure, qui pense qu’en pratique, l’issue du congrès « n’aura pas d’impact sur l’accord de la Nupes et le fonctionnement de l’intergroupe ».

Quant à la ligne, pour Corinne Narassiguin, il n’y a pas de doute. « Le fait qu’Olivier Faure soit réélu, c’est lui qui tranchera les choses ». Et à défaut, le Conseil national aura le dernier mot. Même s’il faut attendre février pour l’élection des premiers fédéraux, qui compte pour un tiers des voix, « nous sommes assez confiants du fait que ce sera bien le texte de Faure qui aura la majorité ».

Premier test avec une législative partielle en Ariège

La nouvelle direction sera vite soumise à un premier test. En Ariège, la députée LFI-Nupes, Bénédicte Taurine, vient de voir son élection invalidée par le Conseil constitutionnel. Martine Froger, candidate dissidente du PS en juin dernier, semble déjà en campagne. « Je confirme ma candidature à une nouvelle élection, s’il y a une législative partielle et si les militants du Parti socialiste d’Ariège valide ma proposition » a-t-elle affirmé à La Dépêche du Midi, avant la décision des Sages.

Alors qui sera candidate ? « C’est une mise à l’épreuve immédiate du pacte de gouvernance », prévient Laurent Baumel. Mais chez les soutiens du maire de Rouen, la chose ne semble pas aller de soi pour tous. « Voilà un débat qui aura lien. Il sera sensible. Est-ce que ce sera la candidate du PS ou pas ? Nos amis ariégeois considèrent qu’ils sont les mieux placés pour occuper l’espace. Cela va être un sujet de négociation », estime-t-on déjà dans le camp de Nicolas Mayer-Rossignol.

Pour Corinne Narassiguin, il n’y a pas débat : « Bénédicte Taurine a gagné l’élection en 2022. Donc il n’y a aucune raison de contester que ce soit à nouveau elle qui soit candidate. C’est ce qu’on soutient avec Olivier Faure ». « Nicolas Mayer Rossignol devra effectivement se prononcer dessus. Ce sera un moment de clarté, de respect du fait majoritaire et du pacte qu’il a lui-même signé », ajoute cette proche du premier secrétaire. Selon un socialiste, c’est surtout du côté de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, qui était derrière Nicolas Mayer Rossignol, qu’on aimerait voir un candidat socialiste être investi.

Pour La France Insoumise, le sujet ne fait pas débat. « Bénédicte Taurine sera candidate. C’est un moment de vérité, c’est vrai. C’est une députée de la Nupes, sortante. Dans toutes les partielles, nous avons fait le choix de soutenir le député sortant », souligne Paul Vannier, député du Val-d’Oise et Monsieur élections de LFI.

« On ne pouvait pas se permettre d’avoir un PS divisé », selon Eric Coquerel

Chez les Insoumis, on est partagé sur l’issue du congrès socialiste. « C’est vrai qu’à un moment, il y avait pas mal d’inquiétudes. On ne pouvait pas se permettre d’avoir un PS divisé, affaibli et surtout remettant en question ce que je considère être la Nupes pour lui, c’est-à-dire son ancrage à gauche. Je préfère un PS avec nous, bien accueilli dans les manifestations, que ce qu'il s’est passé dans les années précédentes », réagit Eric Coquerel, président LFI de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui ajoute : « Ce qui me rassure, c’est qu’Olivier Faure reste le numéro 1 du PS ».

Selon un socialiste, qui a échangé avec Manuel Bompard, coordinateur de La France Insoumise, présent au congrès, « il était plutôt rassuré sur le fait que le PS n’allait pas exploser. Et qu’il allait pouvoir d’abord et avant tout travailler avec Olivier Faure ».

Mais d’autres voient le verre à moitié vide. « Alors qu’on voit la stratégie de la Nupes confirmée lors des élections partielles, où on conserve un siège et où on en gagne un face à un député Horizons, le débat qui traverse le PS et l’expression de certains dirigeants, je pense à Nicolas Mayer-Rossignol, qui ce matin, semble vouloir tourner la page de la Nupes, en en parlant au passé, nous pose question », reconnaît Paul Vannier. Le député LFI entend « demander à nos camarades socialistes comment ils se projettent dans la suite de l’accord que nous avons passé ensemble ».

Du côté du groupe écologiste de l’Assemblée, Sophie Taillé-Polian, députée Générations.s du Val-de-Marne, constate que « l’orientation d’Olivier Faure a obtenu une majorité des voix. Mais c’est sûr, nous aurions préféré qu’il soit élu plus largement. On aurait préféré que la ligne de la Nupes soit plus forte ». Mais l’ancienne sénatrice se rassure : « J’observe qu’aujourd’hui à la commission des affaires sociales, on est très en lien les uns et les autres au groupe de la Nupes pour faire vivre l’opposition à la réforme des retraites ». Car c’est bien à l’usage, en pratique, qu’on saura si l’accord du congrès du PS change les choses ou pas pour la Nupes.

« S’il y a deux lignes au sein de la nouvelle direction, elle ne durera pas longtemps » prévient Laurent Baumel

Au sein même du PS, les partisans de la Nupes seront sur leurs gardes. « On verra s’il y a bien une seule ligne dans la nouvelle direction, ou s’il y en a deux. S’il y en a deux, de mon point de vue, cette nouvelle direction ne durera pas longtemps », prévient Laurent Baumel, qui ajoute que « cet accord est sur surveillance de tout le monde, y compris des militants du Conseil national ». Il souligne qu’« Olivier Faure a été mandaté par les membres de son texte d’orientation pour clairement affirmer que cet accord ne pouvait pas remettre en cause le rassemblement de la gauche ».

Laurent Baumel, membre de « l’aile gauche » de son parti, s’étonne au passage de la lecture qui est faite par le maire de Rouen de l’absence du mot Nupes de l’accord. « Si dans la réunion à Marseille, on nous avait dit que pour cet accord soit possible, on devait retirer le mot Nupes, moi comme d’autres, nous ne l’aurions pas accepté. Je ne voudrais pas que nous ayons été victimes d’un jeu de dupe. Mais je ne crois pas une seconde que ce débat ait existé chez nos négociateurs », lâche le responsable PS… Entre les défenseurs les plus ardents de la Nupes et son nouveau premier secrétaire délégué, la vie d’Olivier Faure risque de ne pas être un long fleuve tranquille.

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