Présidentielle : « Bruno Retailleau construit son réseau, tisse sa toile »

Présidentielle : « Bruno Retailleau construit son réseau, tisse sa toile »

Bruno Retailleau fait un pas de plus vers une éventuelle candidature en 2022 dans une lettre en forme de programme. Alors que la droite n’a pas encore de candidat attitré, « c’est le moment où chacun va sortir du bois » souligne la sénatrice LR Sophie Primas. Le patron des sénateurs LR n’a pas d’autres choix que de se découvrir pour combler son déficit de notoriété.
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Sur le papier, ou plutôt d’après les sondages, il n’est pas favori à droite, face à Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse. Alors Bruno Retailleau décide d’agir. Et de prendre date. Le président du groupe LR du Sénat a écrit aux adhérents de Force républicaine, le mouvement dont il a hérité de François Fillon. Une lettre sous forme de quasi-programme électoral, qui s’adresse en réalité aux Français (lire notre article pour plus de détails). Un pas de plus vers la présidentielle de 2022 pour le sénateur de Vendée.

Pendant qu’Emmanuel Macron est de nouveau rattrapé par la crise sanitaire, que la droite se cherche encore un leader, Bruno Retailleau avance donc ses pions et tente de donner un coup de pouce au destin. « Il construit son réseau, il tisse sa toile. Il le fait depuis quelques années, suite à son engagement auprès de François Fillon. C’est le moment où il a envie de se positionner, dire "j’existe, j’ai un positionnement clair. Je fais partie de ceux qui auront quelque chose à dire dans les mois qui viennent dans le parti" analyse Sophie Primas, présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat, qui affirme n’être dans aucune écurie présidentielle aujourd’hui.

Au groupe LR du Sénat, « chacun attend de voir ce qui va se passer »

Au groupe LR du Sénat, qui avait majoritairement soutenu François Fillon en 2017, son activisme ne semble pour le moment pas avoir trop d’effets. « Chacun attend de voir ce qui va se passer » selon la sénatrice LR des Yvelines. Prudence, prudence. « Grosso modo, la moitié du groupe s’en fout » lâche l’un de ses membres… Mais Bruno Retailleau compte déjà des soutiens affichés. « 2022, c’est quelque chose qui se prépare. Pour lequel il faudra, dans un temps donné, préciser quel sera le candidat des LR. Et j’apporterai mon soutien à Bruno Retailleau » assure aujourd’hui Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val-d’Oise, qui partage la ligne de fermeté du patron des sénateurs LR sur les questions régaliennes. Valérie Boyer, aujourd'hui sénatrice LR, salue aussi sa lettre :

« Le candidat des LR devra rassembler la droite et le centre. Et pour moi, c’est le candidat de la droite et du centre » ajoute Jacqueline Eustache-Brinio. Mais rien n’est encore fait, reconnaît la sénatrice :

Aujourd’hui, toutes les cartes n’ont pas été posées sur la table. Il a bien fait d’écrire cette lettre.

« C’est le moment où chacun va sortir du bois » ajoute Sophie Primas. « Bruno Retailleau a raison d’avancer car il a un déficit de notoriété. Pourtant, il fait des efforts depuis longtemps » note Philippe Dominati, sénateur de Paris. Membre du groupe LR, il n’a plus sa carte au parti depuis 2016. Pour l’heure, il ne se « reconnaît dans aucun leader ». S’il partage le libéralisme économique avec Bruno Retailleau, il lui reproche d’être « conservateur et antieuropéen ».

« Etat de démembrement et de désarroi du parti »

« Il prend la machine des LR à défaut, car en réalité toute la machine ne tournait que pour François Baroin (qui a jeté l’éponge, ndlr). Il est le seul autre candidat qui se déclare de plus en plus, car Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ne sont plus membres de LR. Et là, Christian Jacob (président des LR) n’a rien trouvé d’autre pour l’instant que de repousser le mode de désignation du candidat après les régionales, qui vont être repoussées… Si je comprends bien, LR ne va se préoccuper du système de candidature qu’au mois de juin 2021, c’est-à-dire à 10 mois de la présidentielle. C’est dire l’état de démembrement et de désarroi de cette famille politique. Il n’y a pas de chef » lâche Philippe Dominati. « C’est un vrai sujet. Ça commence à être tard » confirme Sophie Primas.

