Présidentielle : de 60 à 65 ans, que proposent les candidats sur l’âge de départ à la retraite ?

Présidentielle : de 60 à 65 ans, que proposent les candidats sur l’âge de départ à la retraite ?

Alors que le nouveau projet de réforme des retraites d’Emmanuel Macron a fuité mercredi, la CFDT a auditionné ce jeudi 6 candidats à l’élection présidentielle ainsi que leurs représentants. L’occasion pour Richard Ferrand de revenir sur la nouvelle réforme envisagée par Emmanuel Macron et pour les autres candidats de se positionner sur ce qui est en train de devenir un enjeu de la campagne présidentielle.
Louis Mollier-Sabet

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« Quelques fois, ça a dû vous gratter », plaisante (plus ou moins) Laurent Berger à l’issue de l’oral qu’ont passé six candidats ou leurs représentants devant la CFDT. Le poil à gratter qui s’est glissé dans cette rencontre organisée par le syndicat réformiste, c’est – encore et toujours – la réforme des retraites. On se croirait revenu à l’hiver 2019, au moment du divorce entre la CFDT, au départ pas défavorable à la fameuse réforme par points promise par Emmanuel Macron, et le gouvernement. Après de longues tergiversations et sous la pression d’Édouard Philippe, l’exécutif avait en effet finalement décidé de franchir la ligne rouge posée par le syndicat réformiste en tentant d’introduire une mesure « paramétrique » avec « l’âge-pivot », qui revenait à repousser l’âge de départ à taux plein. La réforme avait finalement été abandonnée suite à la crise sanitaire, après des semaines de contestation. Mais voilà que les retraites se réinvitent dans la campagne présidentielle, et à l’agenda de la CFDT, avec l’annonce dans les Echos du projet de réforme des retraites porté par le candidat Emmanuel Macron, 24h avant l’oral tenu par le syndicat.

« Nous sommes prêts à contrer toute réforme porteuse d’injustice sociale »

Richard Ferrand s’est donc retrouvé obligé de défendre – un peu en urgence – le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. « Vous imaginez la nuit que j’ai passée ? » ironise le président de l’Assemblée nationale. « Notre cheminement, c’est qu’il faut travailler plus pour créer plus de richesses et protéger notre modèle social en ouvrant de nouveaux droits. Nous mettons sur la table un objectif cible de départ à la retraite [65 ans, ndlr], qui sera atteint progressivement, à raison de 4 mois par an pendant 9 ou 10 ans. » Richard Ferrand, soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, a aussi tenté de faire vivre la logique du « en même temps » sur la réforme des retraites : « En contrepartie nous voulons des mesures concrètes, avec une retraite minimum à 1100 euros et des mesures d’âge pour tenir compte de la situation physique et psychique des travailleurs qui ont eu une carrière longue et éreintante. » Le fameux « régime universel » ne serait mis en place que pour « les nouveaux entrants. »

Laurent Berger avait à cœur de prouver que la CFDT était « à l’écoute » et voulait simplement permettre aux syndicalistes et aux citoyens « d’y voir plus clair » dans les programmes des candidats. Ce n’est pas dans la culture du syndicat réformiste de se ranger clairement derrière tel ou tel candidat, mais, quand on lit entre les lignes, l’hiver 2019-2020 a laissé des traces dans les relations de la CFDT avec Emmanuel Macron : « La démocratie ne s’arrêtera pas fin avril et ne se limite pas à un geste dans l’isoloir. La démocratie c’est aussi la pratique de la décision politique et l’exercice du pouvoir. La CFDT sera toujours prête à faire des propositions et celle ou celui qui sera élu devra les prendre en compte. Nous sommes prêts à contrer toute réforme porteuse d’injustice sociale. » Le 1er tour n’a pas encore eu lieu que la bataille des retraites est déjà lancée. Et pour cause, le Président de la République en exercice fait figure de favori et Richard Ferrand a encore confié ce matin que la réforme des retraites serait une « excellente première réforme d’un 2nd quinquennat. » En tout cas, Laurent Berger annonce la couleur : « Nous avons montré notre volonté d’écoute, mais aussi notre engagement. Et nous le poursuivrons au-delà de ces élections. »

À gauche : retour à 60 ans pour Mélenchon et Roussel, statu quo à 62 ans pour Hidalgo et Jadot

Même si Emmanuel Macron est seulement un candidat parmi d’autres dans cette campagne présidentielle, sa position de Président de la République – ayant déjà entrepris une réforme des retraites avortée – fait de sa proposition l’étalon sur lequel les autres candidats se positionnent. À gauche, on fustige ce report de l’âge légal de départ. Enfin, avec une nuance tout de même : Anne Hidalgo et Yannick Jadot souhaitent rester sur l’âge légal actuel de 62 ans pour un départ à taux plein, alors que Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon (représenté aujourd’hui par Éric Coquerel) souhaitent revenir à un âge légal de départ à la retraite de 60 ans et de 40 annuités de cotisations.

