Pouvoir d’achat : le programme des candidats à la présidentielle pour répondre à la première préoccupation des Français

Pouvoir d’achat : le programme des candidats à la présidentielle pour répondre à la première préoccupation des Français

Alors que le pouvoir d’achat est l’un des thèmes les plus importants de la campagne présidentielle, nous avons comparé les programmes des candidats. Si presque tous proposent des hausses de salaires et des moyens de lutter contre l’inflation, les réponses divergent tout de même selon la couleur politique des candidats. Emmanuel Macron fait aussi figure d’exception en ne proposant pas explicitement de hausse de salaires.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que le pouvoir d’achat s’impose, enquête après enquête, comme principal enjeu de la campagne présidentielle, cette question est bien évidemment fortement présente dans les programmes des candidats. Depuis les années 1990 les pays industrialisés étaient dans un cycle économique très peu inflationniste – voire déflationniste il y a encore quelques années en Europe – caractérisé par des taux d’intérêt très bas et un chômage très élevé. Or depuis quelques mois, nous voilà revenus dans une conjoncture économique plus proche de celles des années 1970 et 1980, où le chômage baisse, mais les prix augmentent. Avec la reprise économique due à la levée des restrictions sanitaires d’abord, et la guerre en Ukraine ensuite, les questions d’inflation, de hausse des salaires, de prix de l’énergie et des produits de première nécessité sont en effet revenues en force sur le devant de la scène.

Alors que tous les candidats proposent des mesures pour pallier les difficultés de pouvoir d’achat liées à la hausse des prix, deux familles semblent tout de même se dessiner, suivant un clivage gauche-droite relativement prégnant pour la politique du « nouveau monde. » À gauche, la hausse des salaires se fait à fiscalité constante, alors qu’à droite, les hausses de salaires ou de pensions de retraite sont financées par des exonérations de cotisations sociales, et donc par une baisse de salaire différé, sur les cotisations qui financent les retraites, les allocations-chômage, les accidents du travail ou l’assurance maladie. Fait notable, seul Emmanuel Macron ne propose pas – même compensée par des baisses de cotisations – de hausse des salaires sous quelque forme que ce soit.

Au niveau de la lutte contre l’inflation, les réponses sont un peu plus diverses au sein des familles politiques. Là aussi, les candidats de droite et d’extrême droite proposent en général de diminuer les taxes pour faire baisser les prix de l’énergie ou des carburants, mais certains candidats de gauche, comme Anne Hidalgo ou Fabien Roussel mettent aussi cette option en avant. D’autres défendent plutôt un chèque énergie revalorisé et plus ciblé – comme Yannick Jadot – ou un blocage des prix, comme Jean-Luc Mélenchon.

Nathalie Arthaud : « Aller arracher » le SMIC à 2000 euros au patronat

La candidate de Lutte Ouvrière propose « qu’aucun salaire, aucune allocation, aucune pension ne [soit] inférieur à 2000 euros par mois » et d’indexer les salaires sur les prix. Nathalie Arthaud rejette toute prime ou « augmentation de salaire contrebalancée par des exonérations de cotisations patronales », qui reviendrait à faire payer les augmentations de salaires par l’Etat. En bonne trotskiste, la candidate ne fait pour autant « pas de promesse électorale » et prévient que « ces augmentations de salaire, il va falloir aller les arracher au patronat par nos luttes collectives. »

Nicolas Dupont-Aignan : des augmentations de salaire net financées par des « baisses de charges »

Le candidat de Debout la France propose d’augmenter les salaires de 8 % pour les salariés jusqu’à 3 SMIC, « sans peser sur le coût du travail » et donc en compensant par une réduction des cotisations salariales, « qui coûtera 20 milliards d’euros à l’Etat » et sera financé par « la suppression des millions de fausses cartes vitales. »

Ce « pacte social et économique gagnant-gagnant » comprend aussi un crédit d’impôt de production pour les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices sur le sol français, ou un allègement de charges pour les entreprises qui respectent l’égalité salariale, voire une suppression des charges pendant 5 ans pour le recrutement en CDI d’un « chômeur de longue durée. »

Le projet du candidat contient aussi une « réindexation » des salaires et des pensions de retraite sur l’inflation et une « valorisation du travail par la participation », en baissant le taux d’impôt sur les sociétés de d’1 % pour 2 % d’actionnariat salarié (dans la limite de 10 % de baisse d’impôt sur les sociétés).