Et pas évident de trouver la formule idéale. « Une primaire, je ne sais pas ce que ça veut dire, et personne n’a ni les moyens financiers, ni l’envie de refaire ce qui nous a tant coûté politiquement » selon Sophie Primas. La sénatrice LR des Yvelines ajoute qu’« une désignation interne, ça n’a pas beaucoup de sens. Car interne à LR ? A LR plus Libre ! (mouvement de Valérie Pécresse, ndlr) et Force républicaine ? C’est peut-être ça qu’il faut obtenir : faire une primaire à l’intérieur des mouvements réunis. Mais je n’ai pas trouvé la martingale ». Sophie Primas ajoute : « Je ne sais pas ce que ça veut dire le parti. On a un mouvement de droite, on a Libre !, Force républicaine, un truc qui s’appelle La manufacture (club de réflexion de Xavier Bertrand, ndlr), un truc qui s’appelle les Gaullistes sociaux. En réalité, on est tous issus de la même famille politique. C’est dans cet ensemble là qu’on doit se dire, qui y va au nom de tous ». Et si possible uni prévient la présidente de la commission des affaires économiques :

A droite, soit on s’entend, soit c’est fini. Deux candidats pulvériseraient ce qui reste de la droite.

« Il suffit presque d’un accident pour qu’il soit le candidat : que Xavier Bertrand ne gagne pas les Hauts-de-France »

Le problème pour Bruno Retailleau tient encore dans sa capacité à rassembler. « Bruno Retailleau fait avancer le débat, pour autant, sa candidature n’est pas une candidature de consensus et de rassemblement » selon Philippe Dominati.

S’il les planètes sont encore loin d’être alignées pour l’ancien lieutenant de François Fillon, le sénateur de Vendée dispose cependant d’une série d’atouts dans son jeu. « Bruno Retailleau a la tête bien faite, il est organisé, travailleur, connaît ses dossiers. Il ne veut pas uniquement faire parler de lui. Et a de l’argent par Force républicaine. Il a un mouvement, un groupe qui lui donne des moyens et n’est pas contesté au sein du groupe alors qu’il pourrait l’être. C’est pas mal… » constate Philippe Dominati, qui n’exclut pas qu’il puisse emporter la bataille à droite : « Il suffit presque d’un accident pour qu’il soit le candidat qui s’imposera à la droite. Ce serait que Xavier Bertrand ne gagne pas les Hauts-de-France. Et Emmanuel Macron, la gauche et le RN feront tout pour battre Bertrand ». Et avec l’instabilité actuelle dans le pays, des surprises sont toujours possibles.

« Que chacun soit raisonnable et ne pense pas à son nombril mais à la France »

Si la campagne est encore loin, d’autant plus pour les Français pris par la crise sanitaire et économique, Sophie Primas rêve déjà, de son côté, d’une image : « Qu’ils se mettent tous ensemble sur la scène. Cette photo est extrêmement importante. Car c’est chez nous qu’il y a le plus de compétences. Il faut qu’on ait un chef et que chacun soit raisonnable, et ne pense pas à son nombril mais à la France ». Et si d’aventure Bruno Retailleau n’est pas candidat, son activisme lui sera utile. « Il avance comme quelqu’un qui comptera dans la décision, la campagne et en cas de victoire » souligne la sénatrice des Yvelines.

Pour trouver le candidat, Sophie Primas mise sur la solution mise en avant par le président du Sénat, Gérard Larcher : le départage, « une hybridation entre une désignation et une primaire » tente-t-elle d’expliquer. Reste qu’on n’en connaît pas encore le mode d’emploi. Si vraiment les prétendants ne trouvent pas la solution, restera la courte paille.

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