Présidence des LR : « Il ne faudrait pas que ça devienne une guerre entre députés et sénateurs »

Présidence des LR : « Il ne faudrait pas que ça devienne une guerre entre députés et sénateurs »

La fin de campagne se tend entre Eric Ciotti et Bruno Retailleau, le premier pointant les candidats « qui se font plus à droite et plus courageux qu’ils ne le sont ». Il attaque aussi le compromis issu du Sénat sur le texte sur les énergies renouvelables. « Si on veut s’amuser à ce petit jeu de cliver toujours plus, d’opposer les uns aux autres, l’Assemblée nationale et le Sénat, […] on terminera dans une cabine téléphonique », met en garde Bruno Retailleau.
François Vignal

Temps de lecture :

10 min

Publié le

Mis à jour le

« C’est une course contre la montre qui s’engage ». A seulement quatre jours du second tour pour la présidence des LR, qui oppose Eric Ciotti à Bruno Retailleau, le sénateur Stéphane Le Rudulier, porte-parole du président du groupe LR du Sénat, sait bien que la campagne d’entre-deux-tours se fait forcément au pas de charge.

Trois quarts du groupe LR du Sénat derrière Bruno Retailleau

Entre une matinale ce mardi matin, un meeting en ligne ce soir, puis un meeting physique demain au siège des LR, à Paris, avant un autre à Marseille jeudi, et peut-être Belfort vendredi, Bruno Retailleau fait une halte, ce matin, parmi les siens, pour la traditionnelle réunion de groupe hebdomadaire. Il sait pouvoir compter sur l’appui d’une grande majorité des sénateurs LR, à commencer par le président du Sénat, Gérard Larcher.

Un soutien rappelé ce jour, dans une tribune publiée dans Le Figaro, signée par 119 parlementaires, parmi lesquels le président de la Haute assemblée. On y compte exactement 111 sénateurs du groupe LR (dont 92 sénateurs LR et 19 rattachés ou apparentés) sur 145, soit les trois quarts du groupe derrière Bruno Retailleau, ainsi que 6 députés et 2 députés européens, dont François-Xavier Bellamy. En comparaison, pour Eric Ciotti, on compte une « quinzaine » de soutiens chez les sénateurs LR.

Lire aussi » Présidence des LR : qui sont les soutiens d’Eric Ciotti, de Bruno Retailleau… et que va faire Aurélien Pradié ?

« C’est un second tour de mobilisation, d’activation de tous nos réseaux. Et on y va à fond »

En arrivant devant la salle Médicis, qui accueille le groupe, Bruno Retailleau répète ses propos de dimanche soir. « La bonne nouvelle, c’est qu’il y a un second tour. On avait tellement dit que tout serait joué d’avance. Or on a 5.500 voix d’écart entre Eric et Moi. C’est un second tour de mobilisation, d’activation de tous nos réseaux. Et on y va à fond », lance le président du groupe.

« On a une bonne dynamique. Maintenant, il faut la confirmer dans les quatre prochains jours. C’est tout l’enjeu », ajoute Stéphane Le Rudulier, pour qui « il faut essayer de convaincre du bien-fondé de la candidature de Bruno, sur l’unité, le rassemblement et le renouvellement dont les militants ont besoin. Ils ont vu dans la candidature de Bruno Retailleau et d’Aurélien Pradié un besoin de rupture, c’est le qualificatif qui lie les deux ».

« Xavier Bertrand a dit à Bruno Retailleau qu’il était disponible pour l’aider »

Xavier Bertrand, qui avait soutenu Aurélien Pradié, a lui fait savoir à la presse qu’il voterait Bruno Retailleau. Pourrait-il aller plus loin dans son expression ? « Ça se discute entre lui et Bruno. Xavier lui a dit qu’il était disponible pour l’aider », confie le sénateur LR du Pas-de-Calais, Jean-François Rapin, proche du président des Hauts-de-France. Pour le sénateur, l’expérience de Bruno Retailleau à la tête des sénateurs LR lui serait directement utile, en cas de victoire. « Ici, c’est 145 sénateurs. C’est un petit parti, c’est une maquette, avec plusieurs courants. Et au gré des tempêtes, il a su maintenir l’unité du groupe », avance Jean-François Rapin, pour qui le scrutin « est ouvert ».