Anne Hidalgo : augmentation du SMIC de 200 euros net et conférence sur les salaires

Anne Hidalgo veut « commencer par revaloriser le travail », en augmentant le SMIC de 200 euros net par mois et en convoquant une conférence sur les salaires pour négocier des augmentations supplémentaires par branches et une révision des grilles de qualification dans les conventions collectives. La candidate socialiste veut aussi instaurer un bonus / malus de cotisations patronales lié à la part de la valeur ajoutée consacrée aux salaires.

Sur l’égalité salariale femme – homme, Anne Hidalgo propose de procéder par name and shame et inversera la charge de la preuve sur les discriminations salariales. Allonger le congé paternité à 16 semaines, dont 6 obligatoires, devrait aussi permettre « d’assurer l’égalité professionnelle », pour la candidate.

Face à l’inflation, Anne Hidalgo propose de réduire la TVA sur « la facture de gaz naturel et d’électricité », tout comme la TVA sur les carburants, afin de faire baisser les prix de l’énergie et à la pompe.

Yannick Jadot : augmentation immédiate du SMIC de 10 % pour atteindre 1500 euros, Revenu citoyen et réduction « des dépenses contraintes »

Le candidat écologiste propose une augmentation initiale du SMIC de 10 % « pour atteindre au moins 1500 euros net pendant la mandature. » Dans le secteur privé, le candidat prône une « refonte du système des cotisations patronales » pour éviter de « tirer les salaires vers le bas », alors que dans le secteur public, Yannick Jadot propose de revaloriser le point d’indice. Globalement l’accent est mis sur le dialogue social pour renégocier les grilles salariales, les conditions de travail et de formation.

Le programme prévoit une fusion du RSA – relevé de 560 à 740 euros – des aides au logement et de la prime d’activité dans un Revenu citoyen « garantissant que personne ne vive avec moins de 918 euros » par mois, qui sera versé automatiquement à toutes les personnes de plus de 18 ans détachées fiscalement de leurs parents.

Face à l’inflation, le candidat propose d’augmenter le chèque inflation à 400 euros pour 6 millions de ménages modestes, en mettant aussi en place une tarification progressive de l’énergie pour que les premiers KwH soient gratuits. Plus généralement, les investissements dans la rénovation du bâti, le logement social, les transports collectifs et les énergies renouvelables doivent permettre de réduire les « dépenses contraintes », et faire augmenter le pouvoir d’achat.

Jean Lassalle : SMIC à 1400 euros, baisse des taxes sur les carburants et accent sur le logement, la ruralité et le grand âge

L’ancien maire de Lourdios-Ichère, déjà candidat en 2017, propose l’instauration d’un SMIC à 1400 euros net, soit une augmentation de 8 %. Il propose aussi de baisser la TVA sur les hydrocarbures de 20 % à 5,5 %. Jean Lassalle propose aussi d’augmenter les APL, « notamment pour les jeunes », en revenant sur la réforme de 2020, « qui a fait plus de perdants que de gagnants », et de « mieux contrôler » l’encadrement des loyers.

Le candidat insiste aussi beaucoup sur la France rurale et propose de mettre en place un « ticket paysan » sur le modèle des tickets-restaurants, mais en faveur des « agriculteurs locaux et régionaux. » Jean Lassalle propose aussi de « garantir par la Constitution » le « maintien absolu du pouvoir d’achat des retraités face à l’inflation. »

Marine Le Pen : hausse des salaires de 10 % compensée par des exonérations de cotisations patronales et une réduction de la TVA sur les produits énergétiques

La candidate du Rassemblement national propose, elle aussi, une hausse de 10 % des salaires jusqu’à 3 SMIC, mais en exonérant cette augmentation de cotisations patronales.

