Présidentielle : après une entrée fracassante en campagne, la dégringolade d’Éric Zemmour

Présidentielle : après une entrée fracassante en campagne, la dégringolade d’Éric Zemmour

Présenté en fin d’année comme l’un des grands favoris de cette présidentielle, Éric Zemmour finit à la quatrième place. L’ancien journaliste, essayiste d’extrême droite, a notamment été rattrapé par ses déclarations sur Vladimir Poutine et sa position sur les réfugiés.
Romain David

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Éric Zemmour ne sera pas au second tour de l’élection présidentielle. L’essayiste, qui imaginait opérer, depuis l’extrême droite de l’échiquier politique, un braquage électoral, sans doute inspiré par ce qu’était parvenu à faire Emmanuel Macron en 2017, sans avoir jamais été élu et sans parti, finit à la quatrième position, avec 7,2 % des suffrages exprimés, selon notre estimation Ipsos-Sopra Steria, France 2, France Inter, Public Sénat et LCP-AN. Il parvient toutefois à devancer Valérie Pécresse, la candidate LR. Dimanche soir, il a appelé à ses partisans à voter pour Marine Le Pen. Marqué par les polémiques, les sorties de route et les déclarations fracassantes, la campagne d’Éric Zemmour s’est considérablement essoufflée à partir du mois de février.

Le phénomène Zemmour

Ira, ira pas ? À la fin de l’été 2021, le monde politico-médiatique se passionne pour les intentions présidentielles d’Éric Zemmour. La rumeur d’une candidature du polémiste, chantre d’une réunion de la droite et de l’extrême droite, date de 2019. Mais depuis quelques mois, les choses s’accélèrent avec la mise en place de plusieurs organismes de soutien, l’association « Les Amis d’Éric Zemmour », et le collectif « génération Z » qui rassemble de jeunes aficionados du « Z », comme ils le surnomment. Leur président, Stanislas Rigault, apparaît de plus en plus souvent sur les plateaux télévisés. Éric Zemmour dispose d’une forte exposition médiatique : chroniqueur star de « Face à l’info » sur CNews, il s’apprête à entamer la promotion de son dernier livre, « La France n’a pas dit son dernier mot ». Certaines enquêtes d’opinion le testent depuis le mois de juillet. Le 9 septembre, le CSA demande aux chaînes de décompter son temps de parole. Le même mois, il progresse de 8 à 15 % dans les intentions de vote. Début novembre, il est à 19 % dans un sondage Harris Interactive, et régulièrement donné au second tour face à Emmanuel Macron, et devant Marine Le Pen.

Démonstration de force pour l’entrée en campagne

Éric Zemmour attend le 30 novembre pour mettre fin au vrai-faux suspense sur sa candidature. Déjà, sa précampagne a commencé à marquer le pas. Il se déclare dans une vidéo très inspirée par l’appel du 18 juin de Charles de Gaulle, et dans laquelle de nombreux extraits de films et des images d’archives mettent en opposition la France prétendument rêvée des trente glorieuses avec celle des années 2000, représentée par des images de violences urbaines. « Ce pays que vous chérissez est en train de disparaître […] Vous êtes des étrangers dans votre propre pays, vous êtes des exilés de l’intérieur », déclare le polémiste. Une référence à peine voilée à la théorie complotiste du « grand remplacement ». Plusieurs ayants droit des images utilisées dans cette vidéo, sans leur autorisation, portent plainte.

L’entrée officielle d’Éric Zemmour dans la campagne sème le trouble à droite. Certains LR ne cachent pas leur sympathie pour l’ancien journaliste du Figaro. Éric Ciotti et François-Xavier Bellamy se disent prêts à voter pour lui dans l’hypothèse d’un duel face à Emmanuel Macron au second tour. Éric Zemmour lance d’ailleurs un appel aux électeurs d’Éric Ciotti après sa défaite au congrès d’investiture des LR. Dans le même temps, Marine Le Pen, qui peine à franchir la barre des 20 % dans les enquêtes d’opinion, se fait plutôt discrète sur la scène médiatique, et préfère privilégier une campagne de terrain.

Le 5 décembre, un meeting réunissant près de 15 000 personnes à Villepinte marque en grande pompe le début de la campagne d’Éric Zemmour, et le lancement de son parti, baptisé Reconquête ! L’évènement est émaillé de nombreux incidents. Un homme tente d’attraper le candidat au cou, des journalistes de Quotidien sont exfiltrés après avoir été pris à partie. Enfin, plusieurs militants antiracistes sont violemment frappés par des sympathisants du « Z ».

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Polémiques et démêlés avec la justice

Globalement, sa campagne électorale rebondit de polémiques en coups d’éclat. Déjà en octobre, il avait suscité plusieurs réactions indignées en pointant des journalistes avec une arme d’assaut pendant sa visite au Salon mondial de la sécurité intérieure. Son doigt d’honneur à une passante - qui lui avait adressé le même geste – durant un déplacement à Marseille a largement tourné sur les réseaux. En janvier, la bronca suscitée par ses propos sur la scolarisation des enfants handicapés le contraint à un rétropédalage vidéo le lendemain.