Dans l’autre camp, Alain Joyandet affiche une certaine confiance, comme dimanche soir. « Normalement, Eric Ciotti devrait être élu » assure-t-il. Les soutiens qui s’annoncent dans l’entre-deux-tours « jouent un peu dans les deux sens. Mais les résultats du premier tour, normalement, ne laissent pas beaucoup de suspens pour le second », insiste le sénateur de la Haute-Saône.

Plusieurs ralliements pour Ciotti : des soutiens d’Aurélien Pradié, François Baroin et peut-être Christian Jacob

Si le troisième homme, Aurélien Pradié, ne s’est pas prononcé pour un candidat et ne devrait pas le faire, reste qu’une partie de ses soutiens se tourne clairement vers le député des Alpes-Maritimes, comme le député LR du Haut-Rhin, Raphaël Schellenberger, qui a annoncé lundi à publicsenat.fr qu’il « votera Eric Ciotti ».

Les ralliements ne s’arrêtent pas là. Après un déplacement à Canet-en-Roussillon cet après-midi et à Toulouse ce soir, Eric Ciotti sera « demain matin à Calais, où il sera accueilli par Pierre-Henri Dumont, à la demande de ce dernier. Il était le directeur de campagne d’Aurélien Pradié », apprécie la sénatrice LR Alexandra Borchio-Fontimp, directrice de campagne d’Eric Ciotti. Il sera ensuite à Limoges, avant « une réunion publique au siège du parti, à Paris, avec Laurent Wauquiez et Rachida Dati », glisse la sénatrice des Alpes-Maritimes. Ce Tour de France express ne s’arrête pas là : « Vendredi, sur invitation de François Baroin, Eric Ciotti ira à Troyes où il est soutenu par Valérie Bazin-Malgras, qui a soutenu Aurélien Pradié », annonce la directrice de campagne. Un déplacement dans le Haut-Rhin, département de Raphaël Schellenberger, est peut-être aussi dans les tuyaux.

Dans sa besace, il se peut qu’Eric Ciotti voit arriver l’ancien numéro 1 du parti, Christian Jacob, qui pourrait lui aussi apporter son soutien. De quoi jouer la carte du rassembleur. « Le soir du premier tour, son téléphone n’a fait que sonner jusque tard dans la soirée », confie son entourage.

« Les charges à l’encontre du Sénat, ça devient assez insupportable »

Des ralliements qui s’accumulent. De quoi inquiéter le camp Retailleau ? « Non, les députés se tournent vers Eric Ciotti, forcément », minimise Stéphane Le Rudulier, « mais il ne faudrait pas que ça devienne aussi une guerre Assemblée/Sénat, députés contre sénateurs ». Le porte-parole de Bruno Retailleau pointe « les charges à l’encontre du Sénat. Ça devient assez insupportable à mes yeux. La droite ne se relèvera pas sans le Sénat et la droite sénatoriale. C’est une erreur de penser ça ». Stéphane Le Rudulier a en tête « l’intervention d’Eric Ciotti sur C-News, où il met encore un tacle sur le travail du Sénat. Cela va à contresens de l’unité ».

Eric Ciotti a en effet sorti les couteaux, ce matin, sur C-News. Il a d’abord dit « regarder avec un peu de méfiance ces candidats qui changent subitement de posture, avant une élection, qui se font plus à droite et plus courageux qu’ils ne le sont ». Puis le député a mis en cause le compromis sorti du Sénat sur le texte sur les énergies renouvelables. « Il faut faire des éoliennes avec l’accord des élus. C’est ce que nous demandons avec le groupe LR à l’Assemblée nationale. Je regrette d’ailleurs que le Sénat ait eu une position contraire. C’est une différence », avance Eric Ciotti. C’est en réalité la position d’origine des sénateurs LR, mais ça, le député des Alpes-Maritimes ne le rappelle pas.