Face à l’inflation, elle défend une baisse de la TVA de 20 % à 5,5 % sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité), ainsi qu’une renationalisation des autoroutes pour baisser de 15 % les péages. Elle propose aussi de « rendre aux ménages les 5 milliards de subventions versées notamment aux éoliennes » ou bien de supprimer la « redevance télé. »

Pour les jeunes, Marine Le Pen veut exonérer d’impôt sur le revenu tous les jeunes actifs de moins de 30 ans, ainsi qu’un chèque formation mensuel de 200 à 300 euros pour les apprentis, les alternants et leurs employeurs. La candidate du RN propose aussi une indexation des retraites sur l’inflation.

Emmanuel Macron : primes, intéressement et exonérations d’impôt sur les successions

Le Président de la République désormais candidat propose logiquement de renforcer des politiques construites pendant son quinquennat comme la prime dite « Macron », versée aujourd’hui par les employeurs qui le veulent et qui peut atteindre jusqu’à 2000 euros pour les personnes gagnant jusqu’à 3 SMIC, qu’il propose de tripler, « sans charges, ni impôts. » Il entend dans le même esprit que les entreprises versant des dividendes soient obligées de mettre en place des dispositifs de participation ou d’intéressement s’ils ne versent pas la prime Macron.

Emmanuel Macron veut aussi supprimer la « redevance télé » et étendre l’exonération d’impôt sur les successions de 100 000 à 150 000 euros par enfant pour « transmettre le fruit de son travail. » Sur les retraites, en plus de sa fameuse réforme d’âge et la suppression des régimes spéciaux, le Président sortant propose une retraite minimale de 1100 euros.

Face à l’inflation, le Président de la République défend l’action du gouvernement lors de ces derniers mois, avec le bouclier tarifaire, la revalorisation du chèque énergie, l’indemnité inflation ou bien la remise récente de 18 centimes par litre de carburant.

Jean-Luc Mélenchon : blocage des prix, SMIC à 1400 euros, garantie d’autonomie à 1063 euros et réforme fiscale

Face à l’inflation, Jean-Luc Mélenchon entend bloquer les prix de l’énergie (gaz, électricité, mais aussi les carburants à 1,40 euro le litre), ainsi que les prix alimentaires. De même, la construction d’un million de logements sociaux sur le quinquennat aurait pour but de faire baisser les loyers. Pour réduire les « dépenses contraintes », la France insoumise veut instaurer une tarification sociale de l’eau et de l’énergie pour que les premiers m3 ou kWh soient gratuits.

L’Avenir en commun propose aussi une « revalorisation immédiate » du SMIC à 1400 euros, un « minimum vieillesse » à 1000 euros par mois au moins, une « garantie d’autonomie » de 1063 euros par mois pour les jeunes détachés de leur foyer fiscal, financée par une taxation des héritages supérieurs à 12 millions d’euros. Une « garantie d’emploi » devrait aussi permettre aux chômeurs longue durée de se voir proposer d’être embauchés au SMIC dans un secteur d’urgence.

Le candidat de l’Union populaire propose aussi une réforme fiscale, en baissant l’impôt sur le revenu pour les personnes gagnant moins de 4000 euros net par mois et en rétablissant l’ISF, qui inclura un « volet climatique visant à taxer les gros pollueurs. » Jean-Luc Mélenchon propose aussi de plafonner les frais bancaires,

Valérie Pécresse : 10 % de hausse des salaires, en contrepartie de baisses de cotisations salariales et baisses des taxes

Valérie Pécresse veut que le « travail paye davantage que l’assistance » et sa mesure phare en termes de pouvoir d’achat, c’est donc une augmentation des salaires de 10 % sur 5 ans (hors inflation) pour ceux qui touchent moins de 2800 euros par mois. Dès juillet 2022, les salaires net seront augmentés de 3 %, par une baisse des cotisations vieillesse. Ensuite, l’Etat mettra sur la table des baisses de cotisations afin que les entreprises se mobilisent pour faire augmenter les salaires de 10 % à la fin du quinquennat.

