Présidence des LR : les sénateurs de droite louent la « capacité à rassembler » de Bruno Retailleau

Présidence des LR : les sénateurs de droite louent la « capacité à rassembler » de Bruno Retailleau

Après avoir mûri sa réflexion cet été, Bruno Retailleau pourrait bien se lancer rapidement dans la course à la présidence des LR. Pour espérer battre Eric Ciotti, il pourra compter sur l’appui des sénateurs de son groupe, qui insistent sur sa capacité de rassemblement. « Il a incontestablement un côté non clivant, non sectaire », salue Roger Karoutchi, qui lui apporte son soutien.
François Vignal

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« Sincèrement, je pense qu’il y va. A 90 ou 95 % ». En apprenant hier l’annonce d’une réunion du groupe en visio, jeudi, en fin de journée, ce sénateur du groupe LR n’a plus eu de doute. Sauf surprise, Bruno Retailleau devrait probablement être candidat à la présidence des Républicains. C’est le sentiment qui ressort chez tous les sénateurs du groupe interrogés ce mercredi.

En vue du scrutin du 3 et 4 décembre prochain (avec un éventuel second tour les 10 et 11 décembre), il pourrait peut-être annoncer sa candidature lors du campus des jeunes LR, prévu ce week-end à Angers, où Bruno Retailleau prendra la parole dimanche matin. Mais certains lui conseillent de le faire avant.

« Des élus lui demandent instamment de se présenter »

Avant de mettre sa candidature dans les starting-blocks, le chef de file des sénateurs LR a mûri sa réflexion tout l’été. Entre un Laurent Wauquiez qui a renoncé, le droitier Eric Ciotti, déjà candidat, et la possible candidature d’Aurélien Pradié, qui ne représente pas sa ligne, la perspective s’est construite petit à petit. Bruno Retailleau a pris le temps d’échanger, de consulter. « Il est très sollicité. Des élus lui demandent instamment de se présenter », assure un proche. Certains membres du groupe l’imaginent mettre les sénateurs dans la confidence demain. « La réunion n’est pas faite pour ça mais pour recueillir le sentiment des sénateurs sur l’avenir du parti, avant de prendre sa décision », corrige un soutien, « s’il se lance, c’est parce que le groupe lui demande ». Le groupe, comme base de lancement. S’il est bien candidat et en cas d’élection, il compte d’ailleurs rester à la tête du groupe. « Evidemment, c’est plus que compatible », assure un supporteur, même si Christian Jacob avait lui lâché la présidence du groupe LR de l’Assemblée, une fois élu à la tête du parti.

Dans ce chemin qui pourrait le mener à la tête des LR, Bruno Retailleau vient de recevoir un soutien de taille. Celui de Gérard Larcher, président du Sénat. « Il prendra sa décision définitive dans quelques jours, en conscience, après consultation de son groupe au Sénat. Moi qui travaille très bien avec lui, je ne vois aucune incompatibilité entre la présidence du groupe et la présidence des Républicains. Bruno Retailleau a toutes les qualités pour présider notre mouvement », affirme au Figaro le président de la Haute assemblée.

« Le duel Ciotti-Pradié laisse la place peut-être à un troisième homme »

Sans grande surprise, chez les élus de la Haute assemblée, la perspective de sa candidature semble recevoir déjà de nombreux soutiens. Y compris au-delà des élus les plus proches de sa ligne. « C’est une très bonne idée. Il a le niveau intellectuel qui va bien. Il a des idées, des concepts et une force de travail » salue le sénateur LR de l’Oise, Jérôme Bascher, qui avait soutenu Xavier Bertrand à la primaire, « il aura tout mon soutien s’il décide d’y aller ». « Vous savez ma proximité avec lui, tout le respect que j’ai pour son travail comme président de groupe. Je serais ravi qu’il puisse s’engager », dit le sénateur Stéphane Piednoir, qui dirige la fédération LR du Maine-et-Loire, et avait soutenu Michel Barnier à la primaire. « Il est brillant », s’enthousiasme un autre élu.

Même chez des soutiens d’Eric Ciotti à la primaire pour la présidentielle, certains pourraient se tourner vers le Vendéen. « Le duel Ciotti-Pradié laisse la place peut-être à un troisième homme. II a la possibilité de s’engouffrer là-dedans », juge l’un d’eux. Un autre, qui avait aussi penché pour le président de la puissante fédération des Alpes-Maritimes, dit même ne pas avoir « hésité une seule seconde. Il me paraît être le candidat naturel pour notre famille politique ».

« Jusqu’ici, le président du parti était un député. Aujourd’hui, le nouvel équilibre politique est plutôt favorable au Sénat »

Autre soutien important, au Sénat : celui de Roger Karoutchi. Pour lui, ce sera « Bruno, clairement. On peut imaginer que pour le séguiniste notoire que je suis, ça peut ne pas paraître évident. Et pourtant ça l’est ! » assure le premier vice-président du Sénat à publicsenat.fr. Celui qui avait soutenu Valérie Pécresse à la primaire met plusieurs points dans la balance, à commencer par le renforcement de la Haute assemblée. « C’est incontestablement le Sénat et le groupe LR qui incarnent le plus et le mieux l’opposition républicaine. Jusqu’ici, le président du parti était un député, un président de groupe. Aujourd’hui, le nouvel équilibre politique est plutôt favorable au Sénat. Donc il y a une logique presque mathématique que le président du groupe LR du Sénat puisse incarner l’ensemble de la formation », soutient Roger Karoutchi. Autre argument : « La position politique régalienne de Bruno Retailleau correspond à la position moyenne des LR ».

Enfin – et ce point essentiel revient dans la bouche de chacun – « il a incontestablement un côté non-clivant, non sectaire, qu’il a prouvé à la tête du groupe LR ». « Il a démontré sa capacité à rassembler, trouver des compromis », confirme Jérôme Bascher. « Moi je n’ai pas les mêmes positions que Bruno sur des sujets de société. J’ai toujours pu voter et dire ce que je pensais », rappelle Roger Karoutchi, pour qui « le président d’un parti n’est pas un prophète, ce n’est pas un gourou. On n’attend pas qu’il nous dise quoi penser, mais qu’il organise, qu’il écoute et donne les lignes directrices sur les grands sujets ».

« Si c’est Ciotti, il y a un risque de division qu’on ne peut pas prendre »

Le sénateur des Hauts-de-Seine souligne que « Bruno Retailleau a aussi prouvé sa capacité à discuter avec le groupe centriste », qui fait la majorité avec le groupe LR au Sénat. Il ajoute :

Il est sénateur depuis un moment. Au-delà de la force des convictions, il sait arrondir les angles pour trouver des majorités et que les choses se fassent.

Ferme mais malléable si besoin. « Il a des convictions très forte. On peut le classer très à droite. Néanmoins, il est capable de faire passer l’intérêt général d’un groupe avant des convictions qui lui sont chères – je pense à des convictions religieuses notamment – mais ça ne transparaît pas dans ses analyses ou les orientations en réunion de groupe. A aucun moment on ne ressent ce prisme-là », constate un élu du Palais du Luxembourg, qui le soutient.

Si Eric Ciotti l’emportait, certains vont jusqu’à prédire les pires conséquences pour le mouvement, alors que de nombreux élus sont déjà partis vers Emmanuel Macron. « Il faut éviter l’implosion de notre famille politique. Si c’est Ciotti, il y a un risque de division qu’on ne peut pas prendre », pense un sénateur LR. « J’ai parcouru pas mal de kilomètres cet été. Il y a une inquiétude sur la candidature Ciotti. Et quand on est dans notre état, il faut rassembler », ajoute le même, qui craint jusqu’à « la mort de notre famille politique à plus ou moins long terme ».

« Il faut éviter la guignolisation du parti. Il faut un président sérieux »

« Il faut éviter la guignolisation du parti. Il faut un président sérieux. Il faut être dans le travail si on veut reconstruire quelque chose », lâche un autre soutien, pour qui « le sérieux, c’est Bruno qui peut l’incarner ».

Reste que sur le fond, les deux hommes sont proches, surtout sur l’immigration et la sécurité, où ils défendent chacun une ligne dure. « Mais Eric Ciotti est un peu mono sujet », alors que le patron des sénateurs LR peut miser aussi « sur l’économie, l’école ou l’écologie. Bruno a écrit un bouquin sur l’écologie, dont le titre est prémonitoire : « Aurons-nous encore de la lumière en hiver ? », rappelle un soutien. Bref, l’élu de Vendée mise sur « un spectre beaucoup plus large ».

« La mise en garde pour Bruno Retailleau, c’est de ne pas faire une campagne de notable »

Si les sénateurs sont nombreux à être derrière lui, reste que ce sont les adhérents, environ 50.000 pour l’heure, qui voteront. Et Eric Ciotti pèse dans le parti. Il l’a démontré en arrivant en tête du premier tour de la primaire, avec 25,5 % des voix. « C’est sa force de frappe », résume un membre du groupe LR. « Tous les sénateurs ne sont pas très impliqués dans la vie du parti et de leur fédération. Certains seront un plus, car ils président leur fédé, avec des cartes d’adhérents, d’autres n’ont pas d’impact », prévient un membre du groupe. Sur ce point, « on s’organise », rassure un soutien…

Autre point faible, selon un collègue du groupe LR : « La mise en garde pour Bruno Retailleau, c’est aussi de ne pas faire une campagne de notable, de ne pas parler qu’aux élus, mais de parler aux adhérents aussi. Ce que Ciotti fera très bien ». Le même ajoute : « Il faudra qu’il adapte son discours. Après, c’est un orateur hors pair ». Dans une considération plus interne, un autre sénateur « espère » quant à lui « que sa candidature ne remettra pas en cause le bon fonctionnement de notre groupe au Sénat, ou les ambitions, probablement qui sont les siennes, de succéder un jour ou l’autre à Gérard Larcher », lâche cet élu LR.

Laurent Wauquiez a-t-il les clefs du scrutin ?

Si certains pensent que David Lisnard, président LR de l’Association des maires de France, ou Othman Nasrou, vice-président de la région Île-de-France, tentés d’y aller, pourraient renoncer si Bruno Retailleau se lançait dans la course, le juge de paix pourrait venir surtout de l’attitude de Laurent Wauquiez. Le président LR de la région Auvergne-Rhônes-Alpes, qui lorgne sur 2027, a-t-il les clefs du scrutin ? « Il peut les avoir », pense un sénateur, du moins, « il aura son mot à dire. J’ai cru comprendre qu’il avait salué chaleureusement Eric Ciotti pour sa rentrée, au Mont Mezenc ». « C’était un petit mot. C’est quand même le minimum syndical », tempère un autre. L’ancien président des LR aurait plutôt intérêt à rester au-dessus de la mêlée. « Logiquement, Laurent Wauquiez prendrait un risque énorme à soutenir tel ou tel candidat. Pour rester au-dessus, on ne met pas les mains dans le cambouis », pense un membre du groupe.

Si Bruno Retailleau se lance bien, beaucoup jugent le scrutin « très ouvert ». « Vous savez ce que disait Edgar Faure ? », demande un soutien. Réponse : « Une élection est toujours un miracle. Donc on ne peut pas savoir à l’avance ». Il faudra attendre début décembre pour voir la fumée blanche.

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