Présidence LR : la pression monte entre Pradié, Retailleau et Ciotti

Présidence LR : la pression monte entre Pradié, Retailleau et Ciotti

Les journées parlementaires des Républicains ont marqué l’ouverture officielle de la campagne pour la présidence du parti. Même si ces journées ne représentent pas un enjeu important au niveau électoral, Aurélien Pradié a pu démarrer une campagne assez disruptive. Alors qu’en coulisses, le ton a commencé à monter sur les adhésions de dernière minute entre les camps Retailleau et Ciotti.
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Par Louis Mollier-Sabet, avec Jérôme Rabier et Jonathan Dupriez

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« Nous étions d’accord pour mettre ces journées parlementaires à l’abri de la compétition. » Éric Ciotti a beau jouer la carte de la concorde, personne n’est dupe. Alors que les journées parlementaires de LR se poursuivent à Biarritz, l’ombre de l’élection qui aura lieu début décembre prochain pour désigner le prochain président des Républicains plane sur la Grande plage de Biarritz, où Aurélien Pradié s’est même autorisé une petite session de surf hier. Il faut dire que, depuis deux jours, le troisième homme de l’élection fait tout pour jouer la carte de l’outsider solitaire. Jeudi, en plus des quelques rouleaux qu’il est allé avaler en début de journée, le député du Lot s’est affiché ostensiblement et longuement, seul au téléphone devant le Palais des Congrès de la place Bellevue, et est tranquillement arrivé à midi ce vendredi. Le député du Lot s’est ainsi payé le luxe de poser un lapin à Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Annie Genevard, qui avaient prévu de boire un café pour discuter de la bonne tenue de la campagne. Une stratégie de distanciation délibérée pour de nombreux parlementaires présents. « Pradié est dans une volonté de rupture avec un système qu’il juge mauvais », analyse par exemple un poids lourd du groupe à l’Assemblée, qui y voit un signal explicite que le secrétaire général de LR ne veut pas jouer au même jeu que les autres.

» Pour en savoir plus sur les enjeux de ces journées parlementaires : Face aux appels du pied d’Emmanuel Macron, LR veut se « coordonner » à l’Assemblée et au Sénat pour « peser »

« Certains sont même allés se baigner, ce n’est pas sérieux »

Stratégie ou pas, la manœuvre n’a pas été du goût de tout le monde. Les sénateurs LR, notamment, se sont agacés de l’absentéisme presque pathologique de leurs collègues députés. « Les députés n’étaient que six hier », confie une sénatrice qui a trouvé Olivier Marleix esseulé pour discuter de la façon d’aborder les textes budgétaires à l’automne. « Les clans de Pradié et Ciotti ont passé leur temps à sortir pour discuter, passer des coups de téléphone. Certains sont même allés se baigner, ce n’est pas sérieux », ajoute, passablement agacée cette parlementaire. « Les sénateurs gueulaient à table hier », confirme une responsable du parti. « C’est vrai que la politique à un moment, c’est aussi des comportements humains », admet-elle. Dans le clan Ciotti, on minimise. « Il y a eu des problèmes d’avion, ça en a découragé certains », tente notamment d’expliquer un soutien du député des Alpes-Maritimes. « Je ne renonce pas à ce que nous ayons des moments d’échange », veut croire un poids lourd du parti qui aurait bien aimé pouvoir discuter avec les trois principaux candidats à la présidence.

Si en façade, les clans ont laissé la « compétition » à la maison, certains épisodes peuvent tout de même prêter à confusion. Alors qu’Aurélien Pradié avait prévu une conférence de presse à 18h dans un restaurant jouxtant le Palais des Congrès hier soir, Bruno Retailleau, Olivier Marleix et Gérard Larcher, présent jeudi seulement, sont opportunément sortis à 17h50 pour discuter avec les journalistes qui les avaient attendus tout l’après-midi. Visiblement dans de bonnes dispositions, ils ont ainsi généreusement pris une demi-heure de leur temps pour la presse. D’aucuns diraient chez LR qu’Aurélien Pradié ne l’avait pas volé. « Faire du jeunisme comme il le fait, en disant il faut faire table rase du passé, ce n’est pas possible… Il lui manque quelques centimètres… Dans 15 ans pourquoi pas ? Mais vous savez ce qu’on dit, avant d’être maître, il faut être apprenti », charge par exemple une parlementaire qui soutient Éric Ciotti. D’autres prennent les manœuvres de Pradié avec un peu plus de recul, comme ce soutien de Retailleau au Sénat : « Pradié veut prendre de la place, avoir son heure de gloire. Comme Ciotti pendant le Congrès finalement, ça lui permet de faire des médias. J’allume ma télé ce matin, je tombe sur lui ! Il s’installe dans le parti. »

