Privatisation d’ADP: face à la bronca, l’exécutif veut tenir le cap
Le gouvernement a voulu maintenir le cap, mercredi, quant à son projet controversé de privatisation d'Aéroports de Paris (ADP), malgré une union...

Privatisation d’ADP: face à la bronca, l’exécutif veut tenir le cap

Le gouvernement a voulu maintenir le cap, mercredi, quant à son projet controversé de privatisation d'Aéroports de Paris (ADP), malgré une union...
Public Sénat

Par Paul AUBRIAT

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Le gouvernement a voulu maintenir le cap, mercredi, quant à son projet controversé de privatisation d'Aéroports de Paris (ADP), malgré une union inédite des oppositions pour tenter d'obtenir un référendum sur la question.

En débat depuis plus de six mois au Parlement, le projet de loi Pacte prévoit de supprimer l'obligation pour l'État de détenir la majorité du capital d'ADP (actuellement 50,63%).

Depuis la première lecture en octobre, cette privatisation est devenue, après son rejet au Sénat à majorité de droite, la principale pomme de discorde, certains pointant un "cadeau à Vinci", qui ne cache pas son intérêt.

Le gouvernement fait face depuis mardi à une coalition de circonstance de l'ensemble de ses oppositions au parlement: au total, 248 députés et sénateurs, issus de toute les formations politiques à l'exception de La République en marche et du Rassemblement national, avaient apposé leur signature pour enclencher un "référendum d'initiative partagée", afin de soumettre la proposition au suffrage universel.

"Mesdames et messieurs Les Républicains, cela a dû vous faire bizarre de vous retrouver sur la même estrade que les communistes et les socialistes, pour vous opposer à la privatisation d'ADP", a fustigé le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, mercredi, en disant "relever les contradictions de cet équipage de circonstance", lors d'une séance chahutée de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale, le 10 avril 2019 à Paris
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale, le 10 avril 2019 à Paris
AFP

Quelques heures plus tôt, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, avait indiqué "(espérer) fortement que la loi Pacte, dans laquelle intervient la privatisation d'ADP, sera adoptée à une large majorité jeudi".

"Nous sommes évidemment respectueux des procédures parlementaires et des outils démocratiques, il est normal qu'ils soient utilisés par l'opposition quand bien même elle est constituée des attelages les plus baroques", avait-elle ensuite ironisé.

Devant le Sénat, le Premier ministre a pour sa part jugé que la tentative d'un référendum d'initiative partagée posait la question de l'"équilibre délicat" entre référendum et démocratie représentative, en faisant valoir que le projet de loi Pacte avait déjà "fait l'objet d'un très long débat" au Parlement.

- "Acceptez le référendum !" -

L'enclenchement d'une procédure du référendum d'initiative populaire peut-il pour autant sonner le glas de la privatisation?

Techniquement, l'hypothèse est possible, mais sinueuse et hautement incertaine.

Si la première condition de 185 paraphes de parlementaires est remplie, elle doit encore être validée par le Conseil constitutionnel.

Les initiateurs devront ensuite recueillir les signatures de 10% du corps électoral, soit environ 4,5 millions de pétitionnaires, favorables à la proposition dont l'article unique dispose que "l'aménagement, l'exploitation et le développement des aérodromes de Paris" - Roissy, Orly et Le Bourget -, "revêtent les caractères d'un service public national".

Elle peut ensuite soit être votée par les deux chambres - fort improbable, puisque LREM a la majorité à l'Assemblée - soit, à défaut d'être présentée au parlement, être soumise au référendum.

Mais c'est surtout sur le terrain politique que ses promoteurs espèrent triompher, en faisant le pari que leur démarche, permise par une réforme de la Constitution de 2008 et jusqu'alors jamais utilisée, contraindra l'exécutif à reculer.

Au Sénat, la cheffe de file des communistes, Eliane Assassi, a ainsi interpellé le Premier ministre: "Si vous avez un doute sur ADP, acceptez le référendum !",a-t-elle lancé, avant de "(mettre) au défi Emmanuel Macron de lancer une telle consultation populaire".

"On vit quand même un moment exceptionnel" avec un gouvernement et une majorité qui "réussissent l'exploit de réunir contre eux la totalité de l'opposition", observait en outre un élu de gauche auprès de l'AFP, jugeant possible que le gouvernement renonce à privatiser.

Le procédé n'a pour autant pas convaincu tout le monde. Marine Le Pen, bien qu'elle avait fait savoir qu'elle "soutiendrait" la démarche, n'a pour l'instant pas signé la proposition.

Chez les Républicains, Eric Woerth, président de la Commission des finances à l'Assemblée, a pour se part indiqué regretter une "confusion dans une France qui a besoin d'un peu de boussole".

Le Groupe ADP a dégagé 610 millions d'euros de bénéfice net en 2018, pour près de 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

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