Présidentielle : cinq candidats, cinq enjeux pour un débat décisif

Présidentielle : cinq candidats, cinq enjeux pour un débat décisif

François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon jouent gros ce soir lors du débat organisé par TF1. Une première. Jamais des candidats ne s’étaient affrontés en direct avant le premier tour.
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Première historique. A un peu plus d’un mois du premier tour, la campagne présidentielle va vivre son moment fort avec le premier débat télévisé entre les cinq candidats les mieux placés dans les sondages. François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon vont s’affronter pendant 2h30. Ils jouent gros.

Habituel aux Etats-Unis, c’est la première fois qu’un débat télé est organisé avant le premier tour en France. Jusqu’en 2012, il fallait attendre le traditionnel débat d’entre-deux tours. Le premier avait été organisé en 1974, entre Valérie Giscard d’Estaing et François Mitterrand.

debat tf1
AFP/Paul DEFOSSEUX, Paz PIZARRO, Stéphane KOGUC

Ce débat, c’est l’influence des primaires LR et PS. Les débats télés avaient été des moments clefs entre tous les candidats. Sauf que ce premier débat, organisé par TF1, ne comptera pas les onze qualifiés à la présidentielle par le Conseil constitutionnel. La chaîné privée a fait le choix d’inviter uniquement les « gros » candidats, suscitant l’ire de Nicolas Dupont-Aignan, qui n’est pas de la partie. Pour dénoncer ce club des cinq, le candidat de Debout la France a quitté le plateau du 20 heures de TF1 samedi. La vidéo qu’il a posté sur sa page Facebook a fait plus de 12 millions de vues. Dans un communiqué, TF1 a rappelé qu’« à deux reprises, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel puis le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative, saisi en référé, ont débouté Nicolas Dupont-Aignan de ses demandes ».

Le débat sera sans nul doute regardé par plusieurs millions de téléspectateurs. Dans une campagne jusqu’ici hachée et polluée par le climat des affaires, les électeurs pourront se pencher sur les programmes et comparer. Pour chaque candidat, le temps de parole reste court. Il faut être synthétique. Entre eux, les enjeux ne sont pas les mêmes.

François Fillon : tourner la page des affaires et inverser la tendance

François Fillon à son arrivée à un meeting le 16 mars 2017 à Caen
François Fillon à son arrivée à un meeting le 16 mars 2017 à Caen
AFP

Candidat d’une élection imperdable à Noël, François Fillon en est devenu challenger. C’est pourquoi il a tout à gagner du débat. Le candidat de la droite et du centre est affaibli par sa mise en examen dans l’affaire d’emplois présumés fictifs de sa femme Penelope et de ses enfants. La droite a vécu un psychodrame pire que la guerre Copé/Fillon de 2012. Lâché par une grande partie de son camp, François Fillon s’est maintenu coûte que coûte. Inaudible à cause des affaires, le débat sera l’occasion de faire à nouveau entendre son projet, donc les sujets ou expressions les plus clivants ont été gommés.

Lors de la primaire de la droite, les confrontations télés avaient certainement joué un rôle important dans sa victoire. Loin derrière les favoris selon les sondages, François Fillon avait sorti son épingle du jeu lors des trois débats. Il peut espérer recommencer. Malgré la tempête, le candidat bénéficie toujours d’un socle autour de 18-20%. Tout l’enjeu est d’attirer à nouveau des électeurs du centre tentés par Emmanuel Macron tout comme une partie de ceux qui se tournent vers le FN. Mais la tonalité de ses derniers meetings semble montrer que François Fillon mise sur les seconds pour refaire son retard.

Benoît Hamon : un débat pour aller chercher les indécis

Benoît Hamon a réuni environ 2.000 personnes à Marseille, le 7 mars 2017
Benoît Hamon a réuni environ 2.000 personnes à Marseille, le 7 mars 2017
AFP

C’est maintenant ou jamais pour le candidat du Parti socialiste. Quatrième dans les sondages, Benoît Hamon a lui aussi plus à gagner qu’à perdre lors du débat. C’est le troisième acte de l’opération (re)conquête : présentation détaillée du projet la semaine dernière, grand meeting réussi à Bercy hier avec plus de 20.000 personnes, et confrontation, projet contre projet, ce soir. Comme François Fillon, Benoît Hamon avait plutôt réussi les débats de la primaire. Il avait fait mentir les sondages qui le donnaient d’abord éliminé.

A Bercy, Benoît Hamon a eu la main lourde contre Emmanuel Macron, qu’il renvoie à droite et le présente en candidat de l’argent et des milieux d’affaires. Un discours clairement ancré à gauche, qui vise autant à récupérer l’électorat de Mélenchon qu’à recréer « du clivage gauche/droite » explique un de ses soutiens, afin de mobiliser. Le calcul est simple : une grande partie de l’électorat, notamment de gauche, est encore indécis à des niveaux inhabituels à un mois du premier tour. « Rien n’est cristallisé » assure un de ses vieux compagnons de route. « Il a un potentiel électoral de 30% dont la moitié est tentée par d’autres candidats. Le sujet pour nous est d’exploiter ce potentiel » explique son co-directeur de campagne, Jean-Marc Germain. Ce soir, Benoît Hamon pourra rappeler ses thématiques proches des gens, qui ont fait son succès, comme la lutte contre les perturbateurs endocriniens, la reconnaissance du burn out, tout en faisant mieux comprendre son revenu universel d’existence, mesure qui fait débat. Suffisant pour remonter la pente ?

