Présidentielle : sonnée par ses 4,8 %, la droite s’interroge sur le jour d’après

Présidentielle : sonnée par ses 4,8 %, la droite s’interroge sur le jour d’après

L’échec de Valérie Pécresse (LR) au premier tour de la présidentielle, avec un score historiquement bas pour la droite, devrait obliger la droite à se réinventer pour continuer à exister face à l’extrême droite et à Emmanuel Macron.
Romain David

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La droite au bord de l’abîme ? Dix ans après avoir perdu le pouvoir, la droite s’est vue éjectée du second tour de l’élection présidentielle pour la deuxième fois consécutive. Avec 4,8 % des suffrages exprimés, selon notre estimation Ipsos-Sopra Steria, France 2, France Inter, Public Sénat et LCP-AN, Valérie Pécresse s’incline à quelques encablures du seuil symbolique des 5 %, nécessaires pour obtenir un remboursement des frais de campagne. Surtout, elle perd plus de 15 points par rapport au score enregistré par François Fillon cinq ans plus tôt. Si depuis plusieurs semaines plus aucun élu ne s’illusionnait sur ses chances d’accéder au second tour, rien ne lui prédisait une telle déroute, qui interroge jusqu’à la survie du parti. Dimanche soir, les prises de position se sont multipliées chez LR, trahissant le désarroi de ses cadres et augurant de la longue période de remise en question qui va s’ouvrir pour la droite.

Se positionner face au second tour

« Malgré les profondes divergences que j’ai martelées au long de la campagne, je voterai, en conscience, Emmanuel Macron », a annoncé Valérie Pécresse dimanche soir, une vingtaine de minutes après la fermeture des derniers bureaux de vote et la publication des premières estimations. Si la candidate avait d’abord fait savoir qu’elle ne donnerait aucune consigne de vote à ses électeurs, l’avertissement qu’elle leur a lancé avait pratiquement valeur d’injonction. « Je ne suis pas propriétaire des suffrages qui se sont portés sur mon nom. Mais je demande aux électrices et aux électeurs qui m’ont honorée de leur confiance de peser dans les jours qui viennent avec gravité les conséquences potentiellement désastreuses pour notre pays et pour les générations futures de tout choix différent du mien qu’ils envisageraient pour le second tour », a-t-elle déclaré. « L’important, pour moi, c’est la clarté de sa position. Je m’inscris dans la même tradition qu’elle », salue le sénateur Philippe Bas, ancien président de la commission des Lois, qui évoque une posture « chiraquienne ».

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Une posture qui n’a pas fait l’unanimité pourtant. Éric Ciotti, l’un des « mousquetaires » de Valérie Pécresse durant la campagne, mais aussi son adversaire pendant le congrès d’investiture, avec une ligne très identitaire, a fait savoir qu’il ne donnerait pas de consigne de vote. « Je ne me reconnais pas dans sa politique, je ne le soutiendrai pas », a précisé sur TF1 le député des Alpes-Maritimes à propos d’Emmanuel Macron. À plusieurs reprises au début de la campagne, il avait indiqué qu’il préférerait Éric Zemmour au président sortant dans l’hypothèse d’un duel avec le polémiste d’extrême droite. « Moi, au second tour, je ne souhaite pas qu’il y ait d’instruction de vote parce que je pense que nous n’avons pas autorité pour le faire », abonde le député du Vaucluse Julien Aubert auprès de Public Sénat. « Je ne donnerai mon vote personnel qu’après que le parti a pris la décision, mais il y a de fortes chances pour que ce ne soit pas le même vote que celui de Valérie Pécresse », glisse-t-il.

Est-ce le hasard du calendrier – ce 10 avril marque aussi le 110e anniversaire du départ du Titanic – qui pousse Julien Aubert à filer la métaphore maritime pour évoquer l’état de son parti ? « C’est un naufrage », admet l’élu. « Mais ce n’est pas le naufrage de Valérie Pécresse. Elle a fait une campagne qui était honnête sur le fond. Elle a fait des erreurs, mais pas plus que d’autres. En revanche, c’est un naufrage pour Les Républicains. Maintenant, il faut reconstruire un bateau, mais différemment. Si vous repartez en 2027 avec le même bateau, le même capitaine, les mêmes hommes… Vous aurez les mêmes résultats », explique-t-il.

Malheur aux vaincus

D’autres, en revanche, n’hésitent pas à charger la barque de la candidate et estiment ouvertement qu’elle reste la première responsable de cette déroute électorale sans précédent.  « Elle n’incarne rien, elle dit tout et son contraire depuis dix ans », s’agace le sénateur Jérôme Bascher, ancien soutien de Xavier Bertrand, qui ne cache pas son amertume face au résultat. « Je suis incapable de trouver deux propositions fortes ou une ligne de conduite dans son programme. C’est une bonne gestionnaire à la tête de la région Île-de-France, mais elle n’était pas prête pour la présidentielle. Et quand on n’est pas prêt, pour les meetings, pour serrer des mains, pour débattre, on n’y va pas ! », s’agace-t-il. « J’assume, en responsabilité, toute ma part dans cette défaite », a déclaré Valérie Pécresse dimanche soir.