La candidate LR propose aussi de sortir des 35h, par la négociation, en défiscalisant les heures supplémentaires, et d’élargir les mécanismes d’intéressement et de participation des salariés au capital des entreprises, en maintenant notamment la prime dite « Macron. »

Face à l’inflation, Valérie Pécresse veut baisser la TVA de 20 % à 5 % sur l’électricité et indexer les frais kilométriques sur les prix des carburants.

Pour les jeunes, la candidate LR défend un Revenu Jeune Actif (RJA) de 670 euros par mois pour « les jeunes qui se forment dans les métiers en tension », alors que les retraités devraient attendre au moins un SMIC net et être indexées sur l’inflation. Valérie Pécresse défend aussi l’augmentation des allocations familiales de 15 % pour les deuxième et troisième enfants.

Philippe Poutou : socialiser les salaires, SMIC à 1800 euros et suppression de la TVA

Le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) veut répondre à « l’urgence sociale » en augmentant tous les salaires de 400 euros et en portant le salaire minimum à 1800 euros net. Face à l’inflation, Philippe Poutou souhaite indexer les salaires sur la hausse des prix et contenir cette dernière par la suppression de la TVA, « à commencer sur les produits de première nécessité » (11 milliards d’euros).

Le NPA milite ainsi pour des « salaires socialisés », contre « la droite et l’extrême droite qui veulent en finir avec ce qu’ils appellent les ‘charges sociales’ », qui financeraient ainsi par des cotisations une retraite à 60 ans, la mise en place d’un présalaire d’autonomie pour les 18-25 ans, ainsi que l’augmentation des allocations-chômage, adultes handicapés et minimum vieillesse à hauteur du salaire minimum.

Fabien Roussel : SMIC à 1500 euros net et baisse des taxes sur les produits énergétiques

Le candidat communiste défend « un mouvement d’augmentation générale des salaires, des minima sociaux et des pensions », avec un SMIC à 1500 euros net par mois, une augmentation des salaires de la fonction publique de 30 %, des pensions de retraite minimales de 1200 euros.

Face à l’inflation, Fabien Roussel défend aussi une baisse des taxes sur les tarifs de l’électricité et du gaz, avec une TVA à 5,5 % sur les consommations d’énergie et une suppression « des taxes assises sur des taxes » (comme la TVA sur la TICPE concernant les carburants). Le chèque énergie sera aussi porté à 700 euros minimum par an, avec interdiction des coupures d’énergie. En ce qui concerne les prix alimentaires, Fabien Roussel veut soumettre « une loi d’orientation et de programmation agricole » à la représentation nationale pour « stopper l’augmentation irraisonnable des prix de vente. » Sur le logement, un encadrement des loyers et un « plan national de construction et de rénovation » devraient permettre de baisser les coûts pour se loger.

Éric Zemmour : baisser les impôts pour rendre du pouvoir d’achat

Éric Zemmour mise sur une baisse dégressive de la CSG pour tous les salaires compris entre le SMIC et 2000 euros qui permettrait « à tous les travailleurs modestes du public, du privé et des indépendants, de toucher l’équivalent d’un 13ème mois. »

Le candidat de Reconquête propose aussi de revaloriser « jusqu’à 600 euros » par an les petites retraites inférieures à 1300 euros, là aussi en les exonérant de CSG et de CRDS. Une mesure financée par la suppression des aides sociales « non contributives » (pour lesquelles on ne cotise pas) pour les étrangers extra-européens (allocations familiales, RSA, aides au logement, minimum vieillesse).

Une prime dite « zéro charge » (ni salariale ni patronale) devrait permettre « aux chefs d’entreprise de récompenser leurs salariés », jusqu’à 3 fois le salaire net mensuel. De même les heures supplémentaires seraient exonérées « totalement » d’impôts et de charges sociales. »

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