Lire aussi >> Energies renouvelables : le compromis du Sénat sur les éoliennes divise les LR

En cas de division, « on terminera à 1 % », met en garde Bruno Retailleau

Une attaque qu’a donc peu appréciée Stéphane Le Rudulier. « Nous, on salue le travail des députés. Ce serait bien qu’il en soit de même. On ne les accuse pas d’être une force supplétive de la majorité quand il ne vote pas les motions de censure RN ou Nupes, et c’est normal. A partir de dimanche, il faudra se rassembler. Attention à ne pas blesser inutilement certaines personnes qui travaillent d’arrache pied au Sénat », alerte le sénateur des Bouches-du-Rhône.

Interrogé sur le sujet, Bruno Retailleau met aussi en garde contre le venin de la division. « Je crois que l’enjeu de cette élection, c’est de pouvoir rassembler. On a fait moins de 5 % à l’élection présidentielle. Si on veut s’amuser à ce petit jeu de cliver toujours plus, d’opposer les uns aux autres, l’Assemblée nationale et le Sénat, qu‘est-ce qu’il nous restera ? On terminera à 1 %. On terminera dans une cabine téléphonique, et il n’y en a plus beaucoup en France. Moi, je ne dévierai pas de ma ligne. Je souhaite rassembler, je souhaite refonder », avance le patron des sénateurs LR.

« Eric Ciotti défend une ligne politique de droite, bien sûr, mais aussi une ligne moderne »

Comme souvent, les fins de campagne sont sources de quelques tensions. « Eric Ciotti n’est pas dans une division à dire je vais démolir mon concurrent et dire toutes nos différences. Il martèle son projet », soutient sa directrice de campagne, avant d’ajouter cependant : « Eric Ciotti défend une ligne politique de droite, bien sûr, mais aussi une ligne moderne, avec des valeurs qui sont en partage, les valeurs véhiculées par Aurélien Pradié ». Alexandra Borchio-Fontimp ajoute que « sur les sujets de sociétaux, il est moins conservateur. Il est moderne, ou en tout cas, il essaie de s’adapter ».

En réalité, Eric Ciotti avait manifesté en 2013 contre le mariage pour tous. Dans une photo relayée en 2013 par son propre compte Twitter, on le voit même alors battre le pavé aux côtés d’un certain… Bruno Retailleau.

Mais le député a évolué en partie depuis. « On a pu commettre des erreurs d’appréciation. Sur le mariage pour tous, on n’aurait peut-être pas la même attitude aujourd’hui », avait admis Eric Ciotti sur Europe 1, en juillet 2017, affirmant que « le texte est aujourd’hui dans le droit ». En revanche, sur la PMA pour toutes, il s’était alors dit « contre une évolution. […] Aujourd’hui, aller plus loin, c’est aller sur une utilisation qui me paraît dangereuse ».

Certains anticipent les conséquences en cas de victoire d’Eric Ciotti

Si le résultat final n’est pas encore connu, on anticipe déjà les conséquences. En cas de victoire d’Eric Ciotti, certains craignent de voir des élus prendre leur distance avec les LR. « Si c’est lui, il est quand même plus à droite, et on ne sait pas… Certains pourraient être tentés de siéger chez les non-inscrits peut-être, mais plus du côté de l’Assemblée », pense Catherine Procaccia, sénatrice LR du Val-de-Marne. Certains imaginent d’autres effets : « Si Retailleau perd, ça va tanguer au Sénat », prédit un sénateur, qui rappelle qu’« on a des élections sénatoriales dans la moitié des départements l’année prochaine ». Le même pense même qu’il y aurait de quoi mettre à mal « la majorité sénatoriale. C’est la crainte de Gérard Larcher », qui avait encouragé Bruno Retailleau à se lancer, l’été dernier. Catherine Procaccia, elle, n’y croit pas : « Gérard Larcher et Bruno Retailleau feront en sorte qu’il y ait le minimum de défection ».

Une chose est sûre : entre Eric Ciotti, qui entend faire en sorte que Laurent Wauquiez soit désigné candidat pour la présidentielle dès 2023, et Bruno Retailleau, qui veut d’abord « travailler les idées, plutôt que les ego », le résultat de dimanche aura un impact sur l’avenir de la droite.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le