Elections européennes : tout comprendre en 5 questions
Le 9 juin, les citoyens français seront appelés aux urnes à l’occasion des élections européennes. Public Sénat fait le point sur un scrutin capital pour l’avenir de l’UE.
Par Public Sénat
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« Je réévaluerai les conditions dans lesquelles cette réduction du délai de prescription a été faite, pour voir en quoi il se justifie. Je suis prudent parce que je reconnais qu’à cette étape, il faut que je regarde les mobiles qui ont pu expliquer cela » (…) Moi je serai intraitable et impitoyable à l’égard de la délinquance financière ». En marge d’un déplacement avec Yannick Jadot dans un McDonald parisien, Benoît Hamon a donc montré son scepticisme sur le raccourcissement du délai de prescription pour les délits économiques et financiers. Par cette déclaration, le député et candidat PS à l’élection présidentielle corrige, un peu, une maladresse commise quelques heures plus tôt sur France Inter. Interrogé sur cette réforme adoptée par le Parlement, il avait répondu : « Elle a été votée quand ? ».
Alors que deux candidats à l’élection présidentielle, Marine Le Pen et François Fillon, sont sous la menace d’une mise en examen, cette réforme à de quoi susciter encore plus de défiance de la part de l’opinion. Adoptée ce mois-ci par le Parlement, la proposition de loi des députés Georges Fenech (LR) et Alain Tourret (PRG) modifie sensiblement les délais de prescription en matière d’infractions occultes ou dissimulées. Si la nouvelle loi double les délais de prescription pour les délits, 3 à 6 ans et 10 à 20 ans pour les crimes, elle modifie substantiellement la prescription en matière d’infraction occulte ou dissimulée.
Depuis 1935, la jurisprudence fixait le départ de la prescription au moment de la découverte des faits estimant que « la clandestinité » est « constitutive de l’infraction ». Reprenant un amendement du sénateur LR, François Noël Buffet, le gouvernement avait fait voter, en octobre dernier, au Sénat, une nouvelle disposition. Adoptée définitivement le 16 février dernier par l’Assemblée nationale, elle reprend à son compte la jurisprudence de la Cour de Cassation qui repousse le déclenchement du délai de prescription au moment de la découverte des faits. Mais elle introduit une durée butoir, 12 ans, au-delà de laquelle la prescription s’éteint automatiquement pour les délits. Un détournement de fond public, un abus de confiance, commis en 2010 mais découverts en 2023 ne pourront donc plus être poursuivis. De quoi nourrir les soupçons sur l’instauration d’une forme de permissivité de la délinquance en col blanc. « C’est un scandale. C’est une loi qui protège les privilèges de ceux qui sont en place. On invoque le droit à l’oubli pour les délits complexes et dissimulés, les délinquants financiers. Alors que les délinquants du quotidien, eux, n’ont pas le droit à l’oubli, puisqu’en la matière, les délais de prescription ont même doublé» a réagi Jérôme Karsenti, avocat de l'association Anticor. Même sentiment du côté de Serge Portelli, magistrat, président de la Cour d’appel de Versailles. « C’est consternant, c’est une régression sur tous les plans dans la lutte générale contre la corruption qui devrait être la priorité du gouvernement ».
Interrogé par Public Sénat, il y a quelques jours, François-Noel Buffet, estimait que la réforme, permettait « d’éviter les imprescriptibilités de fait ». « Les procédures et les situations durent tellement qu’elles ne s’arrêtent jamais. Il y avait également la volonté d’avoir des délais de prescriptions suffisamment longs (12 ans) pour pouvoir permettre l’exercice des poursuites sur les faits de ces infractions occultes et dissimulées. « On est dans un système équilibré et qui répond aux injonctions du Conseil constitutionnel en la matière » justifiait-il. Le sénateur PS, membre de la Commission des lois, Jacques Bigot estime, également, que « transposer la jurisprudence dans la loi sans y ajouter le délai de prescription de 12 ans, conduisait à une quasi imprescriptibilité de ces infractions ». « Ce qui est contraire à la Cour Européenne des Droits de l’Homme ». « Le vrai problème est un problème d’ordre public. C’est la question de l’acceptation de la prescription pour les victimes » conclut-il.
Adoptée dans une relative discrétion, la réforme a été mise en lumière par l’affaire Fillon. Vendredi dernier, lors de l’annonce par le Parquet National Financier de l’ouverture d’une information judiciaire, pour « détournement de fonds publics, abus de bien sociaux, complicité et recel de ces délits, trafic d'influence et manquements aux obligation de déclaration à la Haute autorité sur la transparence de la vie publique », certains juristes y ont vu une précipitation, conséquence directe de cette réforme. Selon son article 4, la nouvelle loi ne peut s’appliquer rétroactivement à des affaires qui « au moment de son entrée en vigueur », ont « donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique ». Si l’on considère qu’une enquête préliminaire n’équivaut pas au « mouvement ou à l’exercice de l’action publique », alors François Fillon bénéficiait d’une prescription pour les faits antérieurs à 2005. Raison pour laquelle, le PNF aurait transmis le dossier aux juges d’instruction, et donc mis, « en mouvement l’action publique », pour ne pas prendre le risque qu’une partie des faits soient prescrits.
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