Début 2022, Éric Zemmour passe deux fois en jugement. Il est condamné à 10 000 euros d’amende le 17 janvier pour « complicité d’injure raciale et de provocation à la haine » suite à des propos sur les mineurs isolés, mais fait appel de cette décision. Il est à nouveau jugé trois jours plus tard, accusé de contestation de crimes contre l’humanité pour ses déclarations sur le maréchal Pétain et les Juifs français. Il avait bénéficié d’une première relaxe dans cette affaire (la cour d’appel a indiqué qu’elle ne rendrait sa décision qu’après la présidentielle).

Le début de la fin

Dans les camps adverses, on dénonce un programme presque essentiellement centré sur la lutte contre l’immigration et l’islam politique. La possibilité d’un rapprochement avec le Rassemblement national avant le premier tour est rapidement évacuée. Outre les noms d’oiseaux dont s’invectivent régulièrement les deux camps, le RN, qui se reconnaît des points de convergence avec l’essayiste, dénonce les positions libérales d’Éric Zemmour en matière d’économie et la brutalité de son discours. Une manière pour Marine Le Pen d’adoucir son image alors qu’elle a particulièrement mis en avant, dans cette campagne, le volet social de son programme.

En parallèle, la dynamique sondagière du candidat s’essouffle, tandis que les intentions de vote pour Marine Le Pen repartent à la hausse. Passé le mois de janvier, plus aucun sondage n’annonce Éric Zemmour au second tour. Paradoxalement, il continue d’engranger des ralliements, ses soutiens politiques sont principalement issus des rangs du RN (Gilbert Collard, Stéphane Ravier, Nicolas Bay, Marion Maréchal, Jérôme Rivière, Bruno Mégret), des mouvements conservateurs et souverainistes (Philippe de Villiers, Jean-Frédéric Poisson, Christine Boutin, Laurence Trochu), identitaires (Damien Rieu, Renaud Camus) et quelques LR aussi (Guillaume Pelletier, Sébastien Meurant).

L’éclatement de la guerre en Ukraine, fin février, le met en difficulté. Ses adversaires, notamment chez LR, ne manquent pas de rappeler certaines de ses déclarations en faveur de Vladimir Poutine. Son rétropédalage sur l’accueil des réfugiés ukrainiens, auquel il s’est d’abord opposé, est pointé du doigt. Le candidat accuse aussi des signes de fatigue : il est jugé perdant après un débat chaotique face à Valérie Pécresse sur TF1, le 10 mars. Son lapsus - « Je ne vous promettrai pas ce que je peux tenir » - lors de son passage, quatre jours plus tard, dans l’émission spéciale « La France face à la guerre » sur la première chaîne, est abondamment relayé. Fin mars, il tente un dernier coup médiatique, avec un déplacement porte de La Villette à Paris, au milieu des toxicomanes, suivi par Jean-Marc Morandini et les caméras de son ancien employeur, CNews. Il y est visé à plusieurs reprises par des huées et des tirs de projectiles.

La polémique du Trocadéro

À la même période, Éric Zemmour repasse sous la barre des 10 % dans certaines enquêtes. À la quatrième, voire la cinquième place, derrière Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et au coude à coude avec Valérie Pécresse. Le polémiste voit ainsi s’éloigner ses chances de qualification. Le 27 mars, un grand meeting au Trocadéro, dans les pas de Nicolas Sarkozy et François Fillon, devait lui permettre de trouver un nouveau souffle. Mais la prestation est en partie éclipsée par les « Macron assassin » que scandent ses soutiens et qu’il assure, après coup, n’avoir pas entendu. La séquence lui vaut l’une des rares piques envoyées par Emmanuel Macron durant la campagne à l’un de ses adversaires. « Deux hypothèses : l’indignité, c’est plutôt celle qui me semble la plus crédible, et ça n’est pas une surprise. La deuxième : la méconnaissance d’une réforme importante du quinquennat, le 100 % santé. Les prothèses auditives sont remboursées par la sécurité sociale […] j’invite le candidat malentendant à pouvoir s’équiper à moindres frais », raille le président sortant en marge d’un déplacement à Dijon.

Le 5 avril, sur France 2, Éric Zemmour glisse qu’il sera candidat aux législatives, ce qui pourrait laisser entendre que lui-même ne croit plus à ses chances de qualification. Avant de se rattraper aussitôt : « Je serai candidat… mais je serai au second tour et je serai élu. » Il rêvait pour sa fin de campagne d’une carte postale magistrale : une ascension jusqu’à la basilique Sainte Marie-Madeleine de Vézelay. Un déplacement finalement annulé après la mise en ligne d’une pétition de riverains contre sa venue. À la place, le candidat a dû se contenter d’un ultime rassemblement au Palais des Sports de Perpignan. Mais pour Éric Zemmour, la « colline éternelle » de Vézelay aurait sans doute été moins raide à gravir que cette présidentielle.

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