D’un côté, la gauche sociale-démocrate insiste sur les inégalités face au report de cet âge de départ, sans remettre en cause les 62 ans actuel. La candidate du PS argue par exemple que travailler plus longtemps « est une très mauvaise nouvelle pour les métiers extrêmement durs et mal payés » et veut « réinstaurer les critères de pénibilité » mis en place sous le quinquennat de François Hollande et supprimés par Emmanuel Macron. Chez EELV, on dénonce une « injustice fondamentale » dans les 10 ans de différence d’espérance de vie en bonne santé entre un ouvrier et un cadre. Yannick Jadot entend ainsi augmenter la fiscalité sur les droits de succession des « grandes fortunes » pour financer une politique de la dépendance, et notamment embaucher dans les Ehpad pour atteindre 1 accompagnant par pensionnaire.

De l’autre, la gauche radicale n’est pas en désaccord sur les inégalités d’espérance de vie, ou la prise en compte de la pénibilité, mais défend un retour à un âge légal de départ à 60 ans, parce que « c’est possible » pour Fabien Roussel. « On entend que ce n’est pas possible, même chez une partie de la gauche. Ce n’était pas possible les congés payés en 1936, ce n’était pas possible la retraite à 60 ans et la 5ème semaine de congés payés en 1981 », poursuit le candidat communiste.

Les relations entre LFI et le PCF ne sont pas au beau fixe, mais sur la question des retraites, on se rappelle pourquoi les communistes ont fait campagne avec Jean-Luc Mélenchon en 2012 et en 2017. Éric Coquerel explique ainsi lui aussi qu’il est tout à fait possible de partir à 60 ans sans mettre en danger l’équilibre du régime des retraites : « Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) prévoit un rééquilibrage des comptes en 2042, aujourd’hui il manque 3 milliards d’euros par an. » Le député LFI de Seine-Saint-Denis déroule le programme de Jean-Luc Mélenchon, dans lequel la suppression des exonérations de cotisations ou l’égalité salariale homme / femme permettrait de financer un âge légal à 60 ans par l’augmentation des recettes de la Sécu et de la branche retraites. « Comment peut-on travailler jusqu’à 65 ans quand 1 million de personnes de plus de 60 ans sont au chômage ? » renchérit Fabien Roussel.

À droite, le report de l’âge légal à 64-65 ans est acté, sauf pour Marine Le Pen

Pour Damien Abad, représentant Valérie Pécresse ce jeudi devant la CFDT, on doit justement faire travailler les Français jusqu’à 65 ans « parce qu’il n’y a pas 36 solutions. » Le président du groupe LR à l’Assemblée nationale rejoint ainsi la nouvelle proposition d’Emmanuel Macron en affirmant que « nous devons reculer progressivement l’âge légal de départ à la retraite jusqu’à 65 ans, en fonction de l’espérance de vie. » Mais Damien Abad entend bien faire de Valérie Pécresse l’original et d’Emmanuel Macron la copie, puisque celui-ci a changé son fusil d’épaule depuis la réforme des retraites avortée en 2019-2020 : « J’ai vu que les retraites étaient d’actualité, que certains candidats prenaient des engagements qu’ils n’ont pas tenu quand ils étaient président. Nous, nous n’avons pas changé, nous ne croyons pas au système par points présenté par le gouvernement. » Pourtant, il reste difficile de voir exactement ce qui distingue les propositions d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse sur ce point, puisqu’en contrepartie, Damien Abad explique lui aussi que sa candidate souhaite prendre en compte « les carrières longues et hachées. »

Valérie Pécresse propose aussi de permettre le « cumul emploi-retraite » et une « bonification trimestrielle » pour « celles et ceux qui s’engagent dans le milieu associatif. » Ils n’étaient pas présents ce jeudi, mais à l’extrême droite, Éric Zemmour défend un report de l’âge légal de départ à 64 ans. Marine Le Pen fait, elle, figure d’exception à la droite de l’échiquier politique, en proposant un âge de départ compris entre 60 et 62 ans, selon l’âge d’entrée dans la vie active, un amendement à son programme de 2017, qui comprenait encore la retraite à 60 ans. En tout état de cause, cet âge légal de départ qui avait agité le début du quinquennat se retrouve dorénavant au cœur de la campagne. De 60 à 65 ans, l’éventail est large, faites votre choix.

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