Marine Le Pen : percer l’éternel plafond de verre

Marine Le Pen à Mirande le 9 mars 2017
Marine Le Pen à Mirande le 9 mars 2017
AFP

En tête des sondages au premier tour depuis des mois, on pourrait croire que Marine Le Pen risque de perdre des plumes lors du débat. Mais rien ne semble égratigner la candidate du FN, pas même les affaires qui la touchent aussi, avec celle des assistants parlementaires du FN au Parlement européen. Ses ennuis judicaires l’ont cependant empêché de mettre en avant son projet ces dernières semaines et le débat sera l’occasion de le faire. Après avoir cherché à montrer un visage plus modéré dans la précampagne, en jouant notamment sur sa personnalité ou en abordant des thèmes plus nouveaux pour le FN, comme l’écologie ou les fonctionnaires, elle a aussi recentré son discours sur ses fondamentaux dernièrement. Le débat est l’occasion pour elle de garder sa spécificité tout en réussissant à convaincre qu’elle peut arriver au pouvoir et crever le plafond de verre.

Avec Emmanuel Macron, elle sera l’autre grande cible des autres candidats. Marine Le Pen est un point d’appui pour eux. François Fillon dénonce un projet irréaliste et peut espérer convaincre une partie de ses électeurs. Emmanuel Macron joue la carte du vote utile pour faire barrage à l’extrême droite. Benoît Hamon dénonce son programme mais récuse l’idée d’un vote « contre » – faute de pouvoir l’incarner – pour défendre celle d’un « vote pour » des idées. Jean-Luc Mélenchon peut plus difficilement l’attaquer sur l’Europe, qu’il critique comme elle, sans apporter les mêmes solutions, mais se différencie sur la République et une idée ouverte du vivre ensemble.

Emmanuel Macron : un débat à risques pour le favori des sondages

Emmanuel Macron à Reims le 17 mars 2017
Emmanuel Macron à Reims le 17 mars 2017
AFP/Archives

La fusée Macron ne devait être qu’un feu de paille. Le candidat d’« En marche ! » allait forcément se dégonfler, ont cru nombre de politiques ou de journalistes. Emmanuel Macron est aujourd’hui au plus haut et gagne même des points dans les sondages, au coude à coude avec Marine Le Pen. En cas de second tour face à la candidate FN, il endosse aujourd’hui le costume de favori. C’est pourquoi Emmanuel Macron a plus à perdre dans le débat.

L’effet Macron peut s’expliquer par deux choses : en dépit de son passé de secrétaire général adjoint de l’Elysée et de ministre de l’Economie, il incarne une forme de renouveau, auquel aspirent les Français. Hollande, Valls, Duflot, Sarkozy ou Juppé en savent quelque chose. Emmanuel Macron a aussi placé sa candidature hors du clivage gauche/droite et se veut sur un positionnement antisystème. Les électeurs peuvent ainsi avoir le sentiment de voter différemment, sans voter pour les extrêmes. Un vote antisytème soft et qui paraît sans risque en somme. Mais ses concurrents comptent bien dénoncer les limites de son positionnement. Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Hamon rappellent volontiers son passé de banquier d’affaires et en fond le candidat de l’argent. François Fillon veut lui coller l’étiquette de candidat de gauche et en fait l’héritier de François Hollande. Sur le plan économique ou la dette, Emmanuel Macron est en effet dans la continuité du chef de l’Etat. S’il est élu, ce sera l’ironie de l’élection : le candidat peut-être le plus proche de François Hollande, rejeté par de nombreux Français, pourrait l’emporter. A moins que le débat mette en lumière cette contradiction…

Jean-Luc Mélenchon : sortir du tête à tête avec Benoît Hamon

Le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, le 19 janvier 2017 à Florange
Le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, le 19 janvier 2017 à Florange
AFP/Archives

Le leader de la France insoumise arrive dans ce premier débat renforcé par sa grande marche, samedi à Paris, qui a rassemblé 130.000 personnes selon les organisateurs. Le candidat de la gauche radicale est pourtant à la traine dans les sondages, comme Benoît Hamon. La victoire du socialiste à la primaire a été une mauvaise nouvelle pour lui. Hamon vient sur les terres écolo-sociales de Mélenchon. Les deux se cannibalisent pour le moment. L’enjeu est d’assécher les voix de l’autre pour sortir de ce match dans le match et jouer les premières places.

Jean-Luc Mélenchon peut compter sur sa gouaille et sa maîtrise du verbe pour faire la différence dans le débat. Il peut aussi renvoyer le socialiste à ses ambigüités. Si Benoît Hamon a largement critiqué le bilan économique de François Hollande lors de la primaire, il fait aujourd’hui aussi applaudir le Président sur la lutte contre le terrorisme, les DOM-TOM ou les collectivités. Il pourra rappeler Benoît Hamon à ses critiques en sourdine, quand il était au gouvernement. Pire, le candidat PS avait fait un pacte avec… Manuel Valls pour pousser Jean-Marc Ayrault dehors et peser davantage. Reste à voir si Jean-Luc Mélenchon décide d’attaquer, même indirectement, Benoît Hamon lors du débat. Les deux candidats, qui ont échoué à s’entendre sur une candidature commune, évitent jusqu’ici de s’attaquer mutuellement…

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