« On ne peut pas dire qu’elle n’a pas fait une campagne courageuse, même s’il y a eu des erreurs », tempère la sénatrice Céline Boulay-Espéronnier. « Elle peine à incarner une ligne. Elle n’a pas su dire qui elle était, ce qu’était le pécressisme. Sa volonté de synthèse, entre des lignes très opposées lors du congrès, l’a rendu inaudible », analyse l’élue qui avait annoncé, il y a quelques jours déjà, son intention de soutenir Emmanuel Macron pour le second tour, en raison des faibles chances de qualification de la candidate de sa famille politique.

Les législatives, dernier canot de sauvetage ?

Face au score historique enregistré par l’extrême droite à cette présidentielle, puisque Marine Le Pen et Éric Zemmour cumulent à eux deux plus de 30 % des voix, certains élus tentent de faire valoir la nécessité d’une coalition entre la droite républicaine et l’actuelle majorité présidentielle. Jean-François Copé, qui a appelé sur France 2 à voter Emmanuel Macron pour faire battre Marine Le Pen, a évoqué l’idée d’ « un nouveau pacte gouvernemental » associant la droite. « Mais pas en allant à Canossa ou en renonçant à son identité », avertit le maire de Meaux. « C’est tout à fait ma ligne », abonde Céline Boulay-Espéronnier. « J’ai plus en commun avec un Macron qui a déplacé le curseur à droite durant sa campagne qu’avec Éric Zemmour ou Marine Le Pen ».

« Il va falloir coexister intelligemment, parce que si nous ne coexistons pas intelligemment, c’est le RN qui va ramasser les bénéfices », prophétise Gérard Longuet au micro de Public Sénat. « Il ne faut pas se détruire. L’élection au scrutin majoritaire à deux tours oblige à se parler, si on ne se parle pas, on prend des risques considérables », soutient l’ancien ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy. Mais pour Jérôme Bascher, la droite n’a plus les moyens de ses ambitions, et un rapprochement avec le président sortant aboutirait à une dissolution au sein de la macronie. « Vous ne proposez pas un pacte quand vous êtes à moins de 5 %. Vous vous taisez ! », balaye-t-il.

Certains se veulent plus optimistes. À l’image de Philippe Bas, pour qui les législatives représentent un filet de sécurité pour la droite, qui reste solidement implantée dans les territoires. « Pour nous, le combat est loin d’être terminé. Ce qui permet de déterminer ce que sera le gouvernement, ce sont les législatives », soutient le sénateur de la Manche, pour qui Emmanuel Macron et Marine Le Pen ne sont pas arrivés en tête à cause de leurs programmes respectifs, « mais l’un parce qu’il incarnait la continuité et la stabilité face à la guerre en Ukraine, et l’autre parce qu’elle rassemblait les anti-Macron. » Il finit par lâcher le mot de « cohabitation », et d’ajouter : « C’est possible, et c’est souhaitable ».

« On change tout du sol au plafond, on redevient le RPR ! »

On imagine que la nuit sera courte chez les LR, et la journée de lundi particulièrement agitée - pour ne pas dire mouvementée - avec un comité stratégique et un bureau politique dans la matinée, puis une réunion de groupe au Sénat dans l’après-midi. « Le départ annoncé de Christian Jacob [après les législatives, ndlr] ouvrira un débat sur le renouvellement de la ligne. Nous devons dire qui nous sommes et, surtout, qui nous ne sommes pas », martèle Philippe Bas. « On change tout du sol au plafond, on redevient le RPR ! », appelle Julien Aubert « On arrête d’être la droite et le centre, parce qu’à force de vouloir être la droite et le centre, on n’est ni le centre ni la droite. On tranche les divergences entre nous. Il vaut mieux être homogène, avoir une netteté d’image que de faire l’auberge espagnole et finalement, au dernier moment, voir n’importe qui sortir en disant qu’il ne s’y retrouve pas. C’est ce qu’il est arrivé pendant cette campagne. »

« Notre score ne pourra pas nous exonérer d’un débat de fond, fut-il violent », avertit Céline Boulay-Espéronnier. Un score qui posera aussi l’épineuse question des frais de campagne. Un sujet qui devrait lui aussi soulever des discussions animées. Un élu, particulièrement remonté, finit par lâcher : « Puisque Valérie Pécresse assume, qu’elle puise sur son patrimoine de 10 millions d’euros ! »

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