« Bruno nous dit ‘faites des cartes’ »

Si les attitudes de certains ont pu agacer, ces journées parlementaires ne sont pas, de l’aveu général, un véritable enjeu pour la présidence du parti. Au mieux, c’est l’occasion pour les favoris de renifler un peu, et de jauger l’influence de chacun parmi les cadres. Dans le clan Ciotti, on veut croire que « pas plus de cinq députés » ne soutiendront Bruno Retailleau, alors qu’une moitié du groupe soutiendrait Éric Ciotti, et une dizaine Aurélien Pradié. À l’inverse, on assure au Sénat ne pas avoir connaissance de sénateurs qui soutiendraient le député du Lot, alors que du côté de ce dernier, on assure que des soutiens émergeront. « Même les Bertrandistes ne veulent pas voir Ciotti à 40 % au 1er tour et se rangent tous derrière Bruno Retailleau dès le 1er tour », analyse ainsi une sénatrice qui soutient Bruno Retailleau. Elle craint notamment que certains cadres « se posent des questions » si Éric Ciotti l’emportait. « Au niveau du groupe parlementaire, cela fonctionne et il y a des apparentés, donc ça ne posera pas de problème, mais dans les fédérations… » Une huile du groupe à l’Assemblée « ne croit pas » non plus à une scission des groupes parlementaires en cas de victoire du député des Alpes-Maritimes, jugé plus radical, et surtout moins souple dans la forme et dans la méthode, que Bruno Retailleau. « Celui qui gagnera sera celui qui saura rassembler. Un discours de conquête, ce n’est pas un discours de rassemblement, ce sont des étapes différentes, vous le savez bien », explique cette députée.

Ce que l’on sait aussi, c’est que dans une primaire interne, c’est le vote des militants qui compte, et que les précédents de la primaire de 2016 – pourtant ouverte aux sympathisants – et du congrès de 2021 ont bien montré qu’il pouvait parfois surprendre. « Ce ne sont pas chez les collègues députés et sénateurs que l’élection se fait. Ceux qui pensent que la campagne électorale se fait dans des salons se trompent, elle se fait sur le terrain », martèle ainsi Aurélien Pradié. Et pour le coup, pas sûr que jouer la carte du renouvellement suffise. Finalement, chez les Républicains, ce qui marche parfois le mieux, ce sont les bonnes vieilles recettes. C’est en tout cas ce qui fait peur à Bruno Retailleau, qui aurait, d’après Le Point, envoyé une lettre à Annie Genevard, présidente du parti par intérim qui chapeaute l’élection, et à la Haute Autorité chargée de l’organisation, afin d’alerter sur le risque de « fausses adhésions » à l’approche de l’élection. Après être passé de 150 000 adhérents à jour de cotisation lors du congrès qui avait désigné Valérie Pécresse comme candidate à la présidentielle à environ 50 000 aujourd’hui, l’enjeu est énorme pour toutes les fédérations de France. « C’est difficile de ramener des gens dans les fédés et d’enclencher un engouement après la douche froide de la présidentielle. C’est dur de dire aux anciens militants ‘prenez votre carte, réengagez-vous pour un an, on va tout changer’. Alors il y a du monde quand on fait des réunions, mais c’est toujours les mêmes », s’inquiète une parlementaire responsable d’une fédération importante. Face au désamour militant, la tentation de « faire des cartes » est grande. « Bruno nous dit ‘faites des cartes’», lâche un président de fédération qui soutient Bruno Retailleau, en sous-entendant essayer de faire les choses dans les règles, contrairement au camp Ciotti. « Il y a plus de cartes que d’habitants dans la fédé des Alpes-Maritimes », plaisante un sénateur à la volée. Ce n’est pas encore le cas. Pour